Cinéma VOD : Struggle, la vie et l'art perdu de Szukalski, un documentaire de Irek Dobrowolski - Disponible sur Netflix


 

Artiste oublié, autoproclamé génie, Stanislaw Szukalski (1893-1987), peintre et sculpteur, est retombé dans l’anonymat au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale après avoir connu la gloire en Pologne dont il était originaire. Les Etats-Unis lui ont refusé la reconnaissance dont sa mégalomanie avait soif. Il y a vécu une existence modeste, dans un petit pavillon de banlieue, subsistant grâce à des travails alimentaires médiocres bien loin de ses aspirations. Et pourtant, durant l’entre-deux-guerres, il a été célébré comme un trésor national dans son pays natal. Mais l’ensemble de son oeuvre a disparu sous les bombardements allemands lors du siège de Varsovie en 1939. Stanislaw Szukalski a été redécouvert par un groupe de jeunes artistes underground dans les années 1970. Glenn Bray, éditeur du magazine MAD, intrigué par un livre rare découvert chez un bouquiniste mène l’enquête pour retrouver celui qui signe d’un intrigant symbole serpentin. Il parvient à rencontrer Szukalski et il l’introduit au cercle des artistes underground comix de la scène californienne parmi lesquels George DiCaprio et Robert Williams.




Documentaire hommage produit par Leonardo DiCaprio et son père, « Struggle : la vie et l'art perdu de Szukalski » s’attache au destin contrasté de cet artiste oublié et controversé, honoré dans son pays natal comme le plus grand artiste polonais durant l’entre-deux-guerres. Le réalisateur Irek Dobrowolski ausculte cette personnalité subversive à travers des images d’archives, des entrevues de ses proches tenant de comprendre les multiples facettes d’un homme énigmatique. Le film sensible, portrait intime, éclairant, tente d’élucider le mystère d’un itinéraire atypique sans jamais passer sous silence les zones d’ombre et les ambiguïtés du personnage. Irek Dobrowolski questionne sa proximité avec les mouvements fascistes européen dont il rejette pourtant l’idéologie. Stanislaw Szukalski a réalisé une statue de Mussolini et des commandes de propagande. Avec lucidité, le cinéaste décrypte les implications de l’artiste, nationaliste polonais, auteur de pamphlets antisémites durant l’entre-deux-guerres qu’il aura regretté par la suite toute sa vie. 

Né en Pologne en 1893, Stanislaw Szukalski émigre avec sa famille aux Etats-Unis en 1907. Il intègre à treize ans l’Art Institute of Chicago, voie qu’il prolonge en Pologne où il étudie aux Beaux-Arts de Cracovie. Insatisfait de l’enseignement, il en claque la porte en 1913 pour retrouver les Etats-Unis om il s’illustre comme figure du mouvement Chicago Renaissance. Dans l’entourage du scénariste Ben Hecht (« Autant en emporte le vent », « Cléopâtre », « La Chevauchée fantastique »…), il entretient des contacts avec les studios de l’âge d’or hollywoodien. En 1933, il signe les décors de « King Kong ».



Son destin prend un tournant en 1936. A l’invitation de la Pologne, il retourne au pays natal. Le gouvernement lui offre un immense atelier à Varsovie propice à la création de statues monumentales. Stanislaw Szukalski quitte les Etats-Unis avec l’ensemble de ses œuvres avec le projet d’un musée. Débute une période trouble de sa vie marquée par les accointances douteuses et le nationalisme. A la suite de l’invasion de la Pologne par les troupes nazies en 1939, il parvient à s’enfuir aux Etats-Unis en tant que citoyen américain abandonnant tout derrière lui. Dans les années 1940, il s’installe en Californie. Il n’a plus d’atelier ni les moyens financiers de se consacrer à la sculpture pratique coûteuse qu’il est contraint d’abandonner. Sans moyens financiers, il se consacre à un vaste projet et mène des recherches anthropologiques poussées. Il développe une théorie pseudo-scientifique du zermatisme sur les origines de l’humanité qu’il illustre dans un épais livre d’artiste jamais réellement diffusé. Son aspiration à la rédemption le pousse à s’engager, par le biais de son art, pour la paix des peuples, dans l’espoir de fédérer les nations et les hommes. 

Stanislaw Szukalski s’est exprimé dans une oeuvre figurative lyrique, empreinte de mythologie, de paganisme et marqué par le vocabulaire plastique du surréalisme, du futurisme, du cubisme et du primitivisme. La monumentalité de sa sculpture, son ampleur physique et cette posture radicale, le refus de se plier aux enseignements académiques, aux critiques, aux institutions, fascinent encore ses pairs qui l’ont redécouvert. Génie méconnu ou artiste mineur, à vous de juger.

Struggle : la vie et l'art perdu de Szukalski
Documentaire de Irek Dobrowolski
Disponible sur Netflix depuis le 21 décembre 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.