Paris : Passage du Ponceau, mélancolie d'un passage dénaturé au cours des années 1970 - IIème



Le passage du Ponceau, qui fait lien entre la rue Saint-Denis et le boulevard de Sébastopol, n'a jamais vraiment connu de moments glorieux. Modeste dès sa construction en 1826, les vagues successives de travaux d'aménagement ont peu à peu dénaturé le lieu, l'amputant de son décor d'inspiration néo-classique, le privant de son âme. Aujourd'hui, le long de la galerie, entrepôts, magasins de prêt-à-porter en gros, quelques rares boutiques au détail, échoppes de restauration rapides tiennent le haut du pavé alors qu'une galerie d'art fait une timide tentative d'incursion.











Galeries percées à travers les immeubles, les passages parisiens ont connu, au début du XIXème siècle, un âge d'or. Propices à la flânerie, promenades élégantes à l'abri des intempéries, de la boue omniprésente, du trafic intense de la rue où peu de trottoirs existent encore, ils séduisent les passants par le luxe de leurs échoppes, l'animation de leurs cafés. La lumière zénithale des verrières le jour fait place le soir au très moderne éclairage au gaz. Trente passages piétonniers ont été réalisés sous la Restauration et la Monarchie de Juillet dont une partie a été détruite lors des grands travaux d'Haussmann Second Empire époque à laquelle la création des grands magasins met fin à leur pouvoir d'attraction. 

Conçu afin de prolonger le tracé de celui du Caire, le passage du Ponceau relie, lors de sa construction, la rue Saint Denis à la rue Saint-Martin. Le passage prend le nom d'une rue voisine, la rue du Ponceau. Celle-ci doit le sien à celui d'un petit pont, mentionné en 1413 sur le nom de Ponceau Saint Denis auprès des Nonnains, qui permettait de traverser un égout à ciel ouvert, couvert en 1605 sur un terrain, propriété de François Miron prévôt des marchands de Paris. Destiné à devenir une galerie marchande, le passage très simple d'apparence et assez étroit - 2,5 mètres de largeur - ne brille pas par ses fastes. La désaffection est rapide. Les commerces se font rares. En 1835, il ne reste deux locataires une charbonnière et un marchand de vin. 

En 1854, lors du percement du boulevard de Sébastopol, le passage du Ponceau est partiellement tronqué. Les grands travaux haussmanniens le dotent néanmoins de ce côté où est construit un nouvel immeuble d'une entrée plus majestueuse avec un porche orné d'un cartouche. Sur la rue Saint-Denis, l'accès se fait par la porte cochère d'un bâtiment du début du XVIIIème siècle antérieur à la création du passage. 








Aujourd'hui cette voie privée relativement anonyme et fermée le week-end, sert le plus souvent aux passants de raccourci entre la rue Saint-Denis et le boulevard Sébastopol. Ses charmes décatis revisités par les années 1970 qui ont mis à mal son allure générale et sa discrétion n'attirent que peu de monde. Les qualités architecturales ont été diluées par les travaux successifs. La verrière, les luminaires, les éléments de décoration ont peu à peu disparu. 

En 1970, le sol en mosaïque abîmé est arraché, puis en 1973 la verrière de verre et acier est remplacée par une couverture cintrée en plexiglas, assemblage de plaques en matière plastique qui a bien mal vieilli. Les luminaires sont refaits dans un style plus banal. A partir de 1975, quasiment toutes les devantures anciennes en bois sont occultées par des panneaux sans charme, à l'exception des travées correspondant à la loge du gardien et aux escaliers d'accès aux étages. Il subsiste trois panneaux et une porte d'entrée, scandés par des colonnettes cannelées à chapiteaux composites. 

Si de nos jours, il ne reste que peu d'éléments du décor d'origine, les proportions demeurent intactes, le registre supérieur des façades, les deux étages surmontant les boutiques, ayant été préservé. Les plafonds sont également intacts et quelques moulures subsistent au-dessus d'enseignes dont les vitrines débordent légèrement sur l'alignement côté entrée boulevard de Sébastopol.









Malgré la dénaturation des lieux, le Ministère de la Culture envisage d'inscrire le passage du Ponceau à l'inventaire des Monuments historiques tandis qu'un projet de rénovation conforme à l'esprit originel laisse espérer un futur plus glorieux.

Passage du Ponceau - Paris 2
Accès 212 rue Saint-Denis et 119 boulevard de Sébastopol
Ouvert du lundi au vendredi de 8h à 19h – fermé le week-end



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Passages couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Parigramme
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du Patrimoine Centre des monuments nationaux
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare