Expo : Monumenta 2016 - Huang Yong Ping : Empires - Nef du Grand Palais - Jusqu'au 18 juin 2016



Septième édition du cycle débuté en 2007, la biennale Monumenta donne cette année la parole à l'artiste chinois Huang Yong Ping qui vit en France depuis 1989 et travaille à Ivry sur Seine. Au goût du paradoxe, de la contestation par l'absurde, l'oeuvre du plasticien mêle une narration portée par les récits mythologiques, historiques et les correspondances entre entre l'art, la vie, le politique. Empires, installation immersive de la démesure se déploie à travers toute la nef du Grand Palais transformée en zone portuaire et redéfinit l'espace en l'investissant intégralement. Expérience grandiose et onirique, fable philosophique sur fond de propos économique qui remet en cause nos certitudes et interroge les pouvoirs politiques, cette installation monumentale trouble, inquiète, captive.









Oeuvre contextuelle démonstrative, mise en scène spectaculaire à l'horizon esthétique brutal, allégorie d'une mondialisation écrasante, Empires séduit par la force évidente d'une proposition accessible. Huang Yong Ping nous livre une fascinante vision du monde, de son chaos régit par les lois économiques, la quête du pouvoir et l'accumulation des richesses. 

Au constat du consumérisme galopant, de notre rôle en tant qu'individu minuscule face à la puissance de la logique économique, spectateur se sentant impuissant et rouage du processus presque malgré nous, cette oeuvre interroge nos modes de vie tout en soulignant le cycle construction destruction qui meut les empires. Mouvement d'ascension suivi d'une inévitable chute.









La nef du Grand Palais devenue paysage industriel, docks d'un port de commerce international accueille 305 conteneurs maritimes frappés des sigles de grands groupes d'import-export - China Shipping, Delmas, Comanat, Textainer. Empilés en huit îlots, huit espaces économiques vertigineux, empires de l'argent contemporains, les conteneurs représentent à la fois la richesse des entrepreneurs et le malheur des réfugiés victimes du système pour lesquels ces conteneurs sont des abris d'infortune. 

Traversée par un pont mobile de 26,7 mètres de haut et 17 de large dont le poids dépasse les 67 tonnes, l'installation in sitù fait écho à l'architecture du lieu, entre en résonnance avec la structure métallique de la verrière. La grue qui soutient le pont devient un élément intrinsèque de l'oeuvre tel un portique de levage portuaire.  








Sinuant à travers les accumulations, une créature préhistorique échappée d'une galerie de paléontologie, ondoie pour mieux enserrer les empires. Ce squelette de serpent, petit frère de l'oeuvre échouée près de Saint Nazaire sur la plage de Saint Brévin les Pins, renvoie aux mythes de l'infini recommencement. 

254 mètres de long, 316 vertèbres 560 côtes en aluminium, 133 tonnes, la gueule menaçante du serpent largement ouverte sur une dentition fatale tend vers sa propre queue comme dans les représentations du dieu aztèque Quetzalcoatl. Le serpent niché au cœur de l'empire commercial, objet paradoxal, menace omniprésente mais également symbole en Chine de mutation, de changement, est une spectaculaire allégorie de la puissance dont la vibrante présence reptilienne interpelle.







Face à cette tête de 5,5 mètres de haut, posé au milieu des conteneurs, sorte de pièce rajoutée moins convaincante, un gigantesque bicorne noir de 12 mètres de long, réplique monumentale de celui que Napoléon portait lors de la bataille d'Eylau qui coûta la vie à 30 000 soldats française et russes. Il évoque à la fois le pouvoir qui suscite la convoitise des empires et semble lancer un avertissement : les dirigeants supplantés seront voués à l'exil.







Cheminement chaotique vers le pouvoir, grandeur et décadence des empires qui s'élèvent aux détriments des précédents avant de péricliter à leur tour remplacés par de nouveaux systèmes, fascination et inquiétude face aux transformations, Empires en met plein la vue tout en lançant de nombreuses questions, matières à réflexion.

Du 8 mai au 18 juin 2016
Grand Palais, Galeries nationales
Entrée square Jean Perrin côté avenue Winston Churchill
Horaires : Tous les jours de 10 à 20h (Fermé le mardi). Nocturne mercredi, vendredi et samedi jusqu’à 22h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.