Paris : Hôtel de Cluny, ancienne résidence parisienne des abbés de Cluny, témoin remarquable du gothique flamboyant et désormais Musée de Cluny - Musée national du Moyen- Âge - Vème

 

L’Hôtel de Cluny, témoignage somptueux de l’architecture médiévale civile, a été édifié entre 1485 et 1510 à la place d’une ancienne résidence acquise en 1334 par l’Ordre de Cluny. Témoignage d’une formule architecturale, l’hôtel particulier, jusqu’alors inédite mais qui prendra son essor du XVIème au XVIIIème siècle à Paris, le bâtiment de style gothique flamboyant inclut dans sa structure originelles les vestiges archéologiques des Thermes gallo-romains. Jacques d’Amboise (entre 1440 et 1450 - 1516), son commanditaire, nommé abbé de Cluny en 1485, cherche alors à asseoir son statut. Il prend la succession de Jean III de Bourbon lui-même grand bâtisseur, charge qu’il conserve jusqu’en 1514, pour céder la place à son neveu Geoffroy II d’Amboise (1488-150). Évêque de Clermont-Ferrand de 1505 à sa mort en 1516, Jacques d’Amboise s’affirme en constructeur d’envergure et mécène important. Le palais parisien, destiné aux prélats de l’abbaye bénédictine, se veut demeure d’exception, lieu de résidence et de représentation. L’abbé de Cluny valide des choix audacieux propres à marquer les esprits. Le plan complexe, d’un seul tenant, d’un seul bâtiment, innove. Auparavant, les résidences privées étaient constituées d’éléments disparates, assemblage de corps indépendants autour d’une cour et éventuellement d’espaces verts. L’Hôtel de Cluny est la première résidence privée construite entre cour et jardin. Ses dimensions généreuses, ses matériaux onéreux, son décor fastueux affirment le pouvoir de l’Ordre de Cluny et plus particulièrement en son temps de Jacques d’Amboise. Le seul édifice comparable à Paris serait l’Hôtel de Sens, édifié pour l’archevêque de Sens, cité épiscopale. De nos jours, l’Hôtel de Cluny abrite le Musée de Cluny - Musée national du Moyen-Âge



Depuis le square Samuel Paty









Foyer de réforme de la règle bénédictine, l’abbaye de Cluny, établie en Bourgogne, est fondée le 2 septembre 909 ou 910 par Guillaume Ier dit le Pieux, duc d'Aquitaine et comte d'Auvergne. L’Ordre créé trois collèges, à Paris et Avignon ainsi que Dole, capitale comtoise et territoire des Habsbourg, établissements universitaires dont le rayonnement intellectuel marque tout le Moyen-Âge. Les séminaristes y suivent un cursus savant exigeant. Dans le même temps, un réseau d’abbayes affiliées se développe à travers toute l’Europe occidentale. Le collège parisien est édifié au XIIIème, au sud de l’actuelle place de la Sorbonne. L’abbé de Cluny établit sa résidence à proximité. Cette demeure originelle, acquise en 1334 et détruite vers 1470, n’a pas laissé de traces tangibles. Elle est connue par sa seule mention dans certaines archives, sous l’appellation de Palais des Thermes.

Lorsque Jacques d’Amboise succède à Jean III de Bourbon en 1485, il désire accroître son prestige. Les contraintes sont nombreuses. La parcelle irrégulière, les vestiges des Thermes gallo-romans à l’ouest embarrassants. Les bâtisseurs prennent le parti de les conserver. Il semble moins onéreux de les intégrer à la nouvelle structure que de les raser. Le tracé de la rue impose le biais du mur de clôture. Une porte cochère et un guichet percent le mur crénelé aveugle longeant l’actuel square Samuel Paty et la rue de Cluny. Au-delà, se trouve une vaste cour intérieure dont les façades répondent à un programme décoratif foisonnant, véritable dentelle de pierre, illustration somptueuse du gothique flamboyant. Un ouvrage délicat finement sculpté encadre les fenêtres du deuxième étage en saillie. 

Une tour à cinq pans renferme un escalier à vis. Bourdons et cartouches affirment le pouvoir de Jacques d’Amboise, par l’omniprésence des pièces de son blason, l’ange, la croix et les coquilles Saint Jacques des pèlerins de Compostelle. Ses armes se retrouvent sur la grande tour, les lucarnes, le cul-de-lampe de la chapelle, les plafonds. Le puit à margelle à sec est orné d’une curieuse gouttière à tête grimaçante.

L’emplacement du corps de logis a été déterminé par les vestiges des thermes gallo-romains. L’Hôtel de Cluny répond à un plan en U entre cour et jardin. Deux ailes encadrent le corps de logis central. L’aile droite était alors mitoyenne du couvent des Mathurins aujourd’hui disparu. L’exacte distribution des espaces de vie fait défaut, la transformation de l’hôtel de Cluny en musée au XIXème siècle ayant exclu les fonctions quotidiennes. A l’est, le rez-de-chaussée devait être occupé par les cuisines, signalées par les vestiges d’une grande cheminée et un accès autonome. A l’angle de l’aile et du logis, se trouvaient deux salles d’apparat au rez-de-chaussée. A l’ouest, la galerie au premier étage aile gauche sur cour conduisait à la chambre de l’abbé proche de la chapelle.


Cour d'honneur









Cette dernière, joyau de l’hôtel particulier, se place à l’arrière du bâtiment. La position signale sa vocation privative. Construite sur un plan presque carré au-dessus d’un porche d’abside hors-d'œuvre, elle se développe en saillie de la façade portée par un cul-de-lampe sur pilier. Elle donne accès directement au jardin par un premier escalier à vis, et aux espaces d’apparat par un second. 

Sa voûte portée par un unique pilier central s’inspirent de celles de l’hôtel de Bourgogne et de Saint-Germain-l’Auxerrois.  Elle se déploie en un réseau de nervures élégant. Le remarquable décor peint et sculpté nous est partiellement parvenu, en particulier les niches sur consoles surmontées de dais. La scénographie du XIXème siècle s’organisait autour de fragments de sculptures, Dieu bénissant le Christ, des anges ainsi que des peintures de Marie Jacobi et Marie Salomé, attribuées à Guido Mazzoni qui serait peut-être également l’auteur de l’ensemble du programme iconographique. Cet artiste a travaillé pour le cardinal Georges d’Amboise (1460-1510), ministre de Louis XII et frère de Jacques, au château de Gaillon de 1495 à 1510. 

Le premier jardin épouse l’axe du corps de logis. A l’ouest, deux jardins suspendus, désormais disparus, ont été installés sur les voûtes du frigidarium et de l’actuelle salle romane. Les jardins actuels intact servent en partie de dépôt lapidaire, pour les vestiges églises et d’anciens hôtels particuliers voisins. S’y trouvent notamment, le portail occidental de Saint-Benoît-le-Bétourné église disparue qui était proche de la Sorbonne et celui de l’Hôtel de Bayeux, trois statues de la Tour Saint Jacques, le lion de saint Marc, l’aigle de saint Jean, le bœuf de saint Luc. 



Chapelle










L’Hôtel de Cluny devient à partir du XVIème siècle, une résidence temporaire d’hôtes de marque. En janvier 1515, Marie Tudor (1496-1533), jeune veuve de Louis XII et sœur cadette du roi Henri VIII d’Angleterre, quitte l’Hôtel d’Orléans de la rue Saint André des Arts. Elle y prend ses quartiers durant quarante-cinq jours, le temps de déterminer si elle porte ou non l’héritier de la couronne. Surprise en compagnie de Charles Brandon, duc de Suffolk, en mars 1515, elle est renvoyée en Angleterre. Et François Ier peut être couronné roi de France. En 1536, c’est au tour de Jacques V d’Ecosse et de sa cour de résider à l’Hôtel de Cluny, à l’occasion de son mariage avec Madeleine de France, fille de François Ier.

A partir du XVIIème siècle et jusqu’à la Révolution, les nonces apostoliques, les légats du pape, parmi lesquels le cardinal Mazarin en 1634, y tiennent l’ambassade du Vatican. Les personnages influents s’y succèdent. Marie Angélique Arnauld (1591-1661), abbesse et réformatrice de Port-Royal, figure majeure du jansénisme, et les sœurs de sa congrégation s’y installent le temps de l’achèvement du couvent de la rue du Faubourg Saint Jacques.  A la Révolution les thermes gallo-romains servent de caves et d’entrepôt à un négociant en vin. L’Hôtel de Cluny est occupé par un imprimeur et un libraire. Bien nationalisé en 1790, il est racheté par un autre libraire.

En 1832, le bâtiment est partiellement loué à Alexandre Du Sommerard (1779-1842), conseiller-maître à la Cour des Comptes, érudit collectionneur passionné. Il y établit son domicile en 1833 et créée le Musée d’antiquités nationales dont le fonds est acquis à son décès par l’Etat en 1842. En 1844, Musée national du Moyen-Âge est créé. 

Musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge
28 rue du Sommerard - Paris 5
Tél : 01 53 73 78 00
Horaires : Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h15 - Fermé le lundi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.