Expo : Lee Bae, le noir en constellation - Galerie Perrotin Paris - Jusqu'au 26 février 2022

 

La pratique artistique monochromatique de Lee Bae explore les nuances du noir, toute la gamme des contrastes et des reflets, des opacités et des miroitements. Sa recherche plastique, quête de profondeur, d’intensité affirme une esthétique abstraite perpétuée par le biais de techniques variés, dessin, peinture, sculpture, installation. Lee Bae né en 1956 dans le district de Cheongdo, vit et travaille entre la France et la Corée du Sud. Installé à Paris en 1989, un temps assistant de Lee Ufan, il tient désormais atelier quai de la Loire. « Le noir en constellation », cinquième exposition en collaboration avec la galerie Perrotin, la deuxième au sein de l’espace parisien du Marais, revient sur vingt ans de création artistique, cinq séries d’œuvres, complétées par une grande installation. Depuis 1982, Lee Bae donne corps au noir, un noir total, multiple, vertigineux qui aspire la couleur. Par son utilisation systématisée du charbon, substance porteuse d’une forte charge symbolique, il revisite un matériau qu’il décline en fonction des propriétés plastiques recherchées. La production du charbon appartient au domaine du rituel chamanique. Lee Bae travaille en prise avec la matière, les forces telluriques, lien puissant avec la nature. Ses paysages intérieurs fusionnent les aspirations, les motifs. Ces propositions plastiques lancent des ponts entre les cultures, la Corée du Sud et la France dans un foisonnement de formes, de signes et un processus proche du geste calligraphique.











L’oeuvre de Lee Bae interroge espace et énergie, corps et âme. Portées par la symbolique de cette matière singulière qu’est le charbon, à la fois résistance et fragilité, ces compositions évoque le cycle de la vie. Le charbon nécessite d’accepter le rituel sacrificiel de l’arbre dans un retour vers la poussière. Mort puis renaissance, charge poétique. Lee Bae revendique un certain lyrisme. La spiritualité du processus de carbonisation emprunte aux traditionnelles cérémonies du feu, présentes dans de nombreuses civilisations. La symbolique de l’arbre, élément fondamental, dans la culture classique coréenne s’est particulièrement attaché au pin, dont le signe calligraphique est diffusé depuis le XVème siècle.

Le noir de charbon suggère des images universelles de flamme à raviver, de puissance, de destruction et de vie. En Asie, le charbon est traditionnellement associé aux arts. La suie entre dans la composition de l’encre de Chine. Le fusain, matière née du feu, s’est imposé dès la préhistoire comme un instrument de dessin. La matière charbon, talisman de purification dans les maisons coréenne, annonciateur des naissances, nourrit les imaginaires, métaphore puissante du cycle naturel. Par le biais de ces propriétés plastiques et conceptuelles propres à la matière, l’oeuvre de Lee Bae entame un dialogue avec la nature dans une double approche physique et philosophique. L’artiste s’intéresse à l’idée de la métamorphose. Sensible à la tradition, il embrasse par sa méthodologie la contemporanéité des pratiques, performances variées liées par une même cohérence plastique. Invitation à la contemplation, engagement avec la mémoire, la fluidité des formes traduit une vitalité du mouvement, une énergie marquée par la dimension temporelle. 











La série « Issu du feu » présentée à la galerie Perrotin, se resserre autour de la quête du noir. A la fin des années 1990, Lee Bae s’attache à travailler le charbon brut avec lequel il compose des toiles à la façon de marqueterie précieuse, des sculptures de bois brûlé et des installations. Les morceaux de charbon, éclats carbonisés, poncés, sont assemblés sur toile en mosaïques minimalistes. La matière calcinée absorbe ou reflète la lumière. Les surfaces alternent les mats et les irisations. A la suite de cette série particulière, Lee Bae introduit une dimension sculpturale à son propos en travaillant des troncs et des souches carbonisés. Il propose des installations où le bois brûlé, parfois pas encore tout à fait charbon prend des reliefs familiers boules, fagots ou inquiétants, pointes défensives. 

Les grands paysages abstraits de la suite « Landscape » sont le fruit d’une réflexion menée tout d’abord à l’encre de Chine sur papier. Le dessin devenu geste élémentaire à force de répétition laisse place à la dimension aléatoire du procédé tout en exigeant la maîtrise du mouvement. Vides et les pleins, ombre et lumière, le reflet du noir sur le blanc, contrastes soulignés, ces œuvres jouent des oppositions. L’espace de la toile établit une séparation entre le noir de charbon et un blanc laiteux à la profondeur intrigante dont la couleur évoque le papier traditionnel coréen. Lee Bae superpose des couches à la brosse au pinceau. Il multiplie les strates épaisses d’acrylique translucide, mêlé à de la cire et de la paraffine. « Untitled », une série peinte avec de l’encre de charbon et du médium acrylique reprend ce même processus en tranchant plus encore par la pureté d’un blanc différent moins crémeux.










A l’occasion de l’exposition « Le noir en constellation », Lee Bae présente à la galerie Perrotin deux nouvelles séries inédites en France. Les œuvres de la suite « Brushstroke », formes et signes tracés à la poudre de charbon possèdent la fulgurance du geste calligraphique. Les trois pièces de la série « Issu du feu (White Lines) » reprennent le concept des morceaux de charbon assemblés sur toile. Des lignes blanches au pastel gras soulignent la matière dans un mouvement de virgulées posées, prêtes à s’envoler. Elles bouleversent le modelé de la lumière.

Lee Bae - Le noir en constellation
Jusqu’au 26 février 2022

Galerie Perrotin
76 rue de Turenne - Paris 3
Horaires : Du mardi au samedi de 10h à 18h - Fermé lundi et dimanche
Entrée libre



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.