L'oeuvre de T'ang Haywen (1927-1991), grand peintre chinois de la modernité, à l'instar de ses contemporains lance des ponts entre la réalité formelle et l'imaginaire émancipé de la figuration. "Mes peintures ne sont ni figuratives, ni abstraites, et elles n’appartiennent pas non plus à l’école néo-figurative. Cette classification est trop restrictive pour moi. Je recherche un art sans entraves, un art qui naît sans contraintes". Aussi connu de son vivant que ses compatriotes contemporains, Zao Wou-ki (1920-2013), Chang Dai Che (1894-1983), retombé quasiment dans l'oubli à la suite d'une série de problèmes liés à la succession, il connait aujourd'hui un retour en grâce. À l'occasion d'une rétrospective modeste par la taille, dense par son contenu, le Musée national des arts asiatiques Guimet présente une centaine d'oeuvres, sélection issue de la donation concédée par la Direction nationale d'interventions domaniales. Acceptée par le musée en 2022, vingt ans après la disparition de l'artiste, celle-ci comporte deux-cent oeuvres, six-cents-cinquante dessins, trente carnets d'études, quatre-cent pièces d'archives personnelles.
La scénographie chronologique de l'exposition "T'ang Haywen. Un peintre chinois à Paris" éclaire les différentes facettes de son oeuvre. Le parcours témoigne de son attachement à la tradition artistique chinoise, l'influence esthétique de la calligraphie et spirituelle des préceptes du taoïsme. Volontiers contemplatives, ses peintures traduisent une sensibilité particulière à la nature, un certain ordonnancement où règnent équilibre et harmonie. En quête d'une "peinture idéale, unissant le monde visible et le monde de la pensée", T'ang Haywen fait le lien entre la peinture chinoise classique et l'art occidental contemporain, trait d'union entre deux cultures. Il signe ainsi de son nom vietnamien romanisé et de son nom chinois.
Fluidité de la ligne, maîtrise du geste, la chorégraphie aérienne du pinceau met en scène une forme de musicalité, de vibration fondamentale. Dans sa poursuite du Tao, l'artiste cherche à se détacher des choses matérielles, pour mener d'une vie simple, s'émancipant ainsi des normes, conventions et technologies. Il applique à ses peintures les préceptes de dualité et de complémentarité, l'équilibre des forces, le plein et le vide, le mouvement et la stabilité, le noir et le blanc, traduisant ainsi le vertige entre la réalité de l'expérience humaine et l'infinité de l'univers.
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