Lundi Librairie : Plus on est de fous plus on s'aime - Jacky Durand


 

Roger et Joseph, deux amis d’enfance aux destins contrastés, deux accidentés de la vie, vivent retirés du monde dans une maison forestière des plus spartiates. Pour assurer le quotidien, ils bricolent. Joseph cultive des fruits et légumes d’exception dans son jardin, ramasse des champignons en saison, produit une eau de vie très recherchée. Il vend ses excédents aux chefs étoilés dont il fut client dans une vie antérieure. Roger convoie du bois, file des coups de main à droite à gauche. Joseph, ancien banquier d’affaires, transfuge de classe à la réussite sociale éclatante, s’est effondré à la suite d’un drame intime. Dépression, séparation, il a remis toute son existence en question, renonçant à son statut et ses valeurs consuméristes. Afin de surmonter son grand chagrin, se reconstruire, il s’est réfugié au fond des bois. Il a choisi une existence rustique proche de la nature. Roger, braqueur repenti, a passé vingt ans au placard pour avoir refusé de balancer ses complices. En remerciement de cette loyauté, ils l’ont accablé par leurs témoignages à charge. Il n’a pas vu grandir sa fille, Julie aujourd’hui brillante étudiante en médecine. A la sortie de prison, Roger a frappé à la porte de Joseph, son ami de toujours. 

Un soir, alors qu’ils rentrent de Paris, les deux compères découvrent, sur une aire d’autoroute, un nourrisson abandonné dans un panier d’osier. Tandis que Roger hésite entre joindre la gendarmerie où son passé pourrait lui porter préjudice et la maternité la plus proche, Joseph songe tout de suite à garder le bébé. Mais comment accueillir un enfant en bas âge dans une masure sans aucun confort moderne tout en cherchant une solution pour l’adopter légalement ? D’autant que Le Boiteux, ancienne connaissance de Roger à la rancune tenace cherche à nuire. Le quotidien d’habitude et de solitude des deux compères est bouleversé par l’arrivée de l’enfant.  

Journaliste gastronomique pour Libération et France Culture, Jacky Durand signe un roman populaire, ode à la camaraderie et à la solidarité. « Plus on est de fous plus on s’aime » raconte une histoire de seconde chance, de résilience et de famille recomposée au-delà des liens du sang. L’intrigue riche en rebondissements s’invité parfois jusqu’au rocambolesque de la parodie. Deux marginaux, cabossés par la vie, décident d’élever un bébé trouvé par hasard. Autour d’eux, la solidarité s’organise alors que se constitue une véritable tribu. 

A la légèreté des situations improbables, l’auteur associe la fantaisie charmante d’un aréopage insolite. Monte-en-l’air, braqueur de fourgons blindés, demi-monde et pègre locale, vénus mercenaire, demi-sel et marlou, cette galerie de personnages attachants se sont tous réinventés face aux épreuves de la vie. Les protagonistes hauts en couleurs, forts en gueule ou taiseux, marginaux hors sol semblent faire directement référence au cinéma, clins d’œil à Bertrand Blier ou Michel Audiard et Georges Lautner. Le texte ponctué de bons mots prend chair dans la gouaille des dialogues, oralité savoureuse. Lecture fluide, sincérité, bienveillance. Les grands rugueux, anciens détenus, grand bourgeois dévasté, révèlent leur sensibilité dans leur rapport aux enfants mais aussi dans leurs amitiés viriles indéfectibles. Muguette ancienne prostituée a toujours eu un faible pour Roger, qui bien des années auparavant a pris sa défense contre son souteneur. Karl Marx, le psy des âmes cabossées, est la figure centrale d’un village autogéré. L’Indien, son protégé que l’administration voulait interner, se révèle en boulanger inspiré. Jean l’aumônier des prisons à la retraite vit en ermite dans la forêt. Angelo le vieux faussaire de génie ne lit pas le français. L’aventure commune va soigner les blessures.

Retour aux sources, célébration de la nature, dans ce roman résolument optimiste, les personnages reprennent goût à la vie dans la simplicité de l’essentiel. Influence du chroniqueur culinaire, déformation professionnelle, les incursions gourmandes se multiplient. Les protagonistes se retrouvent en cuisine autour de recettes du terroir et des bons produits récoltés dans la forêt qui perpétuent une idée de la préservation de la nature. Un roman feel good plein d’humanité et de bons sentiments.

Plus on est de fous plus on s’aime - Jacky Durand - Editions Stock



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.