Philippe, brillant mondain, manipulateur un peu pervers est marié depuis huit ans avec Elisabeth. Elle éprouve une lassitude envers leur couple qui ressemble au désamour. Elle ne supporte plus cette vie à deux. Alors que les sentiments s'étiolent, elle va chercher ailleurs l'émotion et le désir qui lui manquent. Sa quête illusoire de liberté prend le visage de ses amants. Philippe, délaissé, contemple le bal des prétendants qui gravitent autour de sa femme. Il use de stratagèmes pour se donner l'impression qu'il est encore maître de la situation, s'abuse lui-même tandis qu'il tend des pièges, s'arrange pour croiser le chemin de ceux qui retiennent sa femme dans leur bras.
Pièce peu connue de Jean Poiret, écrite en 1970, cette comédie de mœurs flirte allégrement avec le drame bourgeois. Sous des abords de vaudeville, la gravité avance masquée tandis que fusent les rires. L'humour est féroce, les bons mots fusent. Le texte très travaillé, vaguement suranné, révèle une préciosité dont l'esprit un peu daté ne manque pas de charme nostalgique.
Sur les pas de Sacha Guitry, dans la manière et le ton, une certaine sophistication, Jean Poiret tisse une intrigue teintée d'un sentiment d'étrangeté que souligne la mise en scène imaginée par Michel Fau. Le décor rétro-futuriste assez spectaculaire créé par Bernard Fay, mobilier vintage années, couleurs pop, machinerie étagée et les lumières psychédéliques de Joël Fabing renforce cette impression de décalage avec la réalité donnant à la pièce une dimension presque onirique. Les costumes un peu dingues de David Belugou sont à l'avenant.
Michel Fau et Mélanie Doutey incarnent ce couple à la dérive avec brio. Démêlant les fils contradictoires de cette partition subtile, ils livrent une interprétation brillante. Séduisante en diable, Mélanie Doutey est vibrante dans un rôle contrasté dont la palette d'émotions fait écho à la dualité de la pièce entre boulevard et tragédie.
Cynique, sarcastique, impérieux, Michel Fau exploite avec bonheur la veine burlesque pour exprimer toute l'amertume de son personnage, son fatalisme défaitiste. Les trois amants, l'intello, le sportif et le jeune homme interprétés par David Kammenos, Christophe Paou et Rémy Laquittant apportent un contre-point décalé intéressant à ce couple intense.
Portée par une verve aussi caustique qu'exigeante, Douce-amère interroge le statut de la femme, une émancipation qui n'est pas évidente au début des années 1970. Histoire douloureuse, ce portrait d'épouse qui cherche sa liberté à travers la réalisation de ses fantasmes, de ses désirs est une réflexion désabusée sur le couple. La psychanalyse des rapports humains et de l'amour finissant y prend la forme délicate d'une ironie mélancolique.
Douce-amère, de Jean Poiret
Mise en scène Michel Fau
Avec Mélanie Doutey, Michel Fau, David Kammenos, Christophe Paou et Rémy Laquittant
Décors Bernard Fau et Natacha Markoff
Lumière Joël Fabing
Costumes David Belugou
Du 2 janvier au 22 avril 2018 - Du mardi au samedi à 21h - Matinée le samedi à 16h30 et le dimanche à 15h.
Théâtre des Bouffes Parisiens
4 rue Monsigny - Paris 2
Réservations : 01 42 96 92 42
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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