Lundi Librairie : Villa Kérylos - Adrien Goetz



À la fin du XIXème siècle, les trois frères Reinach, héritiers d'une grande famille de banquiers juifs, originaires de Francfort-sur-le-Main, incarnent l'idéal de l'homme de la Renaissance. Jean, Salomon et Théodore sont surnommés par leurs détracteurs, les frères JST, Je Sais Tout. Érudits, hellénistes distingués, impliqués dans la politique, ils nourrissent des idéaux républicains, se manifestent comme dreyfusards de la première heure. Théodore conçoit un projet démesuré, une villa inspirée par l'architecture de la Grèce antique, une folie au confort tout à fait moderne, édifiée sur la pointe des Fourmis à Beaulieu-sur-Mer entre Nice et Monaco. Il confie le chantier à l'architecte Emmanuel Pontremoli grand prix de Rome passionné d'archéologie. En 1902, Théodore prend sous son aile Achille, fils du jardinier et de la cuisinière des voisins, Gustave et Marguerite Eiffel, jeune garçon doué pour le dessin. Il lui confie la réalisation de croquis sur le motif afin de documenter la construction de la villa Kérylos. Esprit vif, l'adolescent prend au contact des Reinach le goût de la culture, des livres, du savoir. La villa est achevée en 1908. En 1956, Achille, devenu peintre cubiste, désormais un homme mûr, revient sur les lieux de sa jeunesse. Au fil de cette visite sur le fil du souvenir, il se rappelle Alexandre le Grand, le Mont Athos, l'amitié avec Adolphe le neveu de Théodore, l'amour d'Ariane, le fracas des deux guerres.

Roman inspiré par la création d'une oeuvre d'art totale, une demeure exceptionnelle, "Villa Kérylos" prend le parti de mêler la fiction à la réalité pour mieux nous conter ce rêve d'érudit. Adrien Goetz, normalien, agrégé, historie de l'art, maître de conférence à la Sorbonne et membre de l'Académie des Beaux-Arts écrit des romans qui puisent leur inspiration dans l'histoire de l'art et des épisodes méconnus, savoureux. Épris de ce faux palais antique sur la Riviera, vestige aussi raffiné qu'inoubliable, il évoque la genèse de la villa Kérylos, dénommée en référence aux alcyons, oiseaux marins. Plus qu'un décor, la maison face à la mer devient le personnage central du roman. Désormais classée aux Monuments historiques, elle est la propriété de l'Institut de France, fondation Théodore Reinach. 

L'auteur nous invite dans les coulisses d'un chantier pour évoquer en creux le destin des trois frères, considérés comme excentriques par les habitants de la région, richissimes et fantaisistes. Ces grands bourgeois baignés de culture, humanistes animés par la passion du beau, entretiennent des connaissances étendues dans tous les domaines. Leur savoir ne les protège pas des horreurs du XXème siècle, témoins de l'affaire Dreyfus, de la Première et la Seconde Guerre Mondiale, des pillages nazis. Les soubresauts de l'Histoire broient la famille Reinach. 

L'implication dans le scandale du canal de Panama ternit la réputation de la famille à une époque de montée de l'antisémitisme. Puis en 1896, Théodore devient la risée des intellectuels parisiens à la suite d'une rocambolesque affaire de faux, lorsqu'il authentifie par erreur la tiare de Saïtapharnès. Trop enthousiaste, aveuglé par sa ferveur, il recommande son achat au musée du Louvre et avance une partie des fonds nécessaires à l'acquisition. La paternité de la pièce est revendiquée par Israël Rouchomovsky, orfèvre d'Odessa. Elle est, aujourd'hui, toujours conservée au musée du Louvre, département des antiquités grecques.  

Villa Kérylos - Adrien Goetz - Éditions Grasset - Poche Le Livre de Poche



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.