Expo : Invention / Design. Regards croisés, une autre idée du design - Musée des Arts et Métiers - Jusqu'au 6 mars 2016



De l'objet standardisé aux séries singularisées, le design est une industrie créative qui influence nos modes de vie au quotidien. Interrogeant l'usage et la forme, trait d'union entre les savoir-faire, la mise en avant des créations de mobilier a formaté la façon dont cette pratique était perçue occultant sa dimension d'innovation technique. Au Musée des Arts et Métiers, l'exposition Invention/Design. Regards croisés propose jusqu'au 6 mars de balayer les préjugés. Véritable manifeste pour une nouvelle perception du design, elle revient sur les évolutions récentes de la profession. A l'heure des imprimantes 3D, alors que l'esthétique n'est plus au centre des priorités, les progrès techniques apparaissent comme les moteurs d'une révolution de la discipline. Les commissaires d'exposition Antoine Fenoglio et Frédéric Lecourt, fondateurs de Sismo, studio indépendant de design et d'innovation, ont imaginé un parcours composé de pièces contemporaines et historiques provenant des réserves du Conservatoire des arts et métiers -invention du XVIIème au XIXème siècle- afin de mieux appréhender le design comme "l'habillage de l'objet et la mise en forme d'une intelligence […] un processus d'intelligence créative et non pas comme du style".









Innovation/Design. Regard croisé interroge les enjeux du design contemporain et s'intéresse aux réponses que celui-ci apporte aux problématiques de notre quotidien. Si l'inventeur se préoccupe essentiellement de la fonctionnalité de l'objet, le designer se soucie de son utilisation effective. Aux côtés des ingénieurs, il repense l'évidence, remet en question les formes afin d'engendrer des mutations qui doivent se révéler patentes pour les utilisateurs. Entre partage des savoirs agrégés et capacité d'innovation, sa pratique doit dépasser une forme d'élitisme afin de rendre accessible au plus grand nombre les innovations de demain.

L'essentiel, le contexte, la curiosité et l'audace. Le designer cherche à inscrire le nouvel objet dans une continuité afin de permettre à l'utilisateur de l'intégrer naturellement comme une évidence dans son environnement. L'exposition propose l'exemple frappant de l'évolution de la cocotte-minute dont les origines remontent à l'invention, en 1679, d'un autoclave par Denis Papin surnommé "la marmite de Papin" ou "digesteur". C'est ce modèle qui donnera naissance au populaire faitout de 1949 qui a évolué de nos jours pour devenir l'autocuiseur connecté. Unique pièce de mobilier présentée, clin d'œil malicieux, une chaise en métal embouti signée Ron Arad procède de la même technologie que celle employée pour la création de fond de marmite. Dans la lignée des inventions dans la simplicité, le manomètre, appareil pour mesurer la pression, n'a changé ni de forme ni de principe depuis 1855.








Tandis que la nature a toujours influencé l'évolution des technologies - la chauve-souris inspira les modèles des premiers essais d'aviation, la grande portabilité du nénuphar suggéra la structure du Crystal Palace à Londres -  la science-fiction et l'imagination des artistes sont aujourd'hui des moteurs puissants d'inventivité. Le visiophone de 2001 Odyssée de l'espace de Kubrick, l'overboard de Retour vers le futur ont fasciné ingénieurs et designers. 

Les écrans de Minority report de Spielberg sont à l'origine de la création entre 2005-2010 de nombreux objets et interfaces gestuelles, références explicites à ce film. Seule la révélation, l'évidence dans le quotidien assure la pérennité des objets ainsi imaginés. L'exposition propose également des exemples d'échecs comme le Bibop ou encore le tout premier visiophone qui nous apparaissent comme des ancêtres des nouvelles technologies mais dont les contraintes techniques, ne parvenant pas à se fondre dans le quotidien des utilisateurs, ont causé la perte.








Confronté à de nouveaux enjeux, le design se veut écologique, collaboratif, ouvert et communautaire. En utilisant le principe du tourneur de barbe à papa, Polyfloss Factory recycle les déchets plastiques en fibres non tissées. La matière non organique ainsi reconstituée, réhabilitée permet de créer des isolants pour bâtiments ou de concevoir des textiles nouvelle génération. De la même façon, les bateaux qui travaillent à la dépollution des océans se dotent au fur et à mesure de technologies procédant de l'innovation et du design afin de trouver une solution au problème des déchets rejetés dans la mer. 

Massoud Hassani, jeune designer afghan, a imaginé un détonateur de mine innovant alimenté par l'énergie éolienne. Mine Kafon se présente sous la forme d'un gigantesque pissenlit constitué de bambou et de plastique biodégradable. Les plans en open source de cette création pourraient bien être un pas décisif vers la désactivation des mines antipersonnel abandonnées sur les lieux de combat qui provoquent des drames humains effroyables.




Scénographie limpide, nombreuses vidéo témoignages intéressantes, pièces historiques, objets de curiosités, Invention/Design. Regards croisés est une exposition qui jette au lumière nouvelle sur le cœur de notre quotidien et un peu plus encore.

Invention/design. Regards croisés
Musée des arts et métiers.
60, rue Réaumur - Paris 3
Jusqu’au 6 mars 2016.
Tarif : 5,50 €. Visite guidée gratuite tous les jours à 15 h 30 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.