Expo Ailleurs : Expérience Pommery #15 Introspection - Crayères du Domaine Pommery - Reims - Jusqu'au 31 décembre 2020


Quinzième édition de l’Expérience Pommery, l’exposition « Introspection » a été pensée comme une synthèse éclairée des précédents opus. Le grand rendez-vous annuel d’art contemporain porté depuis 2002 par Nathalie Vranken, directrice marketing et responsable du mécénat de la maison Vranken-Pommery-Monopole, déploie dans le cadre spectaculaire des Crayères du domaine Pommery des expositions monumentales. Les caves, glorieuses cathédrales de craie où dorment près de vingt-cinq millions de bouteilles, deviennent sous cette impulsion généreuse lieu de rencontre, de dialogue, d’expérimentation et de contemplation esthétique. Véritable rétrospective des œuvres ayant rejoint la collection Vranken-Pommery-Monopole au fil des ans et des éditions de l’Expérience Pommery, l’événement souligne le travail de conservation mené par la maison et célèbre une politique d’acquisition inspirée. Chaque millésime est y représenté par les créations les plus significatives, belle illustration de la vocation culturelle du domaine. Le titre de cette quinzième édition, « Introspection », choisi bien avant la crise sanitaire, paraît rétrospectivement prémonitoire. Interrogeant le monde et la place de l’humain, ce vocable éclaire le paradoxe de la cave, lieu d’enfermement par excellence. La double performance de la présentation des oeuvres dehors, dedans entre puissamment en résonance avec la situation actuelle, troublante sérendipité. L’installation de l’exposition a été finalisée quelques jours avant le début du confinement. Si le vernissage annoncé originellement le 2 avril reporté au 11 mai n’a pas eu, pour des raisons de sécurité, l’ampleur envisagée, l’évènement n’en demeure pas moins un rendez-vous incontournable. 


Philippe Ramette - Lévitation de chaise, 2005

Lilian Bourgeat - Invendu-Bottes, 2009

Lilian Bourgeat - Invendu-Bottes, 2009

Choi Jeong Hwa - Happy, Happy, 2016

Choi Jeong Hwa - Happy, happy, 2016

Pablo Valbuena - Kinematope, 2016

Pablo Valbuena - Kinematope, 2016

Zsofia Keresztes - Sans titre, 2018


Soutien à la création artistique, L’Expérience Pommery rend hommage par cet engagement à la personnalité visionnaire de Louise Pommery (1819-1890). Cette figure féminine majeure de la Champagne au XIXème siècle préside aux grandes évolutions de la Maison Pommery comme l’installation du domaine à Reims, la construction des bâtiments au style élisabéthain. Elle est également à l’origine du premier champagne brut en 1874. Louise Pommery décide de l’aménagement des crayères gallo-romaines en caves et fait appel à des sculpteurs pour qu’elles soient ornées d’œuvres. L’attachement de Pommery à l’art, première maison à avoir ouvert ses crayères à l’expression plastique, s’inscrit donc dans une tradition qui perdure depuis le XIXème siècle. Dix-huit kilomètres de galeries sinuent sous la montagne. Hôpital et refuge pour les populations civiles au cours de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale, les Crayères assument à travers l’histoire leur rôle protecteur, abris rassurant. Inscrites sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis 2015, elles sont surtout le lieu de la création, où les vins sont élaborés, élevés avec passion. C’est cette même création, ce même désir de raconter des histoires qui s’incarnent dans l’Expérience Pommery.

« Introspection », rétrospective des quatorze éditions précédentes présente un florilège d’œuvres marquantes acquises au fil des ans et des coups de cœur. Les millésimes artistiques se déploient dans le dédale des galeries sur un parcours artistique de près d’un kilomètre de long qui débute dès les grilles du domaine passées, avec « Lévitation de chaise » de Philippe Ramette. Dans la cour du bâtiment qui donne accès aux caves, « Invendu-Bottes » de Lilian Bourgeat représente de gigantesques bottes en caoutchouc, deux pieds gauches d’un réalisme troublant, à la fois cocasses et monstrueux. 

L’oeuvre « Kinematope de feu » de l’artiste espagnol Pablo Valbuena, illumine dans un jeu de LED hypnotique les cent-seize marches de l’escalier monumental qui descend aux galeries. Conceptualisée en 2016 pour Pommery, Kinematope de feu est la deuxième version d’une création in sitù conçue en 2014 à l’occasion de la Nuit Blanche pour la Gare d’Austerlitz alors en plein travaux. La lumière projetée modifie le mouvement, la vitesse de progression, trouble sensoriel et temporel. Les bandes creusées à même la craie par Daniel Buren de la première galerie veillent sur les « Disques rouges » de Dominique Blais.


Enrique Marty - Sunbath, 2008

Enrique Marty - Sunbath, 2008

Lisa Oppenheim - Smoke, 2013

Hicham Berrada - "Présageé - "Tranche", 2014

Mathieu Mercier - Homoculus sensitif, 2007

Stephen Thidet - Le Refuge

Stéphane Thidet - Le Refuge 

Franck Scurti - Les Reflets (bar), 2004


Un peu à l’écart, dans la crayère de l’escalier perdu, Enrique Marty a reconstitué un souvenir d’enfance, un tableau estival cocasse transposé dans une cave. « Sunbath » représente une plage vivement éclairée. Un homme souriant, à qui l’artiste a prêté les traits de son propre père, est à moitié enfouie dans le sable, à la suite d’un jeu d’enfant suppose-t-on. Un parasol, un poste de radio, le décalage de cette scène de plein air par excellence dans l’espace clos questionne avec humour la reproduction du modèle extérieur à l’intérieur, sous terre et la place de l’être humain dans le monde.

Plus loin, deux écrans encadrent une vierge gothique dans le clignotement stratosphérique de cieux solarisés. « Smoke » oeuvre vidéo de la plasticienne américain Lisa Oppenheim alternent des images issues des archives du War Museum de Londres, les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, et celles de jours de tempête tournée en plein orage. Tableau bleu, paysage fantasmagorique, dans « Présage » et « Tranche » Hicham Berrada donne à voir la réaction de composants chimiques disposés dans un bocal, ballet d’une infinie délicatesse, d’une poésie diaphane. L’« Homonculus sensitif » de Mathieu Mercier, être aux organes sensoriels démesurés, est solidement campé entre deux rangés de bouteilles assoupies attendant de remonter à la surface. Stéphane Thidet fait tomber une averse à l’intérieur d’une cabine en bois dans une oeuvre magnifique intitulée « Le Refuge » qui trouve écho dans l’expérience du confinement récent. Une curieuse enseigne déformée comme un reflet dans une flaque d’eau imaginée par Franck Scurti  annonce un bar chimérique. 


Choi Jeong Hwa - Fruit tree, 2015

Barthélémy Toguo - Road to exile, 2008

Stephen Wilks - Donkey Rounabout, 2000

Stephen Wilks - Donkey Roundabout, 2000

Bertrand Gadenne - Le poisson rouge 

Philippe Baudelocque - Vegetalismo, 2016

Philippe Baudelocque - Vegetalismo, 2016

Laurent Grasso - Infinite Light 2014


Le « Fruit tree » du Coréen Choi Jeong Hwa, corbeille de fruits gonflable, convoque des imaginaires d’enfance, « James et la grosse pêche » de Roald Dahl, les films du studio Ghibli.  « Road to exile » de l’artiste camerounais Barthélémy Toguo évoque la tragédie des migrants. Une frêle barque surchargées ballots de wax, navigue sur une mer de bouteilles de champagne. 

Le « Donkey roundabout » de Stephen Wilks, carrousel macabre dont les rouages roulent à contresens les uns des autres, mettent en lumière des impressions paradoxale. L’univers de l’enfance incarné par le manège est contredit par les figures squelettiques lugubres qui portent des ânes peluches, silhouettes molles désarticulées un peu inquiétante mais ultra colorées. L’artiste voyage à travers l’Europe avec ces curieux animaux. Chaque âne possède une poche dans laquelle, il glisse des dessins, des mots, des lettres donnés par les personnes rencontrées au fil de ses pérégrinations ou bien ses propres productions. Au détour d’un couloir, les « Vegetalismo » de Philippe Baudelocque  planètes gravées à même la craie des galeries donnent à voir sur les parois closes les cieux nocturnes qu’observe l’astronome. 


Hicham Berrada - Augures mathématiques

Aline Bouvy - We will make you lose what you are struggling
to hold on, 2018

Jean-Pierre Formica - Hommage à Guernica

Jacqueline Dauriac - Vertigo, 2007

Jacqueline Dauriac - Vertigo, 2007

Delphine Reist - La parade, 2011

Olivier Strebelle - Comme une fleur 1


Les rats sculptés en bas-relief d’Aline Bouvy, « We will make you lose what you are struggling to hold on to », brandissent des produits ménagers, tout prêts à nettoyer les caves. Avec humour, la plasticienne mène une réflexion sur l’intime, le domestique et le sauvage. « La Parade » de l’artiste suisse Delphine Reist met en scène des bottes en caoutchouc alignées le long d’un mur qui tapent du pied en cadence. Cette parade fantomatique, revue des troupes spectrales, associent la fantaisie et la gravité. Est-il question d’un départ à la guerre, d’un mouvement de révolte, d’une impatience joyeuse ? Point final du parcours, « Comme une fleur », sculpture en bronze signée Oliver Strebelle, célèbre la féminité, la puissance féconde qui semble renvoyer au génie créatif de Louise Pommery.

Expérience Pommery #15 Introspection
Jusqu’au 31 décembre 2020

Liste des artistes : Philippe Ramette / Lilian Bourgeat / Pablo Valbuena / Zsofia Keresztes / Enrique Marty / Dominique Blais / Lisa Oppenheim / Hicham Berrada / Richard Fauguet / Mathieu Mercier / Stéphane Thidet / Franck Scurti / Choi Jeong Hwa / Barthélémy Toguo / Paddy Bloomer & Nicolas Keogh / Stephen Wilks / Babak Alebrahim Dehkordi & Payman Baradi / Raul Keller / Philippe Baudelocque / Bertrand Gadenne / Laurent Grasso / Aline Bouvy / Jacqueline Dauriac / Jean-Pierre Formica / Delphine Reist / Olivier Strebelle

Domaine Pommery
5 place Général Gouraud - 51100 Reims
Tél : 03 26 61 62 56 (réservations obligatoires)





Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.