Ailleurs : LaM, Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut - Villeneuve-d'Ascq



Le LaM - Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut - a trouvé naturellement sa place au début des années 1980 à Villeneuve d’Ascq, ville nouvelle, centre universitaire animé au cœur d’une métropole chargée d’histoire et de culture. Lille, capitale européenne de la culture depuis 2004, a essaimé dans toute la région du Nord où désormais les nombreuses institutions soutiennent les beaux-arts, la musique et la création en général. Ce foisonnement culturel incarne le renouveau économique et joue un rôle important dans la cohésion sociale. Le LaM, bâtiment remarquable inscrit, raconte en ses pierres même l’histoire d’une création intimement liée aux donations successives et à la constitution des trois collections majeures. Le parcours sensible développé en harmonie avec le concept de transversalité se déploie au fil de ce trio, art moderne, art contemporain et art brut. Le fonds composé de près de 7000 oeuvres illustre une vocation d’ouverture au monde doublée d’une volonté d’exposer des artistes peu représentés dans les institutions françaises. Le LaM est l’un des rares musées à considérer l’art brut sur le même plan que l’art moderne et contemporain. Cette démarche invite les visiteurs à repenser la place de cette expression plastique singulière dans l’histoire de l’art. 












Fruit de métamorphoses successives, le LaM est le successeur du MaM, musée d’art moderne initié par la communauté urbaine de Lille. Cette dernier a reçu en 1979 une importante donation de la part Geneviève et Jean Masurel, neveu et héritier du mécène et collectionneur Roger Dutilleul. La collection faisant dialoguer les héros de l’art moderne Braque, Picasso, Léger, Miro, Modigliani avec des artistes contemporains est si prestigieuse que l’idée d’un musée dédié prend immédiatement forme. Inauguré en 1983, le bâtiment conçu par l’architecte Roland Simounet convoque l’idée d’une vaste demeure de collectionneur entourée d’un parc de sculptures.  L’édifice est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 2000.

Cette collection originelle prend source dans une passion transmise en héritage. Roger Dutilleul (1873-1956) petit rentier mais bourgeois parisien installé, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, administrateur de sociétés, voue un amour immodéré à l’art. Aux murs de son domicile de la plaine Monceau, se bousculent les œuvres de Corot, Courbet, Delacroix, Greuze, Renoir, Sisley. Cet autodidacte aux goûts personnels prononcés regrette de ne pouvoir accéder au travail de Cézanne et des fauves, trop onéreux pour ses moyens. Il fait la connaissance d’un jeune galeriste Daniel-Henry Kahnweiller (1884-1979), promoteur du mouvement cubiste, établi rue Vignon. 

Dès 1908, Dutilleul se laisse séduire par Braque et Picasso mais reste indifférent à Juan Gris. Puis ce sera Fernand Léger et surtout Amadeo Modigliani. Il achète près de trente œuvres de l'artiste italien parmi lesquelles l’une de ses rares sculptures, une tête de femme en marbre de 1913 et « Nu assis à la chemise » de 1917. Il succombe pour la « Femme lippue » de Kees Van Dongen datant de 1909 mais boude Henri Matisse à qui il reproche sa dimension décorative. A la galerie Bing, Roger Dutilleul s’éprend du travail du peintre russe André Lanskoy (1902-1976) dont il devient le mécène. Il l’encourage dans sa quête d’abstraction et l’artiste rejoint la galerie Louis Carré en 1928.















Toute sa vie Dutilleul restera proche de la galerie fondée par Daniel-Henry Kahnweiler en 1920, la galerie Simon, du nom de l’associé de Kahnweiller, André Simon, où Pablo Picasso, André Masson, Salvador Dali seront très largement représentés. En 1940, la galerie, menacée par les lois antisémites du régime de Vichy et les persécutions de l’Occupant, est confiée à Louise Leiris, belle-fille de Kahnweiler, épouse de l’écrivain Michel Leiris. Maurice Jardot rejoint la galerie, de 1956 à 1996, où il oeuvre tout d’abord en tant que collaborateur puis comme directeur. Celui-ci rassemble avec ferveur une collection privée dont il fera don permettant ainsi de constituer le fonds du musée d’art moderne de Belfort - donation Maurice Jardot. Collection qui a été en partie présentée au LaM le temps d’une saison. Quentin Laurens, directeur de la galerie Louise Leiris, petit-fils du sculpteur Henri Laurens a confié en dépôt au LaM « L’Adieu » oeuvre de son aïeul datant de 1941, installée désormais dans la salle Léger.

Roger Dutilleul, célibataire sans enfant, s’est pris très tôt d’affection pour son neveu Jean Masurel (1908-1991) fils de sa sœur et d’un riche négociant en laine de Roubaix. Alors que le jeune homme passe son bac à Paris, il l’accueille chez lui. Jean Masurel développe un vif intérêt pour la collection de son oncle. C’est lui qui achète « L’Homme nu assis » de Picasso (1908-09). Le virus de la collection est transmis. A son décès, Roger Dutilleul lègue l’ensemble des œuvres réunies au cours de sa vie à son neveu. Hormis son portrait par Modigliani qu’il réserve à une autre branche de la famille.

Dès 1942, Jean Masurel éclairé dans son action par sa jeune épouse Geneviève de la Rigodière Masurel, fille d’industriel textile lyonnais, laisse son goût pour l’art prendre une nouvelle dimension. Jean et Geneviève Masurel transforment le château familial de Mouvaux en maison des artistes. Fernand Léger, Bernard Buffet et Eugène Dodeigne y séjournent régulièrement. La collection Dutilleul / Masurel s’étend. Des œuvres de Vassily Kandinsky, Paul Klee, Joan Miro, Alexander Calder, Nicolas de Staël s’y ajoutent. En 1979, Jean et Geneviève Masurel font don de leur collection, 219 œuvres à la communauté urbaine de Lille. La donation est à l’origine de la création du LaM de Villeneuve d’Ascq. Bientôt l’art contemporain complète ce panorama artistique avec Annette Messager, Pierre Soulages, Daniel Buren, Barry Flanagan, Richard Deacon.  











La collection d’art brut du LaM, ensemble puissant, marque profondément l’identité du musée. L’ensemble, 3 900 œuvres composées par 170 artistes, résulte d’une donation de l’Aracine, donation acceptée en 1999. L’histoire de sa constitution suit une trajectoire un peu hors des sentiers battus. En 1964, Jean Dubuffet, inventeur du terme, livre sa troisième et ultime définition de l’art brut dans Fascicule de l'art brut numéro 132. « Œuvres ayant pour auteurs des personnes étrangères aux milieux intellectuels, le plus souvent indemne de toute éducation artistique, et chez qui l'invention s'exerce, de ce fait, sans qu'aucune incidence ne vienne altérer leur spontanéité. »

En 1971, la collection d’art brut constituée par Jean Dubuffet entre 1940 et 1970 est offerte à la ville de Lausanne à la suite du manque d’intérêt manifesté par le Centre Pompidou, pas encore inauguré mais alors en pleine constitution de ses fonds. Madeleine Lommel décide dès 1982, avec ses complices Claire Teller et Michel Nedjar de réunir un ensemble d’art brut susceptible d’illustrer tous les genres de ce mouvement. L’ambition muséale de l’Aracine rassemble sous une même collection André Robillard, Aloïse Corbaz, Henry Darger, Madge Gill, Augustin Lesage, Adolf Wölfli, Carlo Zinelli. Elle sera exposée de 1984 à 1996 à Neuilly-sur-Marne. L’expérience prenant fin, une donation est proposée à la Métropole de Lille. Elle est acceptée lorsque le budget nécessaire à la réinvention du MaM, futur LaM est trouvé. 

La métamorphose nécessaire pour valoriser les trois collections prendra quatre ans. De 2005 à 2010, l’architecte Manuelle Gautrand mène la restructuration. Elle imagine une nouvelle extension dédiée aux espaces d’exposition de l’art brut. Ils permettent désormais de présenter 450 œuvres à travers un parcours déployé en éventail. Le musée rouvre ses portes sous la dénomination Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut.











L’art brut, dépouillé des codes académiques, génère des images différentes et des processus créatifs alternatifs. Le parcours proposé par le LaM souligne les liens, renoue les filiations, entre les artistes du mouvement moderne ainsi que les contemporains fascinés par cette forme d’expression artistique. Si Jean Dubuffet est resté comme le chantre absolu de l’art brut, Marx Ernst, Paul Klee, André Masson, les surréalistes Paul Eluard, Raymond Queneau mais également Pablo Picasso, Annette Messager, Jean Tinguely ont été marqués par les différents genres de ce mouvement. 

La collection d’art brut du LaM s’étend à toutes les représentations. Les artistes spirites, médiums et visionnaires en connexion avec l’Outre-Monde y occupent une place importante. En 1939, Fleury-Joseph Crépin, plombier zingueur du Nord, entend des voix. Elles lui intiment de créer 400 « tableaux merveilleux » afin d’apporter la paix dans le monde. Mineur et médium, Augustin Lesage est à son tour enjoint par les esprits de dessiner et de peindre. 

Le fonds présenté au LaM s’attache aussi à valoriser l’art singulier où se mêlent « les habitants paysagistes » et les « naïfs ». Les totems de Theo Wiesen, inspiré par le travail des troncs d’arbre à la scierie où il a exercé toute sa vie, représentent des personnages mi-hommes ou femmes, mi-animaux, portant des têtes de loup, de bêtes à cornes, de diables. L’art brut des hôpitaux psychiatriques renouvelle la vision créative : les sculptures hommes-oiseaux ou bêtes du Gévaudan d’Auguste Forestier, les rouleaux allégoriques d’Aloïse Corbaz, les dessins et textes d’Adolf Wölfli formant une biographie imaginaire, le récit en images et mots de 15 145 pages dactylographiées intitulé « In the Realms of the Unreal » ainsi qu’une autobiographie de 5 084 pages d’Henry Darger et ses Vivian girls. 










Au centre d’un vaste parc, jardin de sculptures accessible librement, le LaM est devenu un lieu de promenade en famille. Dans cet espace vert charmant, la rencontre avec l’art deviendrait presque fortuite. Attirant les regards et les curiosités des plus jeunes comme de leurs parents, les dix œuvres monumentales installées en plein air sont signées par de grands maîtres - Eugène Dodeigne, Jean Roulland, Alexander Calder, Jacques Lipchitz, Pablo Picasso, Richard Deacon. Et le spectaculaire bâtiment qui abrite le musée n’est pas la moins impressionnante des réalisations. Espace de vie, le LaM entre collections permanentes et expositions temporaires, puise une énergie particulière dans la fréquentation de sa bibliothèque, de son café-restaurant, de son auditorium et de ses nombreux ateliers destinés à un public varié.

LaM, Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut
1 allée du Musée - 59650 Villeneuve d’Ascq
Tél : 03 20 19 68 68
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.