Au IIIème siècle, sous la dynastie des Sévères, Marin, ancien préfet du prétoire a assassiné son cousin l'empereur Caracalla pour prendre sa place. Il est renversé par la révolte menée avec le soutien de l'armée par Julia Maesa, de la famille royale d'Émèse de la province de Syrie, grand-mère de Varius Avitus Bassianus, dit Héliogabale. Le roi-prêtre de seize ans est placé à la tête de l'Empire romain par son aïeule qui le fait passer pour le fils illégitime de Caracalla. Héliogabale fait une entrée triomphale à Rome. Durant son cours règne sulfureux, de 218 à 222, il choque par sa fidélité au culte de Baal, qui exige des sacrifices humains, sa sexualité débridée. Il prône la liberté et brûle sa vie par tous les bouts. Il noue un mariage interdit en épousant la Grande vestale Aquilia, prêtresse de Vesta depuis l'âge de cinq ans, vouée à la chasteté et chargée de veiller sur le feu sacré. Il prend pour amant un ancien gladiateur, esclave et conducteur de char. L'Empereur se sent femme et se déclare officiellement Impératrice.
Héliogabale, figure de la transgression, et depuis le XXème icône queer de la transidentité, a inspiré Antonin Artaud, Jean Genet, Henry de Montherlant. Son règne de quatre ans, de 218 à 222, banni des mémoires a été frappé de damnatio memorae par l'historiographie latine qui n'en conserve qu'une image de décadence, de cruauté, de débauche. Guillaume Lebrun se saisit de ce personnage fantasmagorique, entre faits historiques et légende sulfureuse, pour nourrir un récit incandescent, lyrique et cru. Le sublime côtoie le grotesque, complots, conspirations, frénésie, sacré et profane, fin ignominieuse. Il donne la parole à trois narrateurs successifs, Aquilia, Héliogabale, Hiéroclès, trois personnages hors normes dont l'attitude rebelle remet en question de l'autorité, les normes sociales, les injonctions. Les chapitres sont entrecoupés de recettes de cuisine improbables, langues de flamant rose, cou de girafe.
Les extravagances dans l'exercice alternatif du pouvoir, entre provocations et irrévérences, choquent la société romaine et alimentent la haine. Manipulé par les femmes, les quatre Julia de la famille royale d'Émèse, Julia Mæsa, la grand-mère d'Héliogabale, sa soeur, Julia Domna, épouse de Septime Sévère, mère de Caracalla, les filles de Juliua Maesa, Julia Soæmias, mère d'Héliogabale, Julia Avita Mamæa, mère de Sévère Alexandre, l'empereur adolescent s'émancipe de leur influence et précipite sa chute.
Dans les thématiques abordées, Guillaume Lebrun trouve des résonance contemporaines, l'insoumission, l'affranchissement des carcans, du genre, de l'identité. Il joue avec la vérité historique, variation vivante, sensuelle, sanglante ponctuée d'anachronismes savoureux, références pop, argot gouailleur, verbe explicite, dépravation enfiévrée. Atmosphère orgiaque de stupre et de mort.
Ravagés de splendeur - Guillaume Lebrun - Éditions Christian Bourgois
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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