Paris : Maison de Victor Hugo, le renouveau d'une maison-musée place des Vosges - IVème


La Maison de Victor Hugo retrace la vie du grand homme à travers les éléments clés de sa carrière littéraire, de son engagement politique. Niché dans l’ancien hôtel Rohan-Guéméné, au 6 place des Vosges, le musée consacré à l’écrivain aborde également des facettes plus méconnues de son talent, le dessinateur et le peintre, son goût pour la décoration et l’architecture d’intérieur. L’auteur des « Misérables » et de « Notre Dame de Paris » est évoqué dans un lieu qui fut de 1832 à 1848 son domicile parisien et celui de sa famille. Durant dix-huit mois, de 2019 à 2020, une vaste campagne de restauration a été menée pour un budget de 4,7 millions d’euros.  La maison-musée dont la réouverture a été retardée par la crise sanitaire a retrouvé son public en juin 2021. L’accueil repensé donne désormais accès à la cour intérieur arborée. Elle sert de terrasse au nouveau salon de thé aménagé dans les anciennes remises à carrosses. La rénovation des salles a permis de repenser le parcours muséal en le complétant d’innovations numériques. 











Sous la Monarchie de Juillet, la bourgeoisie a remplacé l’aristocratie place des Vosges. Les anciens hôtels particuliers ont été morcelés en logements individuels de taille plus modeste. Victor Hugo et sa famille habitent rue Jean Goujon près des Champs Elysées quand éclate une émeute à l’occasion de l’Insurrection républicaine de juin 1832. Menacés, ils s’installent dans un appartement de deux-cents-quatre-vingt mètres carrés au deuxième étage de l’hôtel de Rohan-Guéméné, qui a été divisé en quatorze logements. La nouvelle adresse des Hugo se compose d’une « antichambre, une salle à manger et un salon sur le devant, une cuisine sur la cour, plusieurs pièces en ailes desservies par un corridor avec sortie par un petit escalier, des lieux d’aisance, un bûcher, trois chambres de domestique et une cave ». Par l’intermédiaire du notaire Bellanger, gendre de la propriétaire Mme Péan de Saint-Gilles, l’homme de lettre signe un bail le 12 juillet 1832. 

Vie mondaine, politique et familiale, la place des Vosges est la demeure dans laquelle Victor Hugo connaît ses premiers grands succès. Il reçoit ses amis, Alphonse de Lamartine, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas, Honoré de Balzac, Prosper Mérimée, Sainte-Beuve, Théophile Gautier qui le visite en voisin - il habite au numéro 8 avec ses parents. En 1833, Hugo fait la connaissance de Juliette Drouet qui devient sa maîtresse. Ils s’aiment durant cinquante ans, jusqu’à la disparition de Juliette en 1883. 

L’homme de lettres est élu en 1841 à l’Académie française. Proche de la famille royale, il est nommé pair de France par Louis-Philippe en 1845 puis dans la prolongation de son engagement politique il est élu député de Paris en juin 1848. Les émeutes du 25 juin 1848 poussent la famille Hugo à trouver un nouveau domicile au 5 rue de l’Isly dans le VIIIème arrondissement où elle emménage le 1er juillet 1848. En 1852, la vente aux enchères des biens de la famille Hugo, à la suite de leur exil, disperse le mobilier personnel qui sera difficile à réunir par la suite.











Les transformations entreprises après 1848 dans l’hôtel de Rohan-Guéméné ne permettent pas la reconstitution exacte des espaces originaux. Couloirs et balcon ont disparu. Néanmoins, les grandes rénovations menées récemment ont rendu un lustre certain à l’hôtel et plus particulièrement à l’appartement du deuxième étage. Le parcours muséal se déploie en trois temps à travers des volumes contemporains. Les années parisiennes avant l’exil, de 1802 à 1851, sont incarnées par le salon rouge, période durant laquelle Victor Hugo devient académicien, pair de France puis député de Paris. Le temps de l’exil, de 1851 à 1870, s’illustre dans le salon chinois dont les panneaux ont été créés par Victor Hugo pour Hauteville Fairy House, la maison de Juliette Drouet à Guernesey. Cet ensemble, don de Louis Koch au musée, révèle un Victor Hugo dessinateur et décorateur. Le baroque des formes, le foisonnement de la couleur éclairent sa pratique sous un jour alternatif intéressant.
 
La dernière partie du parcours, après l’exil de 1870 à 1885, s’attache à évoquer le retour en France par le biais du cabinet de travail vert où se trouve la curieuse écritoire sur pied inventée par Victor Hugo lui-même qui lui permettait de travailler debout à l’instar de certains moines copistes. Dans ce lieu, entre ces murs, de nombreuses œuvres ont vu le jour parmi lesquelles « Lucrèce Borgia », « Ruy Blas », « Marie Tudor », « Les Chants du Crépuscules », une grande partie des « Misérables », le début de « La Légende des Siècles » et des « Contemplations » … 

La reconstitution la chambre de l’écrivain dans sa dernière demeure, hôtel particulier du 130 avenue d’Eylau, notre actuel 124 avenue Victor Hugo, rassemble des pièces authentiques du mobilier de l’écrivain, don de ses petits-enfants Georges et Jeanne Hugo. S’y trouvent le lit où il est mort le 22 mai 1885 ainsi que « le dais du Dey » offert à Victor Hugo par le lieutenant Eblé après la prise d’Abd-el-Kader.











Le fonds du musée Victor Hugo est constitué de cinquante mille pièces parmi lesquelles se trouvent un remarquable portrait de Juliette Drouet par Champmartin, et la saisissante « Fantine abandonnée » d’Eugène Carrière. A l’occasion des rénovations, une découverte intéressante a été faite. L’un des célèbres portraits de Victor Hugo qui passait pour une copie, a été authentifié grâce à un cachet dissimulé au dos. Il s’agit d’une oeuvre originale de Louis Boulanger (1806-1861). La Maison Victor Hugo consacre un budget de 20 000 euros annuel aux acquisitions. La sculpture représentant Quasimodo agrippé à une cloche, présentée dans la première salle, a été acheté auprès d’une galerie bordelaise.

Les nouveaux outils de médiation numérique enrichissent l’expérience de visite. Deux bornes interactives ont été mises en place. L’une présente la biographie illustrée de Victor Hugo, son oeuvre, son engagement politique et sa vie amoureuse. La seconde est consacrée à une visite commentée de Hauteville House, la demeure de l’exil à Guernesey, désormais propriété de la Ville de Paris. L’application « Chez Victor Hugo » remplace les anciens audioguides. Les parcours adulte et enfant sont disponibles en six langues, français, anglais, allemand, italien, espagnol et japonais.

Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges - Paris 4
Tél : 01 42 72 10 16
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le Marais, évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Le Marais secret et insolite - Nicolas Jacquet - Parigramme
Le guide du promeneur du 4è arrondissement - Isabelle Brassart et Yvonne Cuvillier - Parigramme