Ailleurs : Aître Saint-Maclou, ancien ossuaire Renaissance réhabilité en lieu de culture et de gastronomie - Rouen


 
L’Aître Saint-Maclou à Rouen, très rare exemple de cimetière à galeries subsistant en Europe, a fait l’objet d’un classement aux Monuments historiques sur la toute première liste de 1862. Le terme aître, mot dérivé du latin atrium, la cour intérieure situé à l’avant d’une demeure romaine, désigne par extension le cimetière placé à l’avant d’une église. Cet ancien ossuaire de la Renaissance, successeur d’une nécropole consacrée aux morts de la Grande Peste du XIVème siècle, s’illustre par la beauté des façades à colombages et la qualité des décors sculptés exceptionnels. Depuis sa réouverture au public en 2020 à la suite d’une restauration d’envergure menée par la Métropole Rouen Normandie, cet ensemble patrimonial est le deuxième monument le plus visité de Rouen après la cathédrale. 

De 1661 jusqu’en 2014, l’Aître Saint-Maclou a accueilli diverses institutions pédagogiques, écoles de charité destinées garçons, pensionnat de jeunes filles, puis à partir de 1940, l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen. Au XVIIème, la proximité de la mort paraît naturelle et la vocation pédagogique d’un lieu de sépulture qui nous semble paradoxale aujourd’hui, va alors de soi. Désormais réhabilité en lieu culturel, l’Aître Saint-Maclou accueille la galerie des Arts du feu et la galerie Telmah dédiée à l’art contemporain, ainsi que le Café Hamlet et la boutique Les Pâtisseries de Gill. De nombreux événements, concerts, spectacles, visites, y sont organisés tout au long de l’année. Découverte à l'occasion du festival Nuits Normandie Impressionniste.






L’Aître Saint-Maclou, cour arborée cernée de bâtisses, se trouve dans un état de conservation exceptionnel. Les charpentes et menuiseries ont été restaurés avec soin. Les décors remarquables sculptés dans la pierre et dans le bois évoquent un passé funéraire. Les scènes bibliques, Adam et Ève et l’arbre de la Connaissance, côtoient des créatures fantastiques de cauchemar. Les colonnes en pierre sculptée représentent une célèbre danse macabre. Côté galerie est, se trouvent les ecclésiastiques, l’ensemble du clergé par ordre hiérarchique, pape, évêques, moines. Galerie ouest, les laïcs, empereur, roi, aristocrates…

Sur les poutres en bois sculpté, sont représentés crânes, fémurs, mandibules, évocation de l’ossuaire mais également les outils du fossoyeur, pic, pelle, cercueil, ainsi que les instruments liturgiques, ciboires, missels, bénitiers, nécessaires aux rites funéraires. Seule la galerie Sud du XVIIème siècle dépourvue de soubassement n’est pas décoré. Les cloisons en pans de bois sont maçonnées. A l’entrée de la cour, se trouve une curieuse vitrine qui perpétue la légende du chat noir momifié, félidé qui selon le contré aurait emmuré vivant à la Renaissance afin d’éloigner le mauvais sort. Cette histoire n’est pas avérée. Il s’agirait d’une supercherie des étudiants des Beaux-Arts. Mystification lugubre.







De 1347 à 1352 la moitié de la population européenne succombe à la Grande Peste noire. En 1348, l’épidémie qui ravage le continent atteint Rouen. La population de la paroisse Saint-Maclou est décimée. Le cimetière situé devant l’église, « le petit aître » se révèle rapidement insuffisant pour inhumer les victimes. La paroisse acquisition d’une parcelle un peu plus loin, un champ sur lequel est créé un nouveau cimetière, « le grand aître », à l’emplacement de l’Aître Saint-Maclou. 

Au XVème et au XVIème siècles de nouvelles vagues de peste frappent durement les Rouennais. L’aître charnier est agrandi à plusieurs reprises. Le cimetière est saturé. Le clergé de la paroisse envisage de déplacer les plus anciennes dépouilles pour augmenter la capacité de la nécropole. En 1526, une partie des ossements est exhumée. Afin de les conserver, la paroisse lance la construction d’un ossuaire composé de trois galeries autour du cimetière. La première galerie à l’Ouest est édifiée sous la direction de Guillaume Rybert, architecte en 1535 de la sacristie de l’église Saint-Maclou. Les galeries Nord et Ouest sont achevées en 1529 et 1533. 







En 1651, la galerie Sud voit le jour à la suite d’un legs du père Robert Duchesne qui manifeste dans ses dernières volontés le désir de créer une école. En 1652, cette quatrième aile qui ferme la cour abrite les logements destinés aux prêtres, et les espaces d’enseignement. L’école coexiste avec la fonction d’ossuaire. La chapelle Saint Michel est érigée par Pierre Daust en 1658. En 1661, l’école pour les garçons pauvres de la paroisse est inaugurée, suivie en 1678 d’une école de filles.

A partir de 1705, l’école de charité est gérée par les Frères des Ecoles Chrétiennes, institution fondée à Reims en 1680 par saint Jean-Baptiste de la Salle (1651-1719). Les ossements sont déplacés. Entre 1745 et 1749, les galeries rehaussées, les combles sont transformés. Un incendie en 1758 dévaste les galeries de l’Aître Saint-Maclou. Elles sont partiellement reconstruites. En 1768, une partie des bâtiments est reconvertie en atelier de filature.







L’ordonnance royale de 1776 supprime les cimetières urbains pour des raisons d’hygiène. Ceux préexistants sont déplacés hors de la ville dans de nouveaux espaces d’inhumation. Le cimetière Saint-Maclou ferme en 1781. Les sépultures rejoignent en 1782 le cimetière du Mont Gargan tout juste ouvert. A la Révolution française, l’Aître Saint-Maclou est désaffecté. La croix centrale détruite en 1792 sera remplacée en 1828. L'église Saint-Maclou est fermée en 1793. Sous la Terreur, la filature de l’Aître Saint-Maclou fait place à une fabrique d’armes et un club de quartier 

L’école tenue par les Frères des écoles chrétiennes perdure. Au milieu du XIXème siècle, elle accueille jusqu’à mille-deux-cents élèves. L’école de garçon quitte les lieux en 1907. La bâtisse devient un pensionnat de jeunes filles en 1911, qui ferme en 1920. La destruction de l’Aître Saint Maclou est évoquée quand en 1927 la Ville de Rouen acquiert le site quasiment à l’abandon. En 1938, le conservateur Fernand Guey (1877-1964) y installe son Musée d’art normand. L’expérience est de courte durée.







A la suite de l’incendie dévastateur de la halle aux Toiles le 9 juin 1940, l’Aître Saint-Maclou recueille les deux-cents étudiants de l’école des Beaux-Arts de Rouen. La situation qui devait être provisoire s’entérine durant soixante-quatorze ans. Les Beaux-Arts ne déménageront qu’en 2014. De 2016 à 2017, des fouilles archéologiques dans la cour révèlent la présence de nombreux ossements.  

En avril 2018, débute la campagne de réhabilitation menée par la Métropole Rouen Normandie pour un budget entre de 14 millions d’euros. Façades, toitures, décors, charpentes, menuiseries, structures intérieures et extérieures font l’objet d’une restauration extensive. De nombreux aménagements dans le respect du patrimoine permettent d’envisager de nouvelles affectations culturelles et gastronomiques. Des salles d’exposition, des ateliers, un café-restaurant sont créés. Depuis sa réouverture au public en 2020, l’Aître Saint-Maclou s’inscrit dans un contexte culturel et gastronomique.

Aître Saint-Maclou 
186 rue Martainville - 76000 Rouen
Tél : +33 2 35 52 48 21
Horaires : Accès libre tous les jours de 9h à 19h - Sauf le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.