Expo : Un bestiaire japonais.Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVIIIème-XIXème siècle) - Maison de la culture du Japon à Paris - Jusqu'au 21 janvier 2023


« Un bestiaire japonais. Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVIIIème-XIXème siècle) » évoque la cohabitation harmonieuse entre l’Homme et les animaux dans l’archipel nippon au cours de l’ère Edo (1603-1868). A l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Maison de la culture du Japon à Paris, l’exposition organisée en collaboration avec l’Edo-Tokyo Museum, fermé pour travaux, retrace la relation des citadins avec une faune variée, contrastée, omniprésente dans la culture, l’iconographie de cette époque. Au XVIIIème siècle, Edo la nouvelle capitale où réside le gouvernement militaire et le shogun, est une ville ouverte sur la mer, parcourue de rivières, ponctuée de nombreuses collines, bordée de forêts giboyeuses. Ses habitants nouent des liens intenses avec la nature, avec le cycle des saisons. Période de paix inédite, la cité se développe tandis que la cohabitation entre la société humaine et le monde animal se poursuit. Les animaux en liberté dans la rue côtoient les Hommes au quotidien et les artistes croquent volontiers ces saynètes. Au milieu du XIXème siècle, lorsque le Japon s’ouvre à nouveau au commerce avec l’étranger après deux-cents ans de fermeture. Les Occidentaux manifestent leur étonnement quant aux égards rendus aux créatures du règne animal. Le respect vis-à-vis de la faune sauvage, domestiquée, laborieuse prend source dans une philosophie du vivant, une affection particulière pour les animaux domestiques, une fascination pour les bêtes exotiques tout autant que les mythes et croyances. Derrière ce renard, cette souris, se cachent peut-être des kamis, messagers des divinités.

Shûko Koyama, Tomoko Kawaguchi et Naoko Nishimura, commissaires de l’exposition « Un bestiaire japonais. Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVIIIème-XIXème siècle) » et conservatrices à l’Edo-Tokyo Museum ont réuni des artefacts expression d’une culture de coexistence. Gravures, peintures, estampes ukiyo-e, livres illustrés, mobilier, répliques de précieux paravents mais aussi objets du quotidien, ustensiles, éléments décoratifs, vêtements, jouets, la centaine d’œuvres prêtées par l’institution japonaise témoigne de l’attention portée à l’environnement naturel, illustre puissamment un lien aussi particulier que complexe. 












Mémoire de la ville en développement, quotidien avec les animaux de compagnie, domestiques, de labeur ou bien les créatures sauvages, récits et légendes du folklore, l’exposition « Un bestiaire japonais. Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVIIIème-XIXème siècle) » traduit la symbiose réalisée sur l’ère Edo entre la vie urbaine et la nature. La réplique des célèbres Paravents d’Edo datant de 1634 représente la capitale et ses faubourgs, bordés de grands espaces naturels. Dans les rues, les poules s’ébattent joyeusement. Les chiens errants sont nourris par les habitants du quartier. Les montreurs de singes, marchands d’oiseaux et de poissons rouges alpaguent les passants. Dans les zones encore rurales à la frontière de la ville, les animaux de trait, les bœufs de labour ou dédiés au transport des marchandises, les précieux chevaux de guerre paissent tranquillement. 

Dans la forêt, les grandes chasses aux cervidés, sangliers, lièvres, faisans, organisées par le shogun ne sont pas un loisir. Il s’agit de réunir des vivres, faire des réserves en préparation d’éventuels conflits. Ces sorties permettent également à la cavalerie de s’entraîner. A l’ère Edo, le cheval omniprésent joue un rôle militaire avant, la paix se prolongeant, d’être réformé au transport civil. Le respect qui lui est dû est tel qu’un décret interdit les abandons des bêtes âgées ou malades sous peine de mort. La représentation de la chasse au faucon met en scène les grues symbole de longévité et de félicité, les oies, les canards. Les animaux sauvages sont souvent associés aux croyances religieuses. Messagers divinités, ils sont considérés soient comme des porte-bonheurs, tel le renard envoyé d’Inari, dieu des moissons. 











Peinture populaire narrative, les estampes gravées sur bois, ukiyo-e « images du monde flottant », mouvement artistique majeur de l’époque Edo, illustrent des scènes du quotidien, et souvent des personnages en compagnie de leurs animaux domestiques. Le phénomène touche toutes les classes sociales. Le bestiaire familier, petits chiens, chats, poissons, oiseaux rossignols et cailles se doublent de créatures plus insolites tels que les criquets et les grillons vendus dans la rue par les marchands ambulants. Le soir, la famille se réuni pour écouter le chant des insectes. La présence des souris est considérée de bon augure. Messagères de Daikokuten, dieu de l’opulence, elles apporteraient la prospérité sur la maison. La cohabitation avec la faune sauvage se perpétue grâce à la préservation de poche de nature en ville. Les citadins croisent les chouettes du parc d’Ueno, les loutres de la rivière Sumida.

Avant même l’ouverture forcée du pays au milieu du XIXème siècle, les Japonais développent une véritable passion pour les animaux venus d’ailleurs, paons, perroquets et panthères de Chine, bêtes importées de Hollande, éléphants et tigres venus d’Inde, chameaux de l’Afrique du Nord. Edo devient Tokyo en 1868. Activités culturelles, divertissements, spectacles se multiplient, acrobates français, cirques hollandais. Sous l’influence du commerce international et des échanges renouvelés, le premier zoo du Japon est créé en 1882. Dans les années 1930, il se dote d’un rocher aux singes sur l’exemple du zoo de Vincennes en France inauguré en 1931 à l’occasion de l’exposition Universelle. A la suite de la Seconde Guerre Mondiale, exode rurale et urbanisation galopante font reculer les zones naturelles, les espaces préservés reculent devant la pression démographique, peu à peu le monde animal s’efface en ville.








Les objets les plus prosaïques, ornés de motifs animaliers, peignes, blague à tabac, Inrô petite boîte suspendues à la ceinture des samouraïs et des marchands, somptueux kimonos brodés, illustrent les liens singuliers des habitants d’Edo avec la nature. Les jouets empruntent leurs caractéristiques aux animaux dans une forme de représentation qui assume l’idée du mignon. Cette tendance développée dès l’ère Edo se prolonge sous la période Meiji (1868-1912). Aujourd’hui la mode du « kawaii » revendique cet héritage.

Les animaux en connexion avec les esprits et les puissances de la nature sont dessinés sur des estampes protectrices, les aka-e « images rouges », talismans contre les maladies, la variole notamment. Dans les chambres des enfants souffrants, le hibou protège la vue, le lapin sautillant agit pour une maladie légère, la tortue apporte la longévité. 

Un bestiaire japonais. Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVIIIème-XIXème siècle) 
Jusqu’au 21 janvier 2023

Maison de la culture du Japon à Paris 
101 bis quai Jacques Chirac - Paris 15
Tél : 01 44 37 95 01
Horaires : Du mardi au samedi de 11h à 19h - Nocturne les jeudis de 11h-21h pendant les expositions - Fermé les dimanches, lundis et jours fériés - Fermeture tout le mois d'août et du 24 décembre 2021 au 3 janvier 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.