Alain Leroy, peintre figuratif, mène une carrière confidentielle soutenue par un succès d’estime. A la fin de la quarantaine, il n’a plus trop d’illusions. Loin de la ville et des excès, il travaille dans la solitude de son atelier à la campagne, retraite quasi-monacale. Il ne quitte sa tanière d’ermite qu’à l’occasion de virées à Paris. Installé dans un hôtel borgne, dans la suite overdose, toujours la même, il organise des bacchanales pour ses amis. Bohèmes embourgeoisés, aristocrates décadents, anciens punks presque rentrés dans le rang, oiseaux de nuit sur le retour s’adonnent au rituel sexe, drogues et alcool. Ce microcosme parisien s’épuise dans une dépravation de salon où brille sa maîtresse, Lukardis, comtesse polonaise très riche et très mariée. Aussi désinvolte que nonchalant, Alain se laisse porter par la force de l’habitude. Sa routine est troublée par l’intrusion de Popée, belle Israélienne, épouse d’un philosophe de Saint-Germain-des-Prés. Très introduite dans le milieu de l’art contemporain, l’ambitieuse conseille un riche collectionneur qui souhaite ouvrir sa propre fondation. Elle sert d’intermédiaire entre les artistes et les acheteurs, suscite les commandes, soutien précieux qui peut faire et défaire les carrières. Popée poursuit Alain de ses assiduités. Ils entament une liaison par opportunisme réciproque. Popée tombe enceinte. Manipulatrice, elle entretient le doute sur l’identité du père. Par lâcheté ou intérêt, sous emprise ou conscient du pouvoir de nuisance de sa maîtresse, Alain laisse la relation lui échapper. Homme perdu, il est déchiré entre un désir de fuite, une fascination charnelle, un vertige lié à la possible paternité. Peu à peu, la haine s’insinue. Alain prend la tangente. Il entame un voyage initiatique à travers l’Andalousie pour retrouver la très jeune Emina, adolescente martyre, surdouée à la santé mentale vacillante, fille d’une ancienne connaissance de jeunesse, devenue star du rap.
Dixième ouvrage de l’écrivain dandy, « Occident » célèbre l’art comme rempart contre la folie du monde. Ce roman empreint d’un romantisme noir arpente les chemins des dévastations intimes, les révolutions intérieures, les envolées sauvages. Simon Liberati décale le propos de la création dans le monde de l’art pour mieux réunir en un cabinet de curiosités fétichistes, ses obsessions intimes : l’art, l’inspiration, les muses abusées, la drogue et les addictions, le désir de rédemption et de pureté, le sexe, la solitude, l’amour comme révélation, la foi. Et une fascination assumée pour le concept d’ « Occident chrétien » posture provocatrice, conversion et expiation.
En portraitiste inspiré, Simon Liberati croque caractères et postures, une galerie contrastée de personnages fascinants, rebutants, dont la densité psychologique procède d’un art de miniaturiste. Il capture des instantanés signifiants, vibrants, relief particulier, sens du détail. Il crée des êtres de chair, profondément incarnés, travaillés par des pulsions délétères et des fantasmes d’élévation. Ces soleils sombres se complaisent dans le sordide des divertissements décadents. Alain, anti-héros inconséquent cultive des ambiguïtés troublantes. Son passé d’extrême droite, plutôt qu’un engagement politique, semble être le fruit d’une posture esthétique, provocation du décadentisme, iconographie surannée. Les personnages d’anges déchus, les innocents égarés dans un monde qui les broie fascinent Simon Liberati. Il invente des femmes dont la cruauté, l’égoïsme, l’aliénation n’ont d’égal que leur inattendue générosité, leur soudain dévouement, vaisseaux salvateurs.
Précision du style, élégance de la prose, Simon Liberati lâche la bride à la beauté baroque d'une plume hallucinée parcourue d’illuminations mystiques. La quête spirituelle ésotérique se fait sensibilité subjective. Le pessimisme morbide provoque le malaise. Les obsessions étranges teintées de mélancolie douce tournent à la folie. Entre clairs-obscurs et flamboyances, l’auteur embrasse tous les excès jusqu’aux grandes embardées psychédéliques. Il mène une expérience esthétique au rythme saccadé de la création, soubresauts fiévreux, excentricités de façade.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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