Fils naturel de la reine de Hollande, Hortense de Beauharnais et du comte Charles de Flahaut, lui-même fils illégitime de Talleyrand, demi-frère de Louis-Napoléon Bonaparte, future Napoléon III, Charles-Auguste de Morny (1811-1865) est destiné à un avenir unique. Né hors mariage, il est élevé par sa grand-mère Adélaïde de Flahaut qui lui procure la meilleure des éducations. Sa condition de bâtard de haute naissance, statut particulier, nourrit son obsession de faire fortune et de conquérir le pouvoir. Homme important de la Monarchie de Juillet, de la IIème République et du Second Empire, il cherche à établir un statut indiscutable de maître des jeux tout en se mettant en danger pour le goût du risque. Officier auprès du duc d'Orléans, puis homme d'affaires au flair proverbial, il investit dans le sucre, le chemin de fer, puis devient promoteur immobilier, banquier, spéculateur. Opportuniste sans scrupule, il entre en politique. Orléaniste rallié à la cause de Bonaparte, il est l'une des têtes pensantes du coup d'état du 2 décembre 1851. Ogre séducteur, sybarite, Charles Auguste de Morny collectionne les femmes, les vénus mercenaires comme les duchesses.
"Morny, un voluptueux au pouvoir" prend la mesure de cette figure majeure et pourtant méconnue de la seconde moitié du XIXème siècle. L'académicien Jean-Marie Rouart lui consacre en 1995 cet essai biographique porté par un puissant souffle romanesque. La finesse du portrait traduit une grande connaissance du sujet, traité avec élégance et sensibilité. L'envergure du texte puise à la source d'une ferme érudition doublée d'une écriture allègre, un sens de l'incarnation
Complexe, paradoxal, influent, sans scrupule, jouisseur, le duc de Morny fascine et outrage ses contemporains. Balzac le prend pour modèle du comte Henri de Marsay, le dandy dépravé et corrupteur de la Comédie humaine qui apparaît dans "La fille aux yeux d'or", "La duchesse de Langeais", "Ferragus". Alphonse Daudet en fait l'un des personnages du roman "Le Nabab". Victor Hugo le qualifie de "tueur", Émile Zola de "bandit" et d'"érotomane". Jean-Marie Rouart rend compte avec justesse de la stature de cet homme complexe aussi séduisant qu'inquiétant.
Côté face, la vie publique, l'affairiste introduit dans les plus hautes sphères influence durablement le pouvoir et marque de son empreinte la modernisation de la France. Il créé la station balnéaire de Deauville, s'intéresse à l'industrie, les chemins de fer, la société des loisirs. Dans l'ombre, ses manigances, ses trahisons comme ses accointances avec l'Angleterre dans l'affaire du canal de Suez, traduisent une attitude paradoxale, des incohérences très humaines. Aux mondanités de la bonne société, il préfère en privé une quête de plaisirs étourdissante qui le mène jusque dans les bas-fonds. Cette existence aventureuse ponctuée de coups et de passions illustre l'absence de morale du personnage, cynique magnifique, fripouille licencieuse.
Jean-Marie Rouart nous convie dans l'intimité du duc de Morny, plus grand que nature. Il peint le portrait d'un homme tout en nuances, fruit de mystères non-élucidés, entre ombre et lumière, Histoire et anecdotes. L'hybridation heureuse des genres, biographie littéraire aux accents de roman historique, redonne aux personnages de cette fresque vivace tout leur relief, l'épaisseur de la vie, le vertige de la fatalité, la part d'humanité. Passionnant tableau d'une époque et de ses héros.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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