Ailleurs : Château des Comtes du Perche, témoin architectural millénaire d'une riche histoire régionale - Nogent-le-Rotrou



Le château des Comtes du Perche, anciennement château Saint-Jean, domine cinq vallées depuis un éperon rocheux sur lequel fut posée au XIème siècle la première pierre d’un massif donjon rectangulaire, l’un des plus anciens d’Europe. Joyau du patrimoine percheron, la silhouette imposante de cette place forte qui verrouille les axes vers le Maine et la Normandie témoigne en majesté de la riche histoire de la région. Depuis ce site défensif remarquable à l’extrémité du plateau de l’Huisne, point unique de surveillance des routes du Mans à Chartres et de Châteaudun à Bellême, se déploie une vue panoramique spectaculaire depuis des jardins d’interprétation au style médiéval et Renaissance. Cerclé d’une épaisse enceinte, l’édifice se déploie en éléments structurels ajoutés au fil des siècles au donjon originel. Sept tours circulaires, un corps de logis Renaissance, des ajouts esthétiques et de confort, illustrent les évolutions de l’architecture militaire et résidentielle. Le château des Comtes du Perche abrite depuis sa réouverture en 2019, le Musée de l’histoire du Perche, réinventé selon une nouvelle scénographie ramassée, pertinente. L’un des volets du musée dédié aux Beaux-Arts éclaire le travail des artistes natifs de la région, acteurs de son rayonnement, tels que Rémy Belleau, poète de la Pléiade, les peintres Louis Moullin et Clara Filleul, le sculpteur Camille Gaté, la photographe Camille Silvy. 











Les origines du château des Comtes du Perche remontent au Xème siècle. En 911, le roi de Francie Occidental, Charles III le Simple, débordé par les raids Vikings confie à Rollon, l’un des chefs scandinaves la garde des pays autour de la Basse-Seine par le Traité de Saint-Clair-sur-Epte. Ce nouvel état prospère, bientôt comté de Rouen, donne naissance à l’embryon du futur duché de Normandie. La province du Perche voisine, formée à partir d’anciennes terres bocagères n’ayant pas été incluses dans ce traité occupe alors une position frontière stratégique. 

Le comte de Chartres, Thibault Ier de Blois dit Thibaud le Tricheur (910-975/977), vassal du roi, alors que le règne des carolingiens prend fin et que s’annonce l’avènement de la dynastie des capétiens, cherche à protéger ses terres des seigneurs normands toujours habités par des désirs de conquête et d’extension. Il confie la création d’une place forte à l’un de ses lieutenants, Rotroldus, susceptible de contenir les potentiels assaillants. A Nogent, le chevalier installe ses défenses sur un promontoire rocheux dit la montagne Saint Jean qui domine la vallée de l’Huisne et ouvre sur le Perche, le Maine et le pays chartrain, site stratégique occupé depuis l’Antiquité du fait de sa position unique. Premier seigneur de Nogent, Rotroldus fonde la dynastie qui portera le titre de comte du Perche à partir de 1079. Il met en place de premiers aménagements fortifiés en bois, parmi lesquelles une haute tourelle. 

Vers 1020, Geoffroy III descendant de Rotroldus fait construire dans une position de défense avancée un massif donjon de 21mètres de long sur 15 mètres de large et haut de 30 mètres qu’il protège à l’est par un fossé en demi-cercle d’une vingtaine de mètres de large, profond de 7 à 8 mètres. Ce donjon qui est parvenu jusqu’à nous est désormais l’un des plus vieux du continent











Du XIème siècle jusqu’au XIIIème siècle, les comtes du Perche, guerriers redoutables, participent à de nombreuses Croisades en Orient. Lors de leurs séjours au château, ils résident dans le donjon qu’ils font aménager pour plus de confort.  Des cheminées sont créées ainsi que des baies géminées pour tenter d’apporter de la lumière. Ces seigneurs sont très tôt engagés dans les luttes de rivalités qui opposent le roi de France au duc de Normandie, roi d’Angleterre. Le château, potentielle cible, se transforme en forteresse. Au début du XIIIème siècle, des contreforts renforcent les angles du donjon ainsi que ses faces exposées. Mais au cours des décennies, l’architecture militaire évolue influencée par celle rencontrée au Moyen-Orient. Sept tours circulaires apparaissent. En 1204 Philippe Auguste arrache la Normandie à Jean Sans Terre. Le Perche perd provisoirement sa fonction défensive de poste frontière. Mais en 1226, Guillaume du Perche, neuf ans, le dernier héritier légitime du comté disparaît et il échoit à la Couronne de France en 1227.

Durant la Guerre de Cent Ans, de 1337 à 1453, la région subit les assauts des Anglais. En 1428, l’attaque menée par le comte de Salisbury contre le château Saint-Jean vient à bout de la défense soutenue par le capitaine gascon La Pallière. Un peu de l’angle nord-est du donjon s’effondre. La « brèche des Anglais » permet aux assaillants de prendre la forteresse et de l’incendier ainsi que la chapelle attenante. En 1447, les Anglais sont enfin boutés hors du Perche mais au cours du XVIème siècle qui s’annonce, la région est marquée par les guerres de religion. 

La Renaissance demeure néanmoins une période faste de l’histoire percheronne. Au château Saint-Jean, les reconstructions débutent avec le châtelet. De nouveaux aménagements sont attribués soit au Comte du Maine, Charles IV d’Anjou de 1460 à 1470, soit au début du XVIème à Charlotte et Marguerite d’Armagnac, qui ont hérité du titre de dames de Nogent en 1503. Ces deux sœurs sont les filles de Jacques d’Armagnac, exécuté en 1477, Condamné par le parlement de Paris pour "factions, conspirations, machinations, grands et énormes crimes, délits et maléfices par lui commis et perpétrés contre le roi et monseigneur le dauphin son fils", selon les termes de la sentence. Les deux tours d’entrée sont restaurées et surélevées, couronnées de mâchicoulis décoratifs. Un logis de deux étages est créé au-dessus du passage voûté en berceau. 












Au milieu du XVIème siècle, la Seigneurie de Nogent-le -Rotrou revient à la famille des Bourbon-Condé. Ces princes y mènent une cour brillante éclairée par les arts et les lettres, le goût du faste et des divertissements. En 1624 Maximilien de Béthune, duc de Sully, marquis de Nogent-le-Rotrou, ancien ministre d’Henry IV devient propriétaire du château Saint-Jean. Il lance des transformations dont il ne reste que peu de traces. Le pavillon de style Louis XIII, adossé au rempart nord, est l’un des rares vestiges de cette période. Les rangées d’ormes plantées à cette période autour de l’enceinte défensive ont été rasées au XIXème siècle. 

A la Révolution, le château Saint-Jean devient maison d’arrêt. Puis il passe de main en main. Les propriétaires se montrent sans réels égards pour le vénérable édifice. L’un d’eux envisage même de le démanteler pour revendre les pierres comme matériau de construction. Il est sauvé au XIXème siècle par la passion de deux hommes. En 1843, le château est acquis par Œillet des Murs qui entreprend une restauration à ses frais. La brèche des Anglais est dissimulée par un mur de placage à fenêtres surmonté de mâchicoulis. Les fenêtres du logis et des tours sont élargies, les planchers et plafonds rétablis. Epuisé, au bord de la faillite, il revend la forteresse en 1885 au Dr Jousset de Bellesme, historien du Perche et archéologue. Celui-ci intervient sur la structure même du donjon en faisant ajouter un très controversé crénelage en 1905. Le nivelage de la cour fait disparaître le fossé du donjon. 

Durant la Seconde Guerre Mondiale, le château Saint-Jean est très endommagé. La municipalité s’en porte acquéreur en 1950 et mène un vaste chantier afin de transformer le château en musée. Il classé aux Monuments historiques en 1952. Le musée est inauguré en 1959. A la fin des années 1990, le donjon, en ruines depuis le début du XVème siècle, ouvrage difficile aux dimensions imposantes, montre des signes de faiblesse. Son état de dégradation est préoccupant, entre risques d'effondrement de la façade est et mise en bascule par la dislocation des conduits de cheminées superposés. De 2000 à 2006, une campagne de restauration d’envergure axée sur la sauvegarde du donjon est dirigée par la ville appuyée par Patrice Calvel, architecte des Monuments historiques. 











En 2018, la municipalité de Nogent-le-Rotrou envisage un chantier complémentaire afin de créer un nouveau musée d’histoire du Perche. Ouvert en 2019 à la suite des vastes opérations de restauration du château, il connaît un grand succès auprès du public. Harold Huwart, élu municipal, historien de formation, vice-président de la région Centre Val de Loire, l’un des artisans de la rénovation du château et Gwenaëlle Hamelin directrice du musée de l’Histoire du Perche ont misé sur les nouvelles technologies afin d’en renouveler l’attractivité. A cette occasion, le studio Art Graphique et Patrimoine a développé l’application Nogent-le-Rotrou 3D, véritable expérience immersive qui propose deux dispositifs complémentaires, tablette tactile et casque de réalité virtuelle, pour une visite numérique exceptionnelle animée par la voix de Stéphane Bern pour la version française. Elle est disponible également en anglais et en allemand. Grâce à la reconstitution 3D des anciens décors et des éléments architecturaux disparus, elle offre une meilleure compréhension de l’histoire du site et de ses évolutions. Cette expérience de réalité augmentée, permet de redécouvrir l’édifice sous un angle alternatif, pédagogique et ludique et complète à la fois les dispositifs multimédias et la découverte des artefacts exposés.

Château des Comtes du Perche
Place Émile-Maquaire - Nogent-le-Rotrou
Horaires : De 10h à 12 heures et de 14h à 18 heures, du mercredi au lundi
Tél : 02 37 52 18 02

Office du Tourisme d'Eure-et-Loir 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.