Lundi Librairie : Glitz - Elmore Leonard


Détective de la police de Miami, Vincent Mora, s’est fait braquer et tirer dessus par hasard en rentrant de l’épicerie. Il passe sa convalescence à San Juan, la capitale de Porto Rico. Durant ses vacances forcées au soleil, il s’entiche d’une jeune vénus mercenaire, la belle Iris qui rêve des Etats-Unis. Malgré les efforts de Vince pour la préserver, elle se laisse tenter par une proposition de travail louche. Elle s’envole vers le New Jersey pour devenir hôtesse de casino à Atlantic City. Dans l’ombre un sale type rôde et surveille de près les agissements de Vince. A cause de ce dernier, Teddy Magik, un violeur psychopathe, vient de tirer sept ans et demi au pénitencier de Raiford, la prison d’Etat de Floride. Il est bien décidé à se venger du flic qui l’a arrêté. Depuis son arrivée aux Etats-Unis, Iris escorte les gros clients du casino auxquels elle dispense ses faveurs. Une nuit, elle tombe du trente-huitième étage d’une tour. Suicide ? Meurtre ? Accident ? Elle portait sur elle un mot adressé à Vincent. Les collègues de la police d’Atlantic City le contactent en espérant éclaircir cette mort suspecte. Vince, toujours en congés, mène une enquête officieuse loin de sa juridiction.

Le roman noir selon Elmore Leonard flirte avec la comédie. L’efficacité redoutable façon roman de gare acidifié par l’humour d’un sous-texte rigolard confère à « Glitz » une rythmique alerte de thriller. Art de la fiction, l’auteur enchaîne avec malice retournements de situation, escalade de la violence, impertinence moqueuse. Sur le fil tendu d’une traque inversée du malfaiteur poursuivant le policier, le romancier assume pleinement les codes du polar. Le tour de force tient dans l’alternance incarnée des points de vue. Elmore Leonard se glisse auprès de Vince Mora, parangon de vertu virile qui cache sa nature de grand romantique sous des abords rugueux, dur à cuire au grand cœur, détective justicier, impassible héros marqué par une blessure secrète. Le chapitre suivant, l’auteur alterne. Il entre dans la tête de Teddy Magyk, violeur de grands-mères, psychopathe à la fois terrifiant et ridicule. Trucidant allègrement les malheureux sur son passage, il vit chez sa mère, se fait entretenir par celle-ci et fulmine que la vieille dame se refuse à lui donner plus d’argent de poche. Avec verve, Elmore Leonard s’approprie les schémas. Pas d’ambiguïté morale, les gentils sont impeccables et les méchants épouvantables.

Le récit tendu noue le suspens, s’enrichit de rebondissements improbables. L’écriture cinématographique, style affûté, à l’os, donne un relief particulier aux milieux interlopes de la pègre. Elmore Leonard plante les décors avec un soin particulier, San Juan, ses paysages de rêve, ses plages et ses filles, Atlantic City, station balnéaire du New Jersey, haut lieu des jeux d’argent et des spectacles de cabaret, la poudre aux yeux et les fantasmes d’argent facile. En quelques mots bien sentis, il décrit le faste et le sordide, la misère et l'apparat, la fantaisie et le réalisme cru.

Embrouilles et magouilles au pays des casinos prennent leur pleine dimension grâce aux talents de dialoguiste de l’auteur. Il s’approprie l’argot des milieux interlopes, s’attache aux effets de réel par une oralité, une gouaille réjouissante. Il offre sa propre voix, son ton particulier à chaque personnage, des forts en gueule volontiers burlesques lorsqu’ils cessent d’être terrifiants. L’aréopage insolite de mauvais sujets se composent de stéréotypes savoureux, malfrats sans états d’âme, gangsters bas de plafond, criminels en tout genre tous fort peu recommandables, femmes fatales et filles perdues. Iris la petite prostituée portoricaine qui rêvait d’Amérique meurt tragiquement. Tommy patron de casinos crapuleux rattrapé par l’âge est manipulé par Nancy, sa vénéneuse épouse, de trente ans sa cadette, véritable tête-pensante du groupe. Jackie Garbo, le directeur magouilleur flamboyant se fait moins hâbleur quand il perd la protection de Moose, ancien sportif de haut niveau reconverti en garde du corps. LaDonna, ancienne candidate malheureuse de Miss America noie ses illusions perdues dans l’alcool. Linda Moon, chanteuse de cabaret, beauté blasée, ne se fait plus d’illusion sur sa carrière mais chavire pour Vince. Divertissement réjouissant, avec « Glitz » il s’agit de ne pas bouder son plaisir de lecture.

Glitz - Elmore Leonard - Traduction Fabienne Duvigneau - Editions Payot Collection Rivages Noir



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.