Ailleurs : Domaine de l'Abbaye de Thiron-Gardais, une pépite historique à découvrir dans le Perche



L’ancienne Abbaye de Thiron-Gardais, au cœur du Parc Naturel Régional du Perche, connaît un renouveau depuis le début des années 2000. Site exceptionnel, chargé d’histoire, le soin apporté à sa restauration en fait une destination de promenade délicieux. Au cœur du dispositif, les vestiges de l’abbaye de l’Ordre de Tiron, importante congrégation fondée au XIIème siècle par saint Bernard de Ponthieu, rappellent que le domaine fut un haut lieu de spiritualité au Moyen-Âge. Entre le XIIème et le XIVème siècle, l’Ordre bénédictin placé sous protection royale acquiert une grande réputation. Les dimensions considérables de l’église abbatiale de style roman et sa nef exceptionnelle illustrent son prestige et la puissance de l’Ordre de Tiron. Démantelé à la Révolution, abandonné, le domaine de l’Abbaye de Thiron-Gardon revit désormais grâce à la ferveur de passionnés parmi lesquels son dynamique maire, Victor Provôt. La Grange aux dîmes, construite au XVème siècle par les moines artisans, entièrement rénovée, accueille désormais l’office du tourisme, un escape game (sic) et un salon de thé. A la belle saison, les jardins thématiques se parcourent librement, ainsi que l'une des galeries du cloître partiellement rénové en 2012. Les dépendances de l’ancienne abbaye préservées, le colombier, la basse-cour, la pêcherie, le moulin, la boulangerie, la forge, marquent les étapes de la promenade. L’ancien Collège Royal Militaire du XVIIème siècle, soigneusement restauré par son nouveau propriétaire Stéphane Bern, est ouvert au public pour la visite d’un petit musée et de son jardin.












Bernard de Ponthieu, futur fondateur de l’Ordre de Tiron, nait en 1046 près d’Abbeville dans la Somme. Moine bénédictin dans le Poitou, prieur de l’abbaye de Saint-Savin-sur-Gartempe, puis abbé de l'Abbaye Saint-Cyprien de Poitiers, il revendique une indépendance qui déplaît aux autorités de l’Ordre de Cluny auquel il appartient. A la suite de différends irréconciliable, il résigne sa charge et mène une vie érémitique en Mayenne et Bretagne avant de rejoindre le Perche.

Protégé par le comte Rotrou III le Grand, il reçoit des terrains rattachés à la commune de Brunelles. Mais la donation est rapidement révoquée par la mère du comte, proche des moines clunisiens de l’abbaye de Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou. En contrepartie de cette mésaventure, Rotrou III cède alors à Bernard un terrain vierge en pleine forêt, à proximité du bourg de Thiron. Le moine y édifie un monastère primitif, dédié à Sainte Anne. La Messe de Pâques est célébrée pour la première fois en 1109 en présence de l’évêque Yves de Chartres. De nouveaux incidents avec les moines clunisiens le poussent à abandonner les lieux. Aujourd’hui, une chapelle rappelle l’emplacement de cette éphémère retraite. 











En 1114, soutenu dans son entreprise par l’évêque Yves de Chartres, Bernard s’installe à proximité de la paroisse de Gardais, dépendante du chapitre de Chartres. Il fonde le nouvel Ordre de Tiron dans la stricte observance de la règle de Saint Benoît. Les préceptes diffusés par Bernard vont engendrer un renouveau de la vie monastique au Moyen-Âge. Le quotidien des religieux se recentre sur le travail manuel afin de leur assurer autonomie et autosuffisance. De fait, les campagnes françaises sont durablement marquées par le travail des moines. Gestion des forêts, défrichage et ouverture de nouveaux espaces fertiles, exploitation de terres cultivables, création d’étangs, les monastères sont un vecteur de développement. Ils attirent dans leur sillage des artisans qualifiés et des ouvriers en quête d’activité.

L’Ordre de Tiron est placé dès sa fondation sous la protection des rois de France, Louis VI le Gros de France puis son fils, Louis VII le Jeune, qui entreprend un pèlerinage à l'abbaye de Thiron en 1130, mais également des rois Henri Ier Beauclerc d’Angleterre et David Ier d’Écosse. Ainsi il jouit de nombreux privilèges qui lui permettent une expansion rapide. A son apogée l’ordre compte vingt-deux abbayes et plus de cent prieurés. L’Ordre de Tiron rayonne jusqu’en Angleterre, Ecosse et Pays de Galles. Sa renommée est telle qu’il est mentionné dans Le roman de Renart, oeuvre emblématique du Moyen-Âge.

Son influence grandissante inquiète un peu. L’abbaye-mère de Thiron-Gardais passe en commende au XVème siècle. Ce ne sont plus les moines qui désignent leur abbé mais le roi de France qui le nomme. Cette étape marque le début du déclin.  L’Ordre de Tiron abandonne l’abbaye de Thiron-Gardais au cours des Guerres de Religion.











L’église abbatiale construite au XIIème siècle est placée sous le patronage de la Vierge. Plus tard au XIVème siècle, elle passe sous celui de la Sainte Trinité. Le sanctuaire est édifié dans le pur style roman, en pierre de grison et grès noir de Saint-Denis d’Authou, typique de la région. La façade ouest s’ouvre sur remarquable portail en calcaire blanc à deux archivoltes/ Le bâtiment long de 70 mètres permet de déployer une nef de 64 mètres, la seconde plus vaste de tout le Perche après celle de la cathédrale de Chartres. La spectaculaire charpente de bois de chêne et de châtaigner a été conçue en forme de « coque de bateau renversé ».

Le programme décoratif minimaliste reflète les principes spirituels de l’Ordre de Tiron, le goût de l’austérité, murs nus, absence de peintures ou de sculptures. La simplicité des lignes et des volumes incarne la rectitude morale des moines. Les stalles en bois plus tardives datent du XVème siècle. Le retable représentant l’adoration des mages est une copie de l’original disparu à la Révolution. Aujourd’hui, il ne reste rien du chœur gothique flamboyant édifié au XVème siècle, effondré en 1817. Les verrières de facture moderne ont été réalisées par un maître-verrier de Chartres. 

Le clocher monumental qui surmonte l’église date de la fondation du collège au XVIIème siècle par la congrégation de Saint Maur. Le toit de tuiles à quatre pans est alors remplacé par un dôme d’ardoise massif. La création de cette institution classique permet de sauver l’abbaye de la disparition. Remarquée pour la qualité de son enseignement, elle devient sous Louis XVI, Collège Royal Militaire, classe préparatoire à l’Ecole Royale Militaire de Paris. Elles ne sont alors que dix dans toute la France. 












En 1786 un incendie dans le cloître détruit une grande partie du monastère et fragilise le bâti. Les ateliers et la bibliothèque disparaissent dans le feu. A la Révolution, les congrégations religieuses sont dissoutes. En 1790, les moines sont chassés de l’abbaye de Thiron-Gardais. Le domaine confisqué est démantelé puis les parcelles vendues aux enchères en tant que Biens Nationaux. L’église abbatiale devient paroissiale puis Temple de la Raison. En 1817, faute de réparation, faute d’entretien, le cloître et la nef de l’église s’effondrent. 

Le domaine de l’Abbaye de Thiron-Gardais ne retrouve un semblant de vie que tardivement. La patiente restauration menée depuis le début des années 2000 a permis de rénover la Grange aux dîmes, une partie de l’église. Les jardins du domaine déployés sur quatre hectares alternent les espaces : potager, jardins thématiques, tilleul révolutionnaire mais également aqueduc bâti par les moines pour détourner la rivière Thironne. 

En 2014, à l’occasion des neuf-cents ans de l’abbaye, une grande campagne de financement a été menée avec le concours de la Fondation de France afin d’envisager un programme de restauration pérenne des infrastructures du domaine. Cette belle entreprise se poursuit avec l’aide d’un public toujours plus nombreux à venir profiter des activités du domaine.

Domaine de l’Abbaye de Thiron-Gardais
18 Rue de l'Abbaye - 28480 Thiron-Gardais
Tél : 02 37 49 49 49
Visite libre et gratuite des jardins : accès libre tous les jours de 10h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.