Paris : Hôtel Hérouet, histoire de reconstruction et de préservation autour d'un vestige Renaissance à l'angle de la rue des Francs-Bourgeois et de la rue Vieille-du-Temple - IIIème


 

De l’ancien Hôtel Hérouet édifié au début du XVIème siècle, dévasté par un bombardement en 1944, entièrement reconstruit dans les années 1970, il ne demeure d’origine que la tourelle d’angle au décor flamboyant. Ce dernier vestige authentique témoigne de l’élégance disparue d’un bâtiment construit à l’initiative de Jean Hérouet - parfois écrit Herouët - seigneur de Carrières, secrétaire en 1497 du duc d’Orléans, futur Louis XII. Contrairement à ce qu’affirment certaines sources, la maison n’a jamais fait partie du lotissement de l’hôtel Barbette ni du parc du cardinal Bertrand. La bâtisse originelle illustre avec panache le foisonnement de l’art ogival, courant qui précède la Renaissance italienne, et que les hôtels de Sens et de Cluny représentent encore dignement à Paris. La Maison Jean Hérouet est édifiée en parements de briques rouges et noires disposées en losanges. La pierre souligne les fenêtres à meneaux, le soubassement et les chaînes. L’édifice possède un certain cachet avec son décor raffiné, ses mansardes percées sous les combles, sa console sculptée et sa tourelle d’angle coiffée d’un toit en poivrière. Ce bel exemple des goûts architecturaux du début du XVIème siècle évoque les fonctions variées des échauguettes. A l’origine, points de surveillance des entrées, postes d’observation, elles offrent dans le Marais des aristocrates, un panorama piquant sur le spectacle de la rue. Les tourelles d’angle en encorbellement abritent souvent des cabinets ou des escaliers à vis. Une ordonnance de 1607 proscrit les surplombs et les saillies proscrits. La tolérance de l’administration cesse avec une seconde ordonnance de 1667 prise au lendemain du grand incendie de Londres. Et l’urbanisme parisien en fut bouleversé.










Le commanditaire de l’Hôtel Hérouet, Jean Hérouet a de la ressource et de l’entregent. Dsè 1503, il devient trésorier de France auprès de Louis XII qu’il a précédemment servi avant son accession au trône. Par la suite, Hérouet accède à la fonction de trésorier de Milan lors de la troisième guerre d’Italie de 1501 à 1504, un conflit engendré par les revendications françaises sur le royaume de Naples. Au retour de la campagne d’Italie qui prend fin avec l’armistice de Lyon par lequel Louis XII renonce au royaume de Naples au profit de Ferdinand II d'Aragon, Jean Hérouet n’est plus exactement dans les bonnes grâce du souverain français. Mais il envisage tout de même la construction d’un hôtel particulier. Il fait édifier une maison à tourelle sur un terrain appartenant à la dote de son épouse Marie Malingre. 

En 1515, désormais veuve, cette dernière épouse en secondes noces, Jean de la Balue, neveu du cardinal du même nom, évêque d’Angers, accusé de trahison et emprisonné par Louis XI. Au décès de Marie Malingre, ses propriétés sont réparties entre les enfants de son premier mariage et ceux issus de sa seconde union. La maison vendue à la criée en 1565 est rachetée par Louise Hérouët, dame de Vaux-la-Reine, et veuve de Jehan Rivière, notaire et secrétaire du roi. Elle trépasse en 1582. 


1840 Gravure

1876 Dessinateur C. Ernoult

1881 Dessinateur Michel Charles Fichot

Vers 1900

1901 Photographe Eugène Atget

1944 Après le bombardement

1944 Après le bombardement

1966 Avant la reconstruction


Nicolas Pelloquin, seigneur de la Jorrandière, secrétaire à la chambre du roi se porte alors acquéreur de l’hôtel. Lorsqu’il meurt en 1606, sa fille Louise Pelloquin hérite de ses biens. Elle est encore mineure. Son patrimoine est administré par un certain Coulon puis à la suite de son mariage par son époux, Joseph Lemercier, commis à la recette des consignations. Elle décède vers 1623 léguant l’Hôtel Hérouet à leur fille Louise Lemercier, épouse de François Teissier, sieur de Gernay. Cette propriété est cependant l’objet depuis 1621 d’un litige lié à des dettes. Elle est saisie afin de les rembourser. L’Hôtel d’Hérouet et ses terrains sont vendus aux enchères en deux lots distincts en 1659. La maison à tourelle échoit à Jean-Baptiste Brunet de Chailly, conseiller du roi, receveur général et payeur des rentes de l’Hôtel-de-Yille assignées sur les gabelles, propriétaire de l’Hôtel d’Albret. En 1703, l’Hôtel Hérouet revient à son fils Pierre de Chailly lequel transmet à son tour, en 1740, l’hôtel en héritage à son neveu Charles de Tillet marquis de la Bussière, seigneur de Villarceaux. La Révolution change la donne et le Second Empire consacre un certain désintérêt pour le quartier du Marais au profit de la modernité du Paris haussmannien.

Au XIXème siècle, l’Hôtel Hérouet est drastiquement transformé afin d’y implanter un commerce au rez-de-chaussée. A la fin du XIXème siècle très dégradé, la bâtisse est menacée de destruction lorsqu’il est question d’aligner les rues des Francs-Bourgeois et Vieille-du-Temple. Henry D’Allemagne, bibliothécaire et historien français, spécialiste des arts décoratifs, membre de la commission du Vieux Paris et de la société de l’histoire de Paris et de l’Ile de France, se porte acquéreur afin de sauver l’édifice. Il obtient son classement à l’inventaire des Monuments historiques par arrêté du 15 juillet 1908 ? L’année suivante, la Ville de Paris devient propriétaire et modifie l’alignement sur la rue Vieille-du-Temple afin de préserver la tourelle.








Lors de la Seconde Guerre Mondiale, à la suite de la reddition du général von Choltitz, les junkers de la Luftwaffe bombardent Paris du 26 au 27 août 1944. Le carrefour des rues des Francs-Bourgeois et Vieille-du-Temple est dévasté. En grande partie détruit, l’Hôtel Hérouet demeure longtemps dans un état préoccupant. Faute de crédits, l’édifice ravagé est consolidé sans être restauré. En 1949, un député suggère même sa démolition. Le Marais quartier jugé insalubre est menacé. Deux options se présentent raser et reconstruire ou rénover en tentant de préserver le patrimoine historique de Paris. En 1962, la loi Malraux confère au Marais le statut de premier secteur sauvegardé, afin qu’il soit protégé et valorisé. L’Hôtel Hérouet ne sera pas rasé. Il est finalement reconstruit au début des années 1970 mais sans ménagement pour les éléments subsistants. Désormais seule la tourelle d’angle est encore d’origine.  

Hôtel Hérouet
54 rue Vieille du Temple - Paris 3 / 42-44 rue des Francs-Bourgeois - Paris 4



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le Marais, évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Le Marais secret et insolite - Nicolas Jacquet - Parigramme
Le guide du promeneur 3è arrondissement - Isabelle Dérens - Parigramme

Sites référents
Base Mérimée
Internet Archive
Le Figaro