Paris : Pont Alexandre III, symbole de l'amitié franco-russe, ouvrage parisien emblématique et point de vue exceptionnel - VIIIème



Le Pont Alexandre III, nommé en hommage au tsar signataire de l’alliance conclue entre la Russie et la France du président Sadi Carnot en 1891, célèbre l’amitié retrouvée de deux pays longtemps ennemis. Véritable ouvrage d’art et plus prosaïquement pont routier, il relie l’esplanade des Invalides à l’avenue Winston Churchill dans une perspective savamment orchestrée par ses concepteurs. Ce chef-d’œuvre de technologie inauguré en 1900 à l’occasion des cérémonies d’ouverture de l’Exposition Universelle allie la majesté des proportions et l’élégance d’un très riche décor. Celui-ci dissimule les éléments de charpentes et masque les articulations de la structure. Dix-sept artistes parmi les plus doués de leur génération ont collaboré afin de parer le pont d’ornementations sur le thème histoire de France et motifs maritimes. Le Pont Alexandre III est souvent mentionné par les touristes et les autochtones, comme le plus beau pont de Paris ou du moins l’un des plus emblématiques. A cheval sur la Seine, sa situation géographique exceptionnel offre aux promeneurs un point de vue unique sur la courbe de la Seine vers la Tour Eiffel. Classé au titre des Monuments historiques par arrêté du 29 avril 1975, labellisé Patrimoine du XXème siècle, il se tient sur un site naturel inscrit faisant partie du secteur sauvegardé du VIIème arrondissement de Paris. Le Pont Alexandre III est incontournable.











En 1824, l’ingénieur Henri Navier (1785-1936) débute un premier chantier à l’endroit même où se trouve notre actuel Pont Alexandre III afin de réaliser un pont suspendu. A la suite de complications techniques, il est détruit en 1828 avant même son achèvement. A l’occasion des préparatifs de l’Exposition universelle de 1900, un concours d’idée est lancé le 9 août 1894 afin d’imaginer un ouvrage innovant pour relier les deux rives de la Seine. Les projets se multiplient, inspirés par la situation topographique. Le cahier des charges très précis insiste sur le fait que le pont soit intégré dans la perspective entre les Champs Elysées et les Invalides créée à l’occasion de l’Exposition. L’axe est dégagé par la destruction vieux Palais de l’Industrie, qui datait de la précédente Exposition Universelle de 1855. Il est rasé afin de faire place de part et d’autre de la nouvelle avenue à deux édifices, le Grand Palais et le Petit Palais. 

La première pierre du Pont Alexandre III est posée le 7 octobre 1896 par l’héritier d’Alexandre III, le tsar Nicolas II de Russie, son épouse l’impératrice Alexandra Fedorovna et le président Félix Faure. La construction à la pointe des technologies d’ingénierie et d’architecture se poursuit de 1897 à 1900. L’inscription gravée sur la colonne rive droit en aval rappelle l’inauguration du pont : « Le 14 avril 1900, Emile Loubet, président de la République française, a ouvert l’Exposition universelle et inauguré le Pont Alexandre III ». 

Imaginé par les ingénieurs Jean Résal (1854-1919), grand spécialiste des ponts métalliques à la fin du XIXème siècle, et Amédée Alby (1862-1942), le Pont Alexandre III relève de multiples défis techniques. A la pierre trop lourde pour un ouvrage d’une telle dimension est préféré l’acier moulé. Afin de résister à la poussée horizontale très forte exercée sur les deux rives, le pont est doté de culées massives qui font paraître presque frêles les pylônes monumentaux disposés aux entrées. 











Les préoccupations esthétiques inscrites dans le cahier des charges confèrent à la structure sa configuration particulière notamment le présupposé de ne pas nuire à la courbe de la Seine vue depuis le pont de la Concorde. Le tablier du pont est conçu pour être le moins bombé possible afin de ne pas masquer la perspective vers l’hôtel des Invalides par un effet dos d’âne. Ainsi l’arc en est délibérément très surbaissé. Afin de rendre compte au mieux de cette vue allant du Palais de l’Elysée aux Invalides, les ingénieurs placent le pont sur un axe légèrement de biais par rapport au fleuve.

Dans un souci de proportion par rapport à la largeur de l’avenue, celle du pont, envisagée tout d’abord à 50 mètres, est finalement arrêtée à 45 mètres. La symétrie décorative trouve son pendant avec une largeur imposée des quais de 22,50 mètres. Aux extrémités, deux tunnels en pierre ouvre la circulation.

Autre gageure technique, le pont ne doit comporter qu’une seule portée afin de ne pas perturber les impératifs de la navigation fluviale. L’unique arche du Pont Alexandre III, longue de 107 mètres, soutenue par quinze arcs d’acier parallèle, comprend trois points d’articulation et franchit la Seine sans point d’appui intermédiaire. 












La société Schneider et Cie, groupe sidérurgique dont l’usine du Creusot est spécialisée depuis 1850 dans la fonte de l’acier pour la réalisation de ponts et charpentes, réalise les voussoirs et le décor en fonte. La construction et le montage de la charpente, confiée à Fives-Lille, constructeur en génie civil. Les fondations sont creusées sous caisson pressuré grâce au procédé Triger, technique innovante de creusement dans des terrains humides ou inondés par air comprimé. Vingt-neuf accidents de décompression, certains très graves, vont avoir lieu. Toute la durée du chantier, un pont supérieur mobile est installé au-dessus du futur Pont Alexandre III afin que les travaux ne perturbent pas la circulation fluviale. 

Les architectes Joseph Cassin-Bernard (1848-1926) et Gaston Cousin (1870-1915) prennent le relais des ingénieurs en imaginant un décor susceptible de dissimuler au regard les aspects structurels de l’ouvrage. Aux extrémités du pont, les groupes en pierre de lions conduits par des enfants sont les œuvres rive gauche de Jules Dalou (1838-1902), rive droite de Georges Gardet (1863-1939).


Décembre 1898 Construction du Pont Alexandre III

Décembre 1898 Construction du Pont Alexandre III

1899 La Construction du pont Alexandre III
Georges Souillet - Fin du XIXe siècle. © Musée Carnavalet

1899 Construction du Pont Alexandre III

1900 Pont Alexandre III

1900 L’extrémité du Pont Alexandre III et l’esplanade des
Invalides lors de l’Exposition universelle

1900 Vue de l’Exposition universelle depuis le pont Alexandre III  

1912 Pont Alexandre III Photographie de presse, Agence Rol, Gallica, BNF

1925 Pont Alexandre III Exposition des Arts Décoratifs - Agence Rol, BNF  

1937 Pont Alexandre III - Exposition internationale des arts et techniques

Quatre pylônes monumentaux, hauts de 17 mètres surmontés de groupes équestres en bronze doré, marquent l’entrée du Pont Alexandre III. Rive droite, en amont se trouve « La Renommée des arts » qui côtoie son pendant en aval « La Renommée des sciences », œuvres du sculpteur Emmanuel Frémiet. Rive gauche, en amont a été placée « La Renommée au combat » par Pierre Granet (1842-1910), flanquée des allégories du Commerce, de l’Industrie et du Droit et en aval « Pégase tenu par la Renommée de la Guerre » par Léopold Steiner (1853-1899), flanquée sur les côtés des allégories de la Gloire militaire, la Marine et la Force. Steiner décède avant d’avoir achevé le groupe qui est finalisé par Eugène Gantzlin. 

Les décorations à la base des quatre pylônes ont pour thème l’histoire de France. Rive droite, en amont « La France du Moyen Âge » par Alfred-Charles Lenoir (1850-1920) fait face en aval à « La France moderne » par Gustave Michel (1851-1924). Rive gauche, en amont « La France à la Renaissance » par Jules Coutan (1848-1939) dialogue en aval avec « La France sous Louis XIV » par Laurent Marqueste (1848-1920). 






Le Pont Alexandre III est illuminé par trente-deux candélabres monumentaux en bronze fondus dans les très réputés ateliers de Lacarrière Delatour &Cie. Les artisans réalisent à cette occasion un véritable tour de force. Les quatre plus grands lampadaires, ornés d’un décor d’Amours en ronde signé par le sculpteur Henri Gauquié (1858-1927) et placés aux extrémités du pont, pèsent chacun 667 kg, pour une hauteur de 4,50 mètres et un diamètre de 4,70 mètres. 

Echelonnés tout au long du pont, différents groupes en bronze ou en cuivre représentent quatre génies des eaux avec des poissons et des coquillages, de Léopold Morice (1843-1920) et André Massoulle (1851-1901) parmi lesquels « L’Enfant au poisson » en amont et « La Néréide » en aval.

Au milieu de l’arche, deux reliefs en cuivre repoussé par Georges Récipon (1860-1920) illustrent l’amitié franco-russe. En amont vers la Concorde, figurent les Nymphes de la Neva avec les armes de la Russie, tandis qu’en aval vers l’Alma, se trouvent les Nymphes de la Seine avec les armes de Paris. Les éperons des pylônes sur le tablier soutenu par l’arche sont ornés de mascarons et de guirlandes, oeuvres d’Abel Poulin et Eugène Gantzlin. 








Depuis son inauguration en 1900, le Pont Alexandre III a changé plusieurs fois de couleurs. Tout d’abord gris, il devient au fil des barbouillages de printemps vert-brun avant de retrouver un élégant gris perle à l’occasion de l’unique restauration de l’ouvrage en 1998. Symbole des liens séculaires noués entre la France et la Russie, le pont porte le nom du tsar Alexandre III, qui lors de la guerre franco-prusse de 1870, n’hésitait pas à affirmer : "Les Français sont le peuple le plus infect du monde. On ne s’allie pas avec la pourriture". La paix revenue, le Second Empire définitivement renversé, les relations entre les deux pays s’étant radoucies, il est possible de gager sur une évolution positive des dispositions de l’Empereur de Russie envers l’Hexagone à la fin de sa vie. 

Pont Alexandre III - Paris 7 / 8



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie 
Le guide du promeneur 8è arrondissement - Philippe Sorel - Parigramme
Paris le guide du patrimoine - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette

Sites référents