Ailleurs : Moutier d'Ahun, village de la Creuse propice aux jolies flâneries



Moutier d’Ahun, coquet village de la Creuse, s’épanouit sur les bords de la rivière au cœur d’un environnement préservé. La beauté de ses paysages, collines boisées, paisibles bocages où paissent librement vaches et chevaux, invite à la promenade tout autant que son riche patrimoine. L’abbaye bénédictine fondée au début du XIème siècle qui a donné son nom à la commune, Moutier d’Ahun signifiant en vieux français monastère d’Ahun, lui a également légué de superbes vestiges architecturaux. L’église, amalgame des ruines successives, présent un aspect aussi majestueux qu’intrigant, kaléidoscope d’éléments disparates. Styles et époques s’y carambolent, témoignage saisissant de l’histoire du hameau. Celle-ci est gravée, initiative récente, dans les dalles scellées sur le parvis dans l’axe du porche. Le portail gothique remarquable en granit contraste avec la nef disparue devenue jardin tandis que le chœur roman ouvre sur un ensemble de boiseries baroques exceptionnelles réalisées entre 1673 et 1681, sculptées par Simon Bauer. Le cadre charmant, maisons basses en granit et toits de tuiles, campagne luxuriante, a inspiré le réalisateur Alain Corneau en 1991 à l’occasion du tournage du film « Tous les matins du monde ». Les trois ruelles de la voirie locale caracolent en pente douce vers la rivière enjambée par un pont du XIIème siècle de style roman dit improprement « pont romain ». Moutier d’Ahun a représenté le Limousin en 2015 dans l’émission diffusée sur France 2, « Le village préféré des Français ». La commune s’est classée dixième sur vingt-deux.










L’histoire de Moutier d’Ahun est intimement liée à celle du monastère bénédictin du XIème siècle. En 997, Boson II, comte de la Marche, fait don à l'abbaye d'Uzerche d’une église dédiée à Notre-Dame édifiée au bord la Creuse près de la ville d’Ahun. Placé sous l'autorité de l'abbé d'Uzerche, le monastère s’organise de façon autonome et prospère tant et si bien qu’il finit par s’émanciper. Au cours de la seconde moitié du XIIème siècle, les bénédictins font construire une nouvelle église dont il demeure aujourd’hui certains éléments comme le clocher, le carré du transept et le chœur. Néanmoins, temps troublés, époque guerrière, elle est en grande partie détruite au cours de la guerre de Cent ans. Sa reconstruction débute vers 1489. De cette période date le porche d'entrée de style gothique flamboyant, la nef ainsi qu’une une partie du transept et du chœur.

Au XVIème siècle, les Guerres de religion sèment ruine et désolation dans la région. En 1591, des ligueurs réfugiés dans l’église de Moutier d’Ahun sont assiégés par des troupes protestantes avant d’être finalement pris. A cette occasion, le monastère est pillé, les bâtiments conventuels et l'abbatiale incendiés. La nef s’effondre. Les moines catholiques privés de sanctuaires se dispersent. Durant près de vingt ans, les villageois utilisent une partie des pierres extraites des ruines pour construire leurs maisons. La communauté religieuse revient en 1610 et l’abbaye est rattachée à l’ordre de Cluny en 1630. C’est à ce titre que depuis 2015, Moutier d’Ahun appartient à la Fédération européenne des sites clunisiens. En 1788, un bref papal prescrit la suppression de « l’ancienne observance » de Cluny. Puis en 1791, la Révolution confisque les biens de l’Eglise et chasse les religieux. L’église abbatiale est paroissiale depuis 1844.









De nos jours, il ne reste rien de l'église et des bâtiments originaux. Les vestiges les plus anciens remontent à la deuxième construction du XIIème siècle. Le carré du transept, surmonté du clocher, et le chœur sont d’époque romane et le portail ouest en granit du XVème siècle. Les croisillons du transept et la nef du XVème siècle n'ont pas été relevés à l’occasion des diverses réhabilitations.

Les boiseries sculptées qui ont rendu célèbre l’abbaye du Moutier d’Ahun remontent au XVIIème siècle. Les bénédictins et leurs prieurs Jean Le Moyne, puis Etienne Le Moyne, prieurs de 1640 à 1694 font appel aux services d’un éminent sculpteur auvergnat Simon Bauer (ou Bouer), originaire du bourg de Menat. Afin de satisfaire aux souhaits de la communauté, il intervient à deux reprises entre 1673 et 1674 puis 1678 et 1681 pour créér un opulent décor, magnifique ensemble de l'art baroque, dont l’exubérance s’éloigne souvent du registre religieux pour embrasser celui du monde profane. Durant la première étape, il réalise le grand retable à colonnes torses. Au cours de la seconde, les entourages et les décorations des portes des chapelles latérales du chœur se parent d’un foisonnement de motifs. Les vingt-six stalles veillées par des cariatides sont finement ciselées, décorées de visages, de motifs floraux et d'animaux fantastiques de 1678 à 1680. Puis vient le jubé en 1681 et l'imposant lutrin aux deux lions dos à dos. La grille de la clôture du choeur est ornée d’un Christ bicéphale, à l’ouest crucifié, à l’est couronné ressuscité. 

La tradition orale du village témoigne d’un terrible outrage fait à cette oeuvre au cours de la période révolutionnaire. Les boiseries du moutier sont recouvertes d'une couche d'enduit blanc, un lait de chaux que l'administration des Beaux-Arts tentera sans succès de décaper en 1896. Il faudra attendre la patience et la détermination de l'abbé Victor-Julien Malapert, curé de Moutier-d'Ahun de 1904 à 1963, pour que renaissent ces décors. Le prêtre consacre sa vie à restaurer ces boiseries, acquérant au passage le surnom "d’abbé gratteur". Elles sont classées aux Monuments historiques depuis 1889. 











Atout charme de la commune du Moutier d’Ahun, le pont médiéval dit « romain » est emprunté chaque année par une procession à l’occasion de la Saint Roch. Cet ouvrage du XIIème siècle se caractérise par de puissants arrière et avant-becs, susceptibles de résister à l’assaut tumultueux des crues de la Creuse. De style roman typiquement limousin, la massive silhouette en pierre de taille de granit franchit la rivière en cinq arches. L’élargissement récent de la route a nécessité de modifier le côté gauche de la jetée, en allant vers la commune. Le pont a fait l’objet d’un classement par arrêté du 15 juin 1920. 

A Moutier d’Ahun, le nombre modeste d’habitants, cent-soixante, contraste avec le dynamisme de ce petit village prisé des touristes. De nombreux commerces pimpants témoignent d’une activité renouvelée. Les activités culturelles sont soutenues par un tissu associatif très actif. L’association Moulin de l’Abbaye prend en charge les préparatifs de la traditionnelle brocante du dimanche de Pâques. A La Bergerie, une ancienne grange réhabilitée, l’Association des Amis du Moutier organise des expositions d’art contemporain en juillet-août ainsi que des concerts, des récitals. Chaque printemps, le Festival Pliant dédié à la poésie et chapeauté par l’association Le Champ Secret propose des lectures et des animations variées. 

La Métive, installée dans l’ancien moulin de l’abbaye, est devenue depuis quelques années une résidence d’artistes réputée où photographes, danseurs, peintres, musiciens viennent puiser l’inspiration et participer à des manifestations culturelles. L’association Moutier Mil, qui co-organise le semi-marathon de mai, a édité un ouvrage de référence au sujet de la commune intitulé « Ahun et Moutier d’Ahun, 1000 ans d’histoire ».

Moutier d’Ahun 

Office du Tourisme Creuse



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.