Selma, petite ville sudiste d’Alabama, est devenue en 1965 l’épicentre d’épisodes célèbres dans la lutte pacifiste pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Le gouverneur de l’Alabama, George Wallace, ségrégationniste convaincu, laisse les administrations locales bafouer le XVème amendement datant de 1870 qui garantit en théorie le droit de vote aux citoyens américains - le XIXème amendement concernant le droit des femmes a été ratifié en 1920. Une situation qui perdure dans tous les Etats du Sud où la ségrégation raciale est loin d’avoir trouvé une fin. Alors que Martin Luther King vient tout juste de recevoir le prix Nobel de la paix, il choisit Selma comme lieu symbolique de ce qui sera une lutte décisive à la fois pour faire reconnaître les droits des citoyens afro-américains mais également pour faire plier le président Lyndon B. Johnson parvenu à la Maison Blanche à la suite de l’assassinat de John F. Kennedy afin qu’il soutienne le Voting Right Act qui garantira le droit de vote à tous les citoyens américains quelque soit leur couleur de peau.
Plusieurs marches cruciales pour la reconnaissance du mouvement civique américain s’organisent sous l’égide de Martin Luther King et des pasteurs non-violents de la Southern Christian Leadership Conference. Lors de la toute première marche menant de Selma à Montgomery, capitale fédérale de l’Alabama, grâce à la télévision que sous les yeux de millions d’Américains que le défilé pacifiste est arrêté au niveau du Edmund Petrus Bridge. Les manifestants sont molestés, battus, brutalisés avec la plus grande violence, par les forces de l’ordre de la ville de Selma. Femmes, enfants, vieillards, tabassés à coup de battes de baseball, barres de fer, à coup de pieds, par des civils venus prêter main forte au shérif du coin, un imbécile raciste belliqueux et atavique.
La réalisatrice Ava DuVernay a choisi de se concentrer sur ces événements particuliers ayant eu lieu en 1965, les marches pacifistes menées par le pasteur Martin Luther King, la violence abominable qui leur a été opposée par les forces de l’ordre et ces images retransmises en directe à la télévision permettant aux Américains de réaliser toute l’horreur et l’importance du combat pour le mouvement des droits civiques. Bien au-delà des biopics classiques, la réalisatrice a fait des choix narratifs très forts. Selma se démarque de la biographie idéalisée en insistant sur une histoire précise avec intelligence, soulignant le travail politique que nécessite le passage d’une réforme aussi profonde. Là où le film se démarque particulièrement, c’est dans la place des femmes auxquelles Ava DuVernay restitue toute l'importance au centre du combat, de Coretta King épouse du pasteur, aux activistes dont le rôle a été primordial. Une prise de position féministe pour redonner à l’Histoire sa vérité.
L’esthétique du film qui pourrait paraître classique au premier abord est servie par un jeu de lumière particulièrement intéressant, aura mordoré évoquant à la fois le Sud et le Sacré, travail expressionniste sur l’ombre et la lumière dans un clair-obscur à la beauté plastique. David Oyelowo, Martin Luther King complexe, humain, déchiré entre l’inquiétude qu’il éprouve à l’égard des menaces qui pèsent sur sa famille et l’importance vitale de son combat, incarne un pasteur inspiré, orateur brillant. Les scènes intéressantes dans les rapports de force avec Lyndon B Johnson sont particulièrement intéressantes et subtiles dans la manière dont elles sont réalisées.
Concentré sur le combat politique qui entre en écho avec diverses actualités, ce long-métrage, Selma sert avec sobriété et intelligence une narration qui fait partie de la Grande Histoire. Exigence historique malgré les rares critiques émises sur les libertés prises avec la chronologie dans le but de servir le fil narratif, Selma est un film puissant, nécessaire qui parle de justice et de dignité.
Selma
Sortie le 11 mars 2015
Un film de Ava DuVernay
Avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Oprah Winfrey et Tim Roth
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