Ailleurs : Canal Royal de Sète, le lien entre l'étang de Thau et la Méditerranée, lieu des grands tournois de joute nautique

 

Entre le Mont Saint-Clair et la Méditerranée, la ville de Sète, à l’origine port de pêche puis épicentre du commerce maritime de la région Languedoc, est devenue une destination de villégiature prisée. La cité telle qu’on la connaît a été créée afin de permettre aux bateaux marchands navigant sur le Canal du Midi, d’accéder au port et à la mer. Reliée à Marseillan par un long lido, cordon littoral isolant la lagune, elle déploie ses charmes dans des paysages marqués par le réseau d’étangs, de canaux et de graus, ces chenaux régionaux. Sète, l’île singulière selon les mots de Paul Valéry, est parcourue de canaux. Ce quadrillage lui vaut d’ailleurs le surnom de Venise du Languedoc. Le Canal Royal, le plus important de tous, relie le bassin de Thau à la Méditerranée, étape finale du Canal des Deux Mers, ancien nom du Canal du Midi, un projet initié par l’ingénieur Pierre-Paul Riquet en 1666 et achevé en 1681. 

A Sète, la saison sportive ouvre chaque année dès le mois de juin. Depuis 1666, la ville entretient la tradition des tournois de joutes nautiques. Deux jouteurs montés sur des barques propulsées par des rameurs se jettent l’un contre l’autre afin de faire choir l’adversaire. A l’occasion de la semaine de la Saint Louis, aux alentours du 25 août, se déroule l’évènement le plus prestigieux de la saison depuis 1743. Les équipes les plus réputées s’affrontent sur le Cadre Royal, la portion du Canal éponyme, délimitée par les ponts de la Civette et de la Savonnerie. Trois-mille places assises, gradins adossés aux quais et aux ponts, sont installées le long des quais et de nombreuses embarcations se positionnent aux premières loges sur l’eau. 







Au début du règne de Louis XIV (1638-1715), juste après la régence d’Anne d’Autriche de 1643 à 1651, le Languedoc porte encore les traces des Guerres de Religion. La région ravagée va se relever de ses cendres et entamer de profondes transformations grâce à deux réalisations importances. D’une part la fondation d’un nouveau port d’envergure dans le Golfe du Lion et d’autre part le creusement du Canal des Deux Mers reliant l’Atlantique à la Méditerranée. Le plus grand port du Golfe du Lion se trouve à Marseille. Les navires disposent de peu de havres, ce qui rend la navigation hasardeuse.

En 1663, Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) charge le chevalier Louis Nicolas de Clerville (1610-1677), ingénieur du Roi de prospecter sur la côte afin de trouver un emplacement pour le futur port. Membre de la commission chargée d’évaluer le projet de canal du Midi entre 1663 et 1666, le chevalier porte son choix sur un promontoire sauvage où niche un modeste village de pêcheurs, connu depuis l’Antiquité, Cette, qui ne deviendra Sète qu’en 1927. Appelé sur d’autres entreprises, il prépare néanmoins soigneusement les plans afin de transformer le hameau en ville portuaire. 








Le chantier qui comptera jusqu’à mille ouvriers en même temps, débute en 1664. Le pouvoir royal engage de grands travaux afin de pourvoir aux aménagements indispensables. Les célébrations officielles de la fondation de la ville débutent le 29 juillet 1666. Monseigneur François du Bosquet, évêque de Montpellier, célèbre une messe. Il préside également une cérémonie de bénédiction à l’occasion de l’enchâssement de la première pierre du môle Saint-Louis. Ce jour-là se déroule au cours des festivités le tout premier tournoi de joute nautique sétois.

La date anniversaire de la création du port de Sète coïncide avec le début du projet parallèle, le creusement du Canal royal des Deux Mers, futur Canal du Midi, en octobre 1666. L’ingénieur Pierre Paul Riquet (1609-1680), fermier général des gabelles et entrepreneur imagine de relier l’océan Atlantique et la mer Méditerranée en s’affranchissant du seuil de Narouze, seuil de partage des eaux. Il expose ses plans à Jean-Baptiste Colbert en mai 1663. Séduit, le ministre y voit l’occasion d’affirmer le prestige royal et de développer transports et du commerce dans le Languedoc. 







Début octobre 1666, Louis XIV signe un édit à Saint-Germain-en-Laye validant la construction d’un « canal de communication des deux mers Océane et Méditerranée ». Le canal est inauguré en 1681, un an après le décès de Riquet, dont la ténacité, l’engagement personnel, l’audace technique et le choix des hommes qui l’entourent ont permis de mener à bien cette entreprise hasardeuse. Le Canal du Midi classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1996 débouche au port de Sète après deux-cent-quarante kilomètres et soixante-trois écluses. Le Canal Royal donne accès à la mer après l’étang de Thau. 

Les joutes nautiques sétoises nées avec la création du port perdurent de nos jours avec succès. Ce sport, fait de traditions, de codes, de protocole et d’un vocabulaire spécifique, est inscrit à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France depuis 2012. A Sète, les joutes se pratiquent selon la méthode languedocienne, variante répandue dans les villes de l’Hérault, Béziers, Agde, Marseillan, Mèze, Balaruc, Frontignan, Palavas et une ville du Gard, Le Grau du Roi. 







Tous les ans pour la Saint Louis, de grandes célébrations ont lieu en hommage au fondateur de la ville Louis XIV. Le tournoi de la Saint Louis se déroule à Sète autour du 25 août depuis 1743. Cette fête populaire, qui compte plus de trois-cent-cinquante ans d’existence, rassemble chaque année vingt-mille spectateurs. Les équipages sont invités à participer sur invitation de la Mairie. Le vainqueur reçoit un pavois décoré par un artiste de la région. 

Canal Royal de Sète
Quais de Bosc, Maréchal de Lattre de Tassigny, de la Résistance, Général Durard, Maximin Licardi
Quais Docteur Schugdt, Adolphe Merle, Noël Guignon, Léopold Suquet, Charles Lemaresquier, Aspirant Herber



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.