Cinéma : The Duke, de Roger Michell - Avec Jim Broadbent, Helen Mirren

 


A Newcastle, Kempton Bunton, ancien chauffeur de taxi renvoyé pour ses prises de position en faveur des avancées sociales, a multiplié par la suite les postes éphémères. Le sexagénaire vit d’une retraite minuscule dans un pavillon d’une cité ouvrière typique, aux côtés de son épouse Dorothy, excédée par les débordements militants de son cher et tendre. Désormais, Kempton est très remonté contre la redevance télé. Il préfère ne plus recevoir la BBC, chaîne d’état à laquelle il envoie régulièrement des pièces de théâtre à chaque fois refusées, plutôt que de régler cette taxe injuste avec ses maigres allocations retraite. Il s’engage dans un combat très personnel contre le gouvernement britannique. Afin d’obtenir la gratuité de la télévision pour les personnes les plus démunies, le trublion organise des manifestations, lance des appels dans la presse locale et multiplie les pétitions sans parvenir à faire entendre sa voix. Il fulmine lorsqu’il apprend que Le Portrait du duc de Wellington, héros national, vainqueur de la bataille de Waterloo, tableau de Goya a été préempté par la Couronne britannique lors d’une vente aux enchères pour la somme de 140 000 livres. Un montant faramineux. Se sentant l’âme d’un Robin des bois moderne, Kempton Bunton parvient à dérober la précieuse toile, exposé à la National Gallery de Londres, musée réputé inviolable, dix-neuf jours après son installation. Alors que les services de police soupçonnent des trafiquants d’art d’envergure internationale, l’inoffensif retraité envoie une demande de rançon. En échange du tableau, il réclame que soit créé un fonds de 140 000 livres afin d’assurer l’accès gratuit aux chaînes publiques de la télévision pour les personnes aux revenus modestes et particulièrement les retraités. La proposition est rejetée. De 1961 à 1965, le tableau demeure introuvable laissant tous les services de police du pays en alerte. 







Comédie dramatique délicieusement britannique, « The Duke » est le dernier long-métrage de Roger Michell, réalisateur de « Coup de foudre à Notting Hill », « My cousin Rachel » et « Un week-end à Paris », disparu en septembre 2021. Cette histoire rocambolesque revendique sa vocation de feel-good movie et pourtant pas exempt de réflexion politique. Un retraité idéaliste choisit d’aller jusqu’au bout de son engagement en réalisant l’unique vol jamais perpétré à la National Gallery. Une sorte d’exploit pour ce pourfendeur des inégalités sociales, homme des plus ordinaires. La disparition du Portrait du duc de Wellington, de Goya, a marqué les esprits au point d’inspirer très rapidement la pop culture. En 1962, à l’occasion du film « James Bond 007 contre Dr No », le réalisateur Terence Young place la toile dans le bureau du Dr No. 

Le fait-divers cocasse, prétexte d’une peinture sociale dans l’Angleterre des années 1960, donne au réalisateur l’opportunité de tracer en filigrane un portrait touchant de la classe ouvrière du nord de l’Angleterre. La reconstitution historique s’inscrit dans une restitution savoureuse de l’époque. Fantaisie et idéalisme, empathie, bienveillance assumée, le film au rythme enlevé évite l’écueil du sentimentalisme grâce à une bonne dose humour britannique, très pince-sans-rire voire très acide. Il résonne comme une invitation à désobéir pour défendre ses convictions et initie une réflexion en sous-texte sur les conditions de vie des personnes âgées.





La distribution impeccable brille notamment par ses seconds rôles délicieux. Jim Broadbent incarne avec panache le truculent Kempton, héros populaire ordinaire médiatisé lors de son procès. Helen Mirren est formidable en épouse exaspérée par les excentricités de son mari tandis que Matthew Goode, figure de « Downton Abbey », fait une apparition remarquée dans la seconde moitié du film en avocat charmeur.  Si l’intrigue paraît un peu attendue, il serait dommage de résister au charme solaire du genre, la comédie sociale britannique. Un bonbon !

The Duke, de Roger Michell
Avec Jim Broadbent, Helen Mirren, Fionn Whitehead, Anna Maxwell, Matthew Good
Sortie le 11 mai 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.