Le Centre Pompidou présente, jusqu’au 5 janvier, une exposition mettant en lumière l’une des facettes méconnues du père du ready-made, Marcel Duchamp (1887-1968) qui par sa seule volonté transforme des objets prosaïques en œuvre d’art. Alors que ces saillies abondantes et définitives annoncent la mort de tout "art rétinien" revendiquant "l’expression intellectuelle plutôt que l’expression animale" cet érudit qui doute de l’utilité même de peindre, révèle à travers cette rétrospective une passion picturale paradoxale. La centaine d’œuvres exposées ensemble pour la première fois retrace le parcours de Marcel Duchamp du début des années 1910 jusqu’à 1923, date à laquelle il renonce tout à fait à peindre.
Marcel Duchamp Deux nus 1910 |
Marcel Duchamp Portrait du père de l'artiste 1910 |
Marcel Duchamp Homme assis près d'une fenêtre 1907 |
Iconoclaste, provocateur, nihiliste, joueur d’échecs, il expérimente les limites du mode de création, assimile pour mieux déconstruire et s’émanciper de la peinture à l’âge de 25 ans. Expériences ironiques et sans illusion, il verse dans la satire voire l’érotisme considérant que "l’humour était une sorte de sauvetage". Alors qu’il redéfinit la notion d’art à travers une conception abstraite, mentale, cette exposition permet de mieux comprendre l’évolution de la pensée duchampienne en revenant aux sources de son inspiration telles que la science, la photographie, les techniques, de suivre les méandres de la pensée et les impasses auxquelles l’artiste s’est trouvé confronté.
La peinture de Duchamp, œuvre érudite et didactique, est une pleine illustration de l’intérêt qu’il portait à son époque, à la modernité, aux changements, à l’évolution de l’art et aux différents courants du début du siècle mais également à la littérature, la mécanique, la physique, l’optique. Il se mesure à ses contemporains, du post-impressionnisme au cubisme en passant par le fauvisme, le futurisme, le symbolisme ou encore l’expressionnisme. Marcel Duchamp fait montre d’une virtuosité, d’une maîtrise de la technique et de la couleur dans la précision de sa touche qui supportent l’habile comparaison induite par la scénographie avec Kandinsky, Braque, Derain, Odilon Redon, Robert Delaunay, Picabia. Ses peintures cubistes qui font disparaître la figure frappent par la minutie du dessin à la géométrie complexe et leur exécution impeccable.
Marcel Duchamp Le roi et la reine entourés de nus vites 1912 |
Marcel Duchamp Nu descendant un escalier n°1 1911 |
Marcel Duchamp Réseaux des stoppages 1914 |
Le Grand Verre - La Mariée mise à nu par ses célibataires, même |
Marcel Duchamp L.H.O.O.Q 1919 |
Abolissant la représentation, Marcel Duchamp « se délivre de la camisole cubiste ». En réaction à la marchandisation galopante de la peinture, il décide de « faire des œuvres qui ne soient pas de l’art ». "Le Grand Verre ou La Mariée mise à nu par les célibataires, même", création énigmatique débutée en 1915 mêlant la mécanique et le viscéral, a été déclarée définitivement inachevée en 1923. Cette exposition présente l’une des quatre copies réalisées par le critique d’art suédois Ulfe Linde sous le contrôle de l’artiste ou de sa famille. Si la volonté farouche de déconstruire le statut de l’art, de dépasser l’approche classique, a éloigné Marcel Duchamp de la peinture, il n’a cependant jamais cessé de s’intéresser à la production picturale de ses contemporains en tant que collectionneur.
Marcel Duchamp. La peinture, même - Jusqu'au 5 janvier.
Centre Pompidou - Paris 4
Horaires : du mercredi au lundi de 11h à 21h. Nocturnes le jeudi
Enregistrer un commentaire