Théâtre : La robe de mariée, de Katherine L. Battaiellie - Avec Marie-Catherine Conti - Essaïon Théâtre - Jusqu'au 6 juin 2024


Marguerite Sirvins (1890-1957) est internée en hôpital psychiatrique pour des troubles schizophréniques en 1931. Elle a quarante-et-un ans. Au sein de l'Hôpital Saint-Alban, où Denise Glaser, Paul Éluard et Nusch ont trouvé refuge durant l'Occupation, établissement pionnier de l'art-thérapie, Marguerite commence de dessiner en 1944. Elle expérimente l'aquarelle et la broderie pour laquelle elle récupère de vieux chiffons, des draps usées mis au rebut dont elle extrait les fils, un à un, expression artistique spontanée, sans modèle, sans formation. Marguerite refuse le statut de malade, entretient une combattivité dont témoigne un espoir tenace. Elle pense qu'elle sera sauvée par l'amour. Marguerite désormais cinquante-cinq ans, est persuadée d'en avoir dix-huit et attend la lumière, l'Époux, le prince charmant qui viendra la délivrer. Par ce fantasme, elle échappe à l'horizon clos de l'asile, l'inquiétude latente, la méchanceté des autres. Marguerite confectionne une robe, son dernier ouvrage qu'elle tisse selon la technique du crochet. Une robe de mariée pour des noces imaginaires. 



Histoire vraie, "La robe de mariée" de Katherine L. Battaiellie saisit avec pudeur la vérité d'une femme dont l'esprit bascule, engloutit par la maladie. L'étincelle de la création se fait ultime trace de la personne qui disparaît. Le texte sensible, poignant rend la parole à Marguerite Sirvins dont le destin tragique, existence hors du monde, tout autant que le talent artistique ont touché Jean Dubuffet, inventeur du concept d'art brut. La robe, chef-d'oeuvre de Marguerite est aujourd'hui conservée au musée de Lausanne, Collection de l'art brut, dépositaire du legs Dubuffet. 

Le monologue porté par Marie-Catherine Conti, seule en scène, explore les espaces mentaux, flux de la conscience, suit les mouvements de la pensée ruminations, pensées obsédantes et violence des hallucinations. Enfermée entre quatre murs, Marguerite prépare ses noces. Elle a perdu ses repères mais parvient à échapper à la réalité, humanité souffrante parcourue de peur, de pulsions. La comédienne dit le corps enfermé, empêché par la réclusion et l'esprit émancipé des matérialités. Marie-Catherine Conti incarne avec sensibilité et pudeur les fêlures et le désespoir, le revirement de l'exaltation, la fébrilité puis soudain une apparente lucidité plus inquiétante encore. Elle exprime les fluctuations de l'humeur sur le fil de l'émotion, la détresse sans jamais sombrer dans la facilité du pathos. Un moment poignant de théâtre.

La robe de mariée
Jusqu'au 6 juin 2024
Les mercredis et jeudis à 21h 

Auteur : Katherine L. Battaiellie
Conception et Jeu : Marie-Catherine Conti
Collaboration artistique : Danièle Sallenave, de l'Académie française
Musiques : Jean-Christophe Rosaz et Lucie Lacour
Costumes : Isabelle Huchet
Lumières et son : Christian Palligiano

Théâtre de l'Essaïon 
6 rue Pierre au Lard - Paris 4
Tél : 01 42 78 46 42



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.