Paris : Cité du Palais Royal, un secret bellevillois préservé - 151 rue de Belleville - XIXème



Sur le plateau de Belleville délimité par les buttes Chaumont et Beauregard, le tissu urbain s’est adapté à la topographie tout en dénivelés. La division parcellaire du territoire rappelle l’histoire du quartier lorsque le village, peuplé d’agriculteurs et de vignerons, était entouré de vignobles caracolant sur les coteaux bellevillois. C’est d’ailleurs à la vigne que l’on doit la découpe caractéristique des rues, en lanières étroites dans le sens de la pente. Des parcelles allongées dédiées aux habitations ont naturellement été tracées perpendiculairement à ces voies donnant un visage singulier à Belleville. Reconnaissable entre toute, cette géographie de la ville si particulière perdure, les travaux du baron Haussmann n’ayant pas atteint les environs. Derrière les immeubles de façade, il n’est pas rare de découvrir dissimulés au regard, cours d’artisans et coquets passages privés bordés de petites maisons typiques du quartier. Je me suis intéressée à deux d’entre eux que les hasards de lotissement de terrain ont préservé, deux îlots jumeaux, le 13 rue des Fêtes et le 151 rue de Belleville. Le second, la Cité du Palais Royal, garde bien des mystères, insolite curiosité.









En 1740, la rue de Belleville s’appelle encore rue de Paris. Seul le Bas Belleville - La Courtille - et le village autour de l’église sont construits. Les terrains maraîchers occupent tout le flanc des collines. De 1825 à 60, l’industrialisation progressive, le développement de l’artisanat et du commerce font exploser la population. Les constructions hâtives suivant vaguement le tracé des rues préexistantes et la spéculation donnent lieu à des lotissements successifs. Le développement sans plan d’urbanisme est anarchique. Un enchevêtrement de maisons branlantes, hétéroclites sans réel souci de la voirie voit le jour. Lors de l’annexion à la ville de Paris en 1860, Belleville est volontairement coupée en deux par l’administration dans une tentative de jugulée la population jugée trop frondeuse. Rue de Belleville, les numéros pairs se trouvent dans le XXème arrondissement et les impairs dans le XIXème.

De nos jours, Belleville offre un paysage contrasté formé de petites maisons individuelles et d’ensembles récents de tours vertigineuses. Le nouveau quartier tracé par les urbanistes et les architectes a remplacé le Belleville de carte postale, ses habitations insalubres, ses arrière-cours douteuses domaine des Apaches, ses guinguettes et ses bals populaires. Constructions décaties, entrepôts délabrés, bâtiments industriels surmontés de cheminées d’usine ont quasiment disparu lors de l’important remodelage datant des années 70 avec la transformation radicale du quartier Rébeval et de la place des Fêtes où les tours sur dalles feraient presque oublier la mémoire de l’ancien village au cadre populaire charmant. Cet important remodelage, évolution drastique passant par la destruction systématique a fait place aujourd’hui à une évolution s’orientant vers la réhabilitation du quartier, une restauration, comme la ZAC Mare-Cascade, tentant de respecter un certain souvenir.









Sur le plateau de Belleville, perpendiculairement aux rues rappelant les vignobles, les parcelles d’habitation se sont développées autours de passages centraux étroits le long desquels ont été bâties de modestes maisons. L’urbanisation galopante et les importants travaux des années 70 ont laissé des traces incongrues de cette organisation urbaine pour le moins chaotique mais terriblement séduisantes pour les citadins du XXIème siècle. Au-delà des portes cochères de classiques immeubles parisiens, il n’est pas rare de découvrir de surprenantes oasis champêtres, des passages privés où jolies résidences et jardinets jouent de leur charme bucolique.

Au 151 rue de Belleville, en franchissant deux bâtiments d’habitation et une courette fleurie, se dévoile la Cité du Palais Royal jalousement préservée des assauts de l’urbanisme à la mode promoteurs immobiliers. Cette étonnante voie piétonne se prolonge en impasse jusqu’au 38 rue des Solitaires. Sur à peine 80 mètres de long et 3,5 de large, un espace hors du temps rappelle la quiétude de petits villages perdus dans la verdure. Marquises et murets soutenant de prolifiques glycines, lilas épanouis, rosiers vénérables, l’abondance de fleurs marque le soin particulier qu’apportent les riverains à leur petit coin de paradis où les chats gambadent allègrement.









Plusieurs hypothèses concernant l’origine du nom de la Cité du Palais Royal ont été émises sans être tout à fait satisfaisantes. La première voudrait que sous Louis XIV cette parcelle ait accueilli les entrepôts où étaient conservés les décors du Théâtre du Palais Royal - la Comédie française. Cependant au XVIIIème siècle, Belleville est très éloignée de Paris et la pente abrupte rédhibitoire pour les lourdes charges. Une autre théorie suggère que le nom serait un rappel de celui d’une grande demeure située en face du couvent des moines de Picpus, demeure appelée Maison Rustique et surnommée Palais Royal par les habitants du quartier propriété en 1812 d’un notable de Belleville. Néanmoins, le plan parcellaire de l’époque indique à cet endroit du village d’étroites parcelles longeant les vignes et une Maison Rustique située plus haut, rue du Docteur Potain. Ces deux explications bien que poétiques semblent donc un peu hasardeuses. Détail historique intéressant, Cité du Palais Royal est fondée à a suite de l'affaire Dreyfus, sous la Troisième République, la première Université Ouvrière.

Si l’accès de ce joli passage est préservé par code, un sourire, quelques mots aimables sauront vous ouvrir les portes de ce lieu enchanteur à condition bien sûr de respecter la tranquillité des habitants qui sont très hospitaliers et des matous plus que sociables. Je ne me lasserai jamais des surprises que nous réserve Paris et Belleville recèle de trésors cachés que la curiosité révèle avec bonheur.

Cité du Palais Royal 
151 rue de Belleville - Paris 19




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle créé en 2011 un blog culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 




Bibliographie : 
Promenade dans toutes les rues de Paris - Félix de Rochegude
Le Guide du promeneur 20è arrondissement - Anne-Marie Dubois - Parigramme
Le Guide du promeneur 19è arrondissement - Elisabeth Philipp - Parigramme

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