Paris : Square Chauré, un confetti fleuri à Charonne - XXème



En se promenant dans le nord-est du XXème arrondissement, la flânerie conduit souvent les amoureux de notre ville du côté de la Campagne à Paris, ensemble d’agréables ruelles bordées de maisons de ville et HBM (habitation bon marché) dont le charme très prisé aujourd’hui ferait presque oublier qu’il s’agissait à l’origine d’un quartier modeste construit dans une optique philanthropique : permettre aux classes ouvrières d’accéder à la propriété. Au pied de la butte artificielle de cette campagne érigée sur les anciennes carrières de gypse, allées verdoyantes, passages secrets, cours et ateliers auxquels il faut ajouter quelques belles villas de notables, immeubles de rapport du XIXème et bâtiments 1900 laissent l’imagination vagabonder. Il n’en faut pas plus pour imaginer ce que fût jadis la commune de Charonne.








Sur l’ancienne propriété de l’Abbaye de Saint-Magloire, cédée à cette confrérie en 1008 par le roi Robert II le Pieux fils d’Hugues Capet, Honoré Barentin, seigneur de Charonne et trésorier général des finances de Louis XIII fait construire un château sur le domaine de Charonne en 1622 dont l’entrée disparue aujourd’hui se trouvait au niveau du 109 de notre actuelle rue de Bagnolet. Le domaine racheté en 1643 par la Duchesse d’Orléans, belle-sœur de Louis XIII, est confiée à une congrégation d’Augustines. Le hameau se développe peu à peu autour de la rue Saint-Germain devenue rue Saint-Blaise de nos jours. Sur les collines de l’est parisien, le hameau de Charonne est connu au XVIIIème siècle pour ses vignobles abondants et ses carrières de gypse. Les notables fortunés y font bâtir maisons d’agrément, folies et petits châteaux afin de profiter de l’atmosphère champêtres des faubourgs parisiens. Le Mur des Fermiers Généraux édifié en 1785 modifie singulièrement la vocation de la commune. Il marque alors la frontière au-delà de laquelle toute denrée à destination de Paris est soumise à l’impôt. Le vin de Charonne et de Belleville produit localement est exempte d’octroi et donc moins cher qu’intramuros. Guinguettes, cabarets, bals s’installent au pied du mur. La fête hors taxe donc. Le parc du château de Charonne est loti et le château en lui-même disparaît à la fin  du XVIIIème.







A l’annexion des communes de 1860, les propriétaires morcellent les parcelles et détruisent les constructions afin de préparer l’avancée des travaux du baron Haussmann espérant bien faire quelques profits. Après 1870, l’extension de l’urbanisation et la densification des secteurs déjà bâtis mènent à une réduction drastique des terrains maraîchers et des vignobles. 

La population y est ouvrière. Seuls les lotisseurs privés sont en mesure d’aménager les terrains selon les contraintes de découpage foncier et de lotissements. Rues et impasses sont ouvertes mais demeurent de dimension réduite n’allant pas au-delà de 5 mètres de largeur et desservant des petits lots de 100 à 300 m2. Cette construction anarchique sans plan général donnera tout son charme à la partie préservée de Charonne que nous connaissons.







La Campagne à Paris (1911-1920) est l’un des rares lotissements homogènes. De 1954-1975, les opérations de rénovations urbaines favorisent l’élévation de tours et barres d’immeubles. C’est l’heure du bétonnage intensif comme place des Fêtes aux dépens du charme authentique de ces quartiers. Mais depuis 1975, on observe un retour au respect des gabarits et hauteurs traditionnelles ainsi qu'au principe de l’alignement sur rue. A Charonne, passages et lotissements datant du XIXème et du début du XXème sont réhabilités et protégés. C'est ainsi que le petit square Chauré a échappé miraculeusement aux appétits dévorant des promoteurs avides de béton. S'il ne s'agit pas du passage le plus spectaculaire du quartier, je trouve assez significatif et réjouissant qu'il soit encore intact pour le plus grand bonheur des promeneurs et des riverains.

Square Chauré - Accès au 17 rue du Lieutenant Chauré - Paris 20
Métro : Porte de Bagnolet