L’histoire de Moutier d’Ahun est intimement liée à celle du monastère bénédictin du XIème siècle. En 997, Boson II, comte de la Marche, fait don à l'abbaye d'Uzerche d’une église dédiée à Notre-Dame édifiée au bord la Creuse près de la ville d’Ahun. Placé sous l'autorité de l'abbé d'Uzerche, le monastère s’organise de façon autonome et prospère tant et si bien qu’il finit par s’émanciper. Au cours de la seconde moitié du XIIème siècle, les bénédictins font construire une nouvelle église dont il demeure aujourd’hui certains éléments comme le clocher, le carré du transept et le chœur. Néanmoins, temps troublés, époque guerrière, elle est en grande partie détruite au cours de la guerre de Cent ans. Sa reconstruction débute vers 1489. De cette période date le porche d'entrée de style gothique flamboyant, la nef ainsi qu’une une partie du transept et du chœur.
Au XVIème siècle, les Guerres de religion sèment ruine et désolation dans la région. En 1591, des ligueurs réfugiés dans l’église de Moutier d’Ahun sont assiégés par des troupes protestantes avant d’être finalement pris. A cette occasion, le monastère est pillé, les bâtiments conventuels et l'abbatiale incendiés. La nef s’effondre. Les moines catholiques privés de sanctuaires se dispersent. Durant près de vingt ans, les villageois utilisent une partie des pierres extraites des ruines pour construire leurs maisons. La communauté religieuse revient en 1610 et l’abbaye est rattachée à l’ordre de Cluny en 1630. C’est à ce titre que depuis 2015, Moutier d’Ahun appartient à la Fédération européenne des sites clunisiens. En 1788, un bref papal prescrit la suppression de « l’ancienne observance » de Cluny. Puis en 1791, la Révolution confisque les biens de l’Eglise et chasse les religieux. L’église abbatiale est paroissiale depuis 1844.
De nos jours, il ne reste rien de l'église et des bâtiments originaux. Les vestiges les plus anciens remontent à la deuxième construction du XIIème siècle. Le carré du transept, surmonté du clocher, et le chœur sont d’époque romane et le portail ouest en granit du XVème siècle. Les croisillons du transept et la nef du XVème siècle n'ont pas été relevés à l’occasion des diverses réhabilitations.
Les boiseries sculptées qui ont rendu célèbre l’abbaye du Moutier d’Ahun remontent au XVIIème siècle. Les bénédictins et leurs prieurs Jean Le Moyne, puis Etienne Le Moyne, prieurs de 1640 à 1694 font appel aux services d’un éminent sculpteur auvergnat Simon Bauer (ou Bouer), originaire du bourg de Menat. Afin de satisfaire aux souhaits de la communauté, il intervient à deux reprises entre 1673 et 1674 puis 1678 et 1681 pour créér un opulent décor, magnifique ensemble de l'art baroque, dont l’exubérance s’éloigne souvent du registre religieux pour embrasser celui du monde profane. Durant la première étape, il réalise le grand retable à colonnes torses. Au cours de la seconde, les entourages et les décorations des portes des chapelles latérales du chœur se parent d’un foisonnement de motifs. Les vingt-six stalles veillées par des cariatides sont finement ciselées, décorées de visages, de motifs floraux et d'animaux fantastiques de 1678 à 1680. Puis vient le jubé en 1681 et l'imposant lutrin aux deux lions dos à dos. La grille de la clôture du choeur est ornée d’un Christ bicéphale, à l’ouest crucifié, à l’est couronné ressuscité.
La tradition orale du village témoigne d’un terrible outrage fait à cette oeuvre au cours de la période révolutionnaire. Les boiseries du moutier sont recouvertes d'une couche d'enduit blanc, un lait de chaux que l'administration des Beaux-Arts tentera sans succès de décaper en 1896. Il faudra attendre la patience et la détermination de l'abbé Victor-Julien Malapert, curé de Moutier-d'Ahun de 1904 à 1963, pour que renaissent ces décors. Le prêtre consacre sa vie à restaurer ces boiseries, acquérant au passage le surnom "d’abbé gratteur". Elles sont classées aux Monuments historiques depuis 1889.
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