Lundi Librairie : La frivolité est une affaire sérieuse - Frédéric Beigbeder



Frédéric Beigbeder cultive le goût de la provocation, du geste esthétique. Le personnage médiatique qu’il a inventé, dandy décadent, chantre de la légèreté affiche une vie débridée de mondain. Il prétend qu’il ne fait rien, surtout jamais d’efforts mais multiplie les casquettes romancier, essayiste, réalisateur, critique, rédacteur en chef. Florilège de chroniques, de billets d’humeur, "La frivolité est une affaire sérieuse" se lit telle une rétrospective des trente dernières années au fil de sa carrière d’éditorialiste. Le recueil de chroniques repêchées dans les archives de Frédéric Beigbeder réunit des textes représentatifs, 99, chiffre qui lui porte bonheur depuis la parution de son roman "99 francs". Expérience littéraire, introspection cathartique, retour sur une vie de plume. 

Inconséquent revendiqué, noctambule excessif, Frédéric Beigbeder se met en scène avec autodérision et convoque les ambiances survoltées des fêtes parisiennes, des défilés. En représentation au Festival de Cannes, il use et abuse du name dropping, enchaîne les soirées. Les boîtes de nuit, l’alcool, la drague, les jolies femmes sont son pain quotidien. En 2015, les attentats marquent une rupture. L’épicurien inconsistant aux dérives très médiatisées se découvre à 53 ans une vocation d’écrivain engagé malgré lui. L’insouciance envolée, les chroniques se teintent de nuances graves, le ton change. Son style de vie évaporé devient une véritable philosophie, un militantisme involontaire contre les bas du front.

Superficiel et incisif, sarcastique car impuissant à changer le monde tel qu’il va, Frédéric Beigbeder scrute l’époque, sa violence omniprésente, son rigorisme triste. Désormais, il est nécessaire de s’amuser la nuit, d’assumer ses excès et de revendiquer la légèreté. L'éditorialiste brandit en étendard l’essentielle frivolité contre la barbarie. Il choisit de faire la fête plutôt que de se terrer. Et bientôt Frédéric Beigbeder, dans un sursaut survivaliste, quitte Paris pour la Côte basque. Il ne perd rien de son impertinence malgré ses inquiétudes de père de famille. 

Au gré de ses chroniques, il raconte des rencontres enamourées avec des actrices françaises, rend visite à Charlie Hebdo, éclaircit la portée philosophique des chansons de Rihanna, fait l’éloge du téton, rit à postériori de sa frayeur lors d’un braquage au Ritz.  Il décrypte l’évolution de la société, son calvinisme triste sous des apparences clinquantes, et enveloppe sa réflexion d’aphorismes aussi savoureux que définitifs. Ironie tendre et sens de la formule, il s’interroge sur l’avenir de la culture, de l’édition et de la littérature en général. L’air du temps l’inquiète, la dématérialisation, le virtuel le désole. 

Frédéric Beigbeder se braque contre les réseaux sociaux qu’il considère comme une nouvelle forme de dictature. Il se révolte contre la réduction drastique des libertés individuelles, la chute d’une civilisation. Pour autant, toujours lucide, il s’amuse de constater que l’enfant terrible des nuits parisiennes qu’il était, est en passe de devenir un vieux réac. Néanmoins, l’hédoniste libertaire en lui continue de parler des sujets les plus sérieux avec légèreté. 

La frivolité est une affaire sérieuse - Frédéric Beigbeder - Editions de l’Observatoire 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.