Per Adriano, une oeuvre du sculpteur Igor Mitoraj (1944-2004) monte la garde à l’entrée du musée des Beaux-Arts d’Angers depuis juin 2004. Place Saint-Eloi, ce visage énigmatique, fragment de masque monumental appartenant à quelque colosse mythologique, possède la beauté pure des statues antiques. A travers ce bronze, Igor Mitoraj traduit sa fascination pour la figure humaine, thématique unique de son œuvre. L’expressivité de son travail caractérisé par un instinct profond de la matière formule plastiquement une certaine sensualité. Les courbes du front bombé, de la pommette haute, la perfection de la ligne, s’opposent à la déchirure des contours comme fracturés. La démarche post-moderniste de l’artiste puise son inspiration dans l’idée des proportions idéales de la statuaire gréco-romaine. Par la rupture volontaire de la matière, simulation d’accident, il insuffle une dimension dynamique.
Porté par ses obsessions plastiques, Igor Mitoraj réalise au cours de sa carrière de nombreuses têtes intactes, mais dépourvues de corps. La grâce classique du modelé de ces bronzes notamment est troublée par le choix de patines insolites. Le sentiment d’éternité de la beauté idéale se trouve altéré par cette prise de position. De nombreuses œuvres signées Igor Mitoraj convoquent le souvenir des fragments antiques. Ces sculptures aux membres tronqués, amputées, surface de bronze crevée, comme déchirée, corps morcelé évoque une forme d’archéologie contemporaine. Parfois, ses statues semblent renversées au sol à la suite d’événements tragiques.
Par le biais de ces dommages volontairement infligés à ces œuvres, il explore la condition humaine, l’essence de l’homme forcément imparfaite. « Mes corps sont abîmés car c’est notre vie qui est abîmée » confie-t-il. Son travail reflète un profond attachement à la nécessité du souvenir, du devoir de mémoire et de l’importance de l’histoire. Ces dessins moins connus que ses sculptures sont néanmoins très appréciés des collectionneurs.
Né en 1944 à Oederan en Allemagne, d’une mère polonaise et d’un père français, Igor Mitoraj étudie sous la direction de Tadeusz Kantor aux Beaux-Arts de Cracovie. En 1968 choisit de vivre entre la France et l’Italie. Fasciné par les arts précolombiens, il séjourne au Mexique au début des années 1970. Il y développe un goût particulier pour le travail de la terre. Il rentre en Europe en 1974. Deux ans plus tard, sa première exposition à Paris se tient dans l’espace dédié de la librairie La Hune. Igor Mitoraj visite les carrières de marbre de Carrare en Italie au cours de l’année 1979. Sans cesser de travailler la terre et le bronze, il s’intéresse de près à ce nouveau matériau, noble par excellence, quintessence du classicisme.
Bientôt, il forme le désir de propulser ses œuvres dans l’espace public, à l’air libre. Grâce au succès grandissant, les commandes publiques se multiplient. Il réalise sa première sculpture monumentale en 1981, Grand Toscano qui se trouve désormais à la Défense. En 1983, il installe son atelier en Pietrasanta en Italie. La reconnaissance est mondiale. De nombreuses expositions lui sont consacrées en France, en Espagne, en Allemagne, en Italie, aux Etats-Unis. Son oeuvre Thshuki-No-Ikari rejoint les collections du British Museum en 1995.
Dans le quartier de la Défense, les commanditaires font à nouveau appel à lui en 1997. Le sculpteur imagine une tête monumentale, « Tindaro » qui trouve place devant la Tour KPMG. Puis en 2000, trois nouvelles statues sont destinées à ce parc artistique unique, corpus fascinant d’un véritable musée à ciel ouvert. «Ikaria» est installée en face de la Tour Adria, « Ikaro » devant la Tour Ernst & Young et « Centurion » pour la Tour Fiat.
Sa dernière exposition importante, avant son décès en 2014, se déroule en 2011 en Sicile, dans la Vallée des Temples à Agrigente. Les œuvres contemporaines présentées parmi les ruines, deviennent des vestiges modernes s’inscrivant naturellement dans ce site archéologique classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.
Per Adriano, une oeuvre de Igor Mitoraj
Place Saint-Eloi - Angers
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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