Expo : L'Empire des sens, de Boucher à Greuze - Musée Cognacq-Jay - Jusqu'au 18 juillet 2021

 

L’exposition « L’Empire des sens, de Boucher à Greuze » célèbre le désir et la sensualité au Musée Cognacq-Jay. Le maître du genre au XVIIIème siècle, François Boucher (1703-1770), premier peintre de Louis XV, et ses contemporains dispensent une leçon de peinture érotique. Les créations licencieuses d’Antoine Watteau, son mentor, Jean-Baptiste Pater, Jean-Baptiste Greuze ou Jean-Honoré Fragonard, son élève, dialoguent puissamment. Une centaine de peintures, dessins et estampes dévoilent les amours enflammées, des premiers émois à l’assouvissement des passions dévorantes, des gestes chastes aux pulsions fougueuses, jusqu’à la violence parfois. Boucher et ses pairs flirtent avec l’interdit et la censure. Ils embrassent une approche inédite en symbiose avec l’évolution des mœurs, les codes de la société. Les prétextes mythologiques, représentations des « Métamorphoses » d’Ovide et des amours divines, font place au triomphe des femmes réelles bien en chair, l’audace d’une nouvelle iconographie. François Boucher dont le style est influencé par Watteau, inspire les générations, rivalisant de grivoiserie. Ses Grâces et ses bergères sont éclipsées par des compositions lascives, plus frontales, appel à la volupté, telle sa célèbre « Odalisque brune », l’un des plus marquants « portraits de fesses ». 











Ajournée à plusieurs reprises du fait de la crise sanitaire, l’exposition « L’Empire des sens, de Boucher à Greuze » a été élaborée par Annick Lemoine directrice du musée et commissaire, à l’occasion du deux-cent-cinquantième anniversaire de la mort du peintre. L’évènement porte un regard aigu sur l’intimité des libertins du XVIIIème siècle. Il explore la représentation du désir dans l’art, illustration d’un propos canaille. Les œuvres rassemblées, les plus expressives, proviennent de toute l’Europe. Certaines sont présentées en France pour la première fois.  

Voyage érotique, au cœur du plaisir et des jeux amoureux, « L’Empire des sens, de Boucher à Greuze » évoque un certain Paris libertin pris d’une passion charnelle au Siècle des Lumières. Louis XIV s’est éteint en 1715 dans une atmosphère de bigoterie et d’austérité sous l’influence de Madame de Maintenon. Au début du règne de Louis XV, les désirs d’émancipation, de braver les conventions s’expriment dans les arts. L’évolution du goût vers les sujets légers, une nouvelle palette chromatique privilégie la jouissance du corps à celle de l’intellect. Un véritable bouleversement, un tournant esthétique et philosophique.











Reflétant ces aspirations, François Boucher, maître des fêtes galantes, peintre favori de la Marquise de Pompadour sonde en précurseur l’iconographie amoureuse. Ses très chastes amours de bergères, ses putti, ses pastorales font les délices de la cour. Il réserve les scènes les plus lestes, à des commanditaires désireux d’apporter un certain piquant à leur cabinet de curiosités, à leur boudoir et autres lieux privés des « menus plaisirs ». Il imagine des nus à l’érotisme osé, des « portraits de fesses » comme L’Odalisque brune. La réputation des modèles, souvent des prostituées, accroit la valeur licencieuse de ces œuvres. Les commanditaires souhaitent que soient transcrites sur toile les passions amoureuses décrites dans les écrits pornographiques. Ecrivains, philosophes, peintres, sculpteurs rusent pour échapper à la censure. Ils mènent une quête picturale de la volupté. L’enthousiasme pour le libertinage et la satisfaction des appétits physiques soutiennent leur démarche.

Boucher, Watteau, Greuze présentent une facette radicalement différente de leur art à travers ces histoires d’amours physiques. Demoiselles pâmées, jouvencelles alanguies, odalisques lascives en leur boudoir, cette imagerie violemment érotique participe de l’éclosion d’un style suggestif évoluant vers une pornographie assumée. Néanmoins, « les peintures de nudité », se cachent dans le secret des cabinets d’amateur. L’esprit libertin et la représentation du désir relèvent de l’intime. Le décalage avec notre époque, temps de l’érotisation permanente des corps, est intéressant à noter. Notre regard moderne se pose avec une certaine indifférence sur ces représentations torrides. Au XVIIIème siècle, les œuvres libertines suscitent pourtant un émoi au parfum de scandale et d’insolence triomphante.










« L’Odalisque brune » de François Boucher est commandée au peintre par un riche Fermier général proche des cercles littéraires libertins. Le premier tableau esquissé en 1745 sera copié et reproduit afin de satisfaire d’autres demandes. L’oeuvre est présentée au Salon de 1767. La représentation jugée choquante car sans pudeur, des courbes plantureuses de cette femme fait scandale. Longtemps conservée dans le secret des intimités, elle est à nouveau rendue public lorsque le tableau entre au musée du Louvre à la suite du legs Schlichting en 1914. Chef-d’œuvre méconnu devenu une icône.

L’exposition au Musée Cognacq-Jay suit un crescendo dans la représentation des désirs. Un cabinet erotica conclut le parcours. Il réunit une soixantaine d’objets à caractère pornographique, peintures, miniatures, gravures, boîtes à secret, livres et objets variés. Une fin piquante.

L’Empire des sens de Boucher à Greuze
Jusqu’au 18 juillet 2021

Musée Cognacq-Jay
8 rue Elzévir - Paris 3
Tél : 01 40 27 07 21
Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.