Lundi Librairie : L'astragale - Albertine Sarrazin



L'astragale - Albertine Sarrazin : Née en Algérie de parents inconnus, enfant de l’Assistance Publique, Anne/Albertine est adoptée par un couple âgé. Il est colonel à la retraite, rigide et froid. Alors qu’elle vient d’avoir quinze ans, il envoie sa fille en maison de correction dont elle s’échappe le jour du bac. Elle s’enfuit à Paris où elle connaît l’errance, les milieux interlopes et la prostitution. Incarcérée une première fois pour vagabondage, elle se lie avec Rolande qui devient son amante. A leur sortie, les deux demoiselles vivent d’expédients et sont arrêtées lors d’un braquage manqué. Retour à la case prison. Un soir de mai 1957, Anne se fait la belle en se jetant d’un mur de plus de dix mètres de haut. Elle se brise un os du pied, l’astragale. Incapable de marcher, tel un oiseau tombé du nid, un camionneur vient à son aide. Effrayé lorsqu’il apprend qu’elle est en cavale, il arrête le premier automobiliste qui passe et lui confie la jeune femme. C’est Julien, jeune malfrat au grand cœur. Il la recueille tout d’abord chez sa mère puis chez un couple d’aubergistes. Alors qu’elle ne se fait pas soigner de peur d’être repérée, elle traîne sa douleur de planque en planque et découvre le grand amour, la passion aux côtés d’un Julien dont elle est si souvent séparée.

Albertine Sarrazin évoque à travers ce roman autobiographique poignant la folle jeunesse en marge dans la clandestinité, l’univers carcéral, le trottoir, la bisexualité, la cavale. Sa courte existence d’errance, de prison et de poésie a été illuminée par sa rencontre avec Julien, son amant, son mari, le seul homme qu’elle ait aimé. Cette passion dévorante lui permet de traverser les épreuves malgré les tourments de la séparation, vulnérable mais déterminée, tout en retenue et défiance, avec panache et intelligence vive.

Drôle, provoquant, ce récit, roman de femme, roman du réel, rédigé avec rage et ferveur, brûle de l’espoir des jours meilleurs. Ecriture à fleur de peau, plume inventive, organique, la gouaille heureuse de la prose d’Albertine Sarrazin est ponctuée d’argot et de figures de style inspirée, une langue savoureuse et métaphorique dont la verdeur la fit souvent comparer à un Jean Genet au féminin. Aujourd’hui, on songe à Virginie Despentes avec laquelle elle partage une furieuse insolence, pied de nez à la bien-pensance. Incarnation de la révolte et paradoxalement pour celle qui passa dix sept ans de sa courte existence en prison, celle de la liberté, Albertine, bouleversante, éternellement jeune, est une comète à redécouvrir absolument.

L’astragale - Albertine Sarrazin - Réédition de poche Points - Collection Signatures