Paris : Architecture de la Bourse de Commerce, le dialogue du patrimoine et de la modernité selon Tadao Ando - Ier



Ecrin parisien de la collection Pinault, la Bourse de Commerce s’est réinventée sous la houlette de l’architecte Tadao Ando en espace dédié à l’art contemporain. Au cœur de Paris, ce phare du quartier rénové des Halles a été inauguré le 22 mai 2021. Restaurée par l’architecte des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier, transformée par le maître japonais associé au cabinet NeM - Niney et Marca Lucie Niney et Thibault Marca, la Bourse de Commerce trouve une dynamique alternative dans l’animation des strates du temps et des formes. La réhabilitation inspirée préserve le patrimoine. La relecture opérée sans altération s’incarne dans une intervention contemporaine réversible, respectueuse du bâtiment d’origine. Le geste architectural aussi radical que minimaliste réinvente et transfigure les volumes imbriqués du moderne et de l’historique. Le cylindre de béton imaginé par Tadao Ando s’insère dans l’édifice originel. La structure coulée sur place s’enroule à l’intérieur de la rotonde originelle multipliant les points de vue spectaculaires et les enclaves intimes. Expressivité et épure, fluidité de la circulation, séquençage des espaces, animation des strates formelles et temporelles, la Bourse de Commerce se lit comme l’accomplissement des préceptes esthétiques défendus par l’architecte. L’édifice, inscrit à l’inventaire des bâtiments historiques en 1975 et partiellement classé, embrasse désormais sa nouvelle vocation avec panache et élégance. 











Au début des années 2000, François Pinault manifeste le désir de créer une fondation d’art contemporain au cœur de l’ancien site industriel de Renault sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt. Faute de soutien, le projet est abandonné en 2005. Rendez-vous manqué. La Fondation Pinault et une partie de sa collection seront accueillis par la ville de Venise. La municipalité met à la disposition de l’homme d’affaires Le Palazzo Grassi inauguré en 2006 puis la Punta della Dogna, en 2009 et Il Teatrino, en 2013. L’architecte japonais Tadao Ando, prix Pritzker 1995 imagine la réinvention de ces édifices patrimoniaux. Dévolus à l’art contemporain, ils retrouvent leur beauté dans leur nouvelle assignation. Singularité du projet de François Pinault, chaque site possède sa propre personnalité. La Bourse de Commerce en témoigne admirablement. La sensibilité esthétique minimaliste de Tadao Anda confère rigueur et pureté à ses propositions. Afin d’ancrer l’architecture dans son époque et dans l’histoire, il propose de toucher aussi peu que possible aux bâtiments originels. Leur adaptation aux besoins de musées contemporains, se fait dans le respect des éléments patrimoniaux. Pour l’ancienne Bourse de Commerce, la reconversion de l’édifice sera marquée par les références historiques, les évolutions du bâtiment, de ses usages et la grande modernité du style Tadao Ando.

Destiné à accueillir la halle au blé du plus grand marché de produits frais de Paris, le bâtiment de notre actuelle Bourse de Commerce est édifié en 1763, par l’architecte Nicolas Le Camus de Mezières (1721-1789). En 1782, il doté d’une coupole en bois. En 1812, l’ingénieur François-Joseph Bélanger lui en offre une nouvelle, véritable prouesse technique. La structure de fonte et la couverture en cuivre couronné d’un lanternon vitré illustrent la modernité à la pointe du progrès du projet.

A la fin du XIXème siècle, à la suite d’une série d’incendies ravageurs l’ancienne halle au blé est reconvertie en Bourse des marchandises. L’architecte Henri Blondel est mandaté. Il imprime alors son empreinte haussmannienne sur l’architecture du bâtiment originel. Ce volet patrimonial lié à la restauration drastique de 1889, façades intérieur et extérieur, toitures, a été restitué sans altération par lors du chantier de réhabilitation mené entre 2017 et 2020. Henri Blondel conserve la coupole de Bélanger dont il fait ôter la couverture de cuivre et accroit la surface vitrée. Une fresque monumentale très académique orne désormais les hauteurs de la façade intérieure, dans une évocation allégorique du commerce de la France coloniale sur les cinq continents. Le bel escalier à double révolution qui relie l’entrée de la Bourse de Commerce au restaurant du dernier étage est également préservé.  En revanche la rotonde originelle de Le Camus de Mezières disparaît. Sa reconstruction lui ajoute un étage supplémentaire ainsi qu’un entresol. La façade extérieure s’orne de colonnes corinthiennes et de nombreuses sculptures d’inspiration Renaissance. La Bourse des marchandises est inaugurée à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889 en même temps que la Tour Eiffel. 












La Mairie de Paris vend le bâtiment vétuste pour un franc symbolique à la Chambre de Commerce et de l’Industrie en 1949. En 2016, la Ville rachète la Bourse de Commerce libérée par la CCI pour un montant de quatre-vingt-six millions d’euros. La gestion de cet espace qui demeure propriété publique est confiée à Artemis, filiale du groupe Pinault. Le bail emphytéotique de cinquante ans court jusqu’en 2067. 

Le chantier pharaonique mené de l’été 2017 à 2020 pour un budget de cent-soixante millions d’euros en fonds propres, permet une ouverture au public, à peine retardée par la pandémie, en un temps record, courant 2021. Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques supervise la restauration des éléments classés. L’extérieur conserve son allure originelle marquée par le fronton vers la rue du Louvre, la coupole culminant à quarante mètres de haut et la colonne Médicis annexe, vestige de l’Hôtel de Soissons. 

La réinvention des espaces intérieurs est confiée à l’architecte Tadao Ando. Le geste est minimal, d’une suprême élégance. Mené en collaboration avec l’agence française NeM, Lucie Niney et Thibault Marca, le projet sublime l’architecture néoclassique du lieu.  Le cylindre en béton renouvelle le bâtiment dans un mouvement d’enveloppement intérieur symbole de la mutation de la Bourse de Commerce. L’édifice originel se déploie selon un plan circulaire dont le diamètre atteint trente-huit mètres. Afin de valoriser la rotondité des espaces intérieurs, l’architecte a imaginé un cercle dans un cercle préexistant. Véritable puits de lumière connecté à la verrière, le cylindre libère l’espace central d’exposition, vaste de six-cent mètres carrés. Les trous laissés par les banches, éléments de coffrage des murs de béton, impriment leur marque sur la surface brute et scandent la forme géométrique pure. L’espace vide interstitiel entre le nouveau mur et la façade intérieure de la rotonde. 

Le volume de béton imaginé par Tadoa Ando, vingt-neuf mètres de diamètre haut de neuf mètres est souligné par l’enroulement des escaliers, connexions d’accès qui desservent les espaces latéraux. Parés de garde-corps en verre, les rampes d’accès aériennes accrochées aux parois du cylindre illustrent une quête de transparence et de luminosité. Au gré des étages, se dévoilent des vues inédites sur Paris, l’église Saint-Eustache, les jardins des Halles, le Centre Pompidou. 












Les dix nouvelles galeries d’exposition s’articulent selon les besoins dans la continuité ou le fractionnement des volumes. Selon les niveaux, la variété des espaces et des éclairages invite à investir les lieux de façon très différente tandis que le grand dégagement central, offre une profonde respiration. Une coursive couronne la structure au plus près de la verrière préservée. Les éléments d’origine ne cessent de dialoguer avec les inventions formelles modernes. Les interventions subtiles d’Erwan et Ronan Bouroullec en charge de l’architecture d’intérieur viennent souligner les courbes de la structure.

Volumes, respiration, la fluidité de la déambulation entre surfaces d’exposition, d’accueil et de circulation donne une impression de liberté de mouvement. Sur les dix-mille-cinq-cents mètres carrés que comptent le bâtiment, six-mille-huit-cents sont consacrés aux espaces d’exposition, ouverts sur la ville ou sur le cœur de l’édifice. La création et la vie se mêlent intiment grâce aux aménagements de l’espace. Au sous-sol se trouvent l’auditorium de deux-cent-quatre-vingt-quatre places, son foyer et un studio d’enregistrement à la pointe de la modernité.

Centre d’art destiné à accueillir les événements de la collection Pinault, la Bourse de Commerce a retrouvé sa splendeur disparue et le lustre sans pareil d’une vocation culturelle.

Bourse de Commerce
2 rue de Viarmes - Paris 1
Tél : 01 55 04 60 60
Horaires : Ouvert du lundi au dimanche de 11h00 à 19h00 - Nocturne le vendredi jusqu’à 21h00 - Le premier samedi du mois, nocturne gratuite de 17h à 21h - Fermé le mardi
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.