Expo : Barbara Hepworth - Musée Rodin - Jusqu'au 22 mars 2020



Figure majeure de la sculpture abstraite du XXème siècle, la britannique Barbara Hepworth (1903-1975) n’est pourtant pas représentée dans les collections publiques françaises. La seule oeuvre conservée sur le territoire hexagonal est un don de l’artiste à une institution privée et se trouve à la Fondation Maeght. Le Musée Rodin l’un des rares lieux en France à l’avoir exposé de son vivant lui consacre un nouvel événement organisé en étroite collaboration avec la Tate. Un abondant corpus complété par des documents d’archives, des lettres, des photographies, des catalogues, des vidéos, une évocation de l’atelier de Saint Ives en Cornouailles, convoquent un univers créatif aussi sensible que fascinant. Après le traumatisme de la Première Guerre Mondiale, Barbara Hepworth en quête d’une beauté idéale, choisit dans les années 1930 de bousculer les codes des esthétiques figuratives. Son vocabulaire plastique, géométrie et formes organiques, célèbre l’alternance des concavités et des convexités, dans un jeu de mise en opposition des pleins et des vides. L’oeuvre fait corps avec l’espace. Ses sculptures percées deviennent une signature reconnue internationalement. Elle représente le Royaume-Uni à la Biennale de Venise en 1950 avant de remporter le Grand Prix de la Biennale de Sao Paulo en 1959. Si la majorité de son travail demeure à échelle humaine, quelques œuvres d’art public monumentales notamment la gigantesque Single form, inauguré en juin 1964 sur le parvis du Siège des Nations Unis à New York marquent désormais le paysage urbain des grandes métropoles. Le musée Rodin rend un hommage vibrant à Barbara Hepworth qui appréciait tellement la France. 











Densité des volumes, rondeurs sensuelles, épure imprégnée de primitivisme, l’oeuvre de Barbara Hepworth s’inscrit dans le cadre d’une non-figuration sous-tendue par une perfection technique. Les formes organiques des sculptures, leur caractère abstrait et pourtant familier, se prêtent aux interprétations. La recherche de l’expressivité demeure un aspect inhérent de sa création.

Née à Wakefield dans le Yorkshire, Barbara Hepworth étudie la sculpture à la Leeds School of Art and Design puis au Royal College of Arts aux côtés de Henry Moore, pionnier de l’art abstrait. Au lendemain de la Grand Guerre, les artistes tentent de réinventer la forme sculpturale. Barbara Hepworth choisit la voie médiane entre abstraction et figuration. Sa démarche humaniste et universelle se veut renouvellement de l’expression plastique. 

Elément actif d’une avant-garde à la vitalité flamboyante, elle appartient à la génération de Jean Arp, Alexander Calder, Naum Gabo et Piet Mondrian dont l’oeuvre va durablement marquer sa conception de la ligne et de la forme. Ses liens avec le milieu artistique parisien, illustrés au cours de l’exposition par des lettres et des catalogues divers, semblent retracer la généalogie d’une abstraction organique. Cette position de l’abstraction sera largement explorée par Alexander Archipenko, Raymond Duchamp-Villlon, Manolo Hugué et se prolongera avec d’autres artistes de l’Ecole de Paris Isamu Noguchi, Etienne Hajdu, Emile Gilioli. 



   







En 1933, Barbara Hepworth visite l’atelier de Brancusi, impasse Ronsin. Elle a une révélation devant l’épure formelle des œuvres et leur force vitale. Influencée par son amitié avec Jean Arp, elle s’adonne pleinement à cette idée de l’abstraction organique. En 1934, elle désire « projeter dans un médium plastique un peu de la vision abstraite et universelle de la beauté ».

Par affinité et durant très longtemps, Barbara Hepworth ne travaille que selon la technique de la taille directe apprise dans les années 1920, à Florence, de maîtres italiens. Le bois, la pierre, le marbre, il est question d’un corps un corps avec la matière. Mais le processus est lent, long. Les galeristes s’impatientent. Lorsque la reconnaissance internationale survient, elle se résout, à partir de 1956, à expérimenter le plâtre afin de réaliser des bronzes.

Au musée Rodin, la salle dédiée à l’évocation de l’atelier devenu musée de Saint Ives en Cornouailles où elle s’établit en 1939 est particulièrement parlante. Ici l’on touche à l’essence de la création. Les outils de la taille, maillets, ciseaux, burins évoquent les rapports de l’artiste à la matière, dialogue intime et instinctif, lien vital de l’homme à la nature. L’artiste se donner pour mission d’exprimer la forme en gestation contenue dans la matière originelle. Elle fait surgir les lignes induites par ce bloc essentiel, inspirée par la nature sauvage de la Cornouaille. « Toute ma sculpture sort du paysage : la sensation de la terre quand on marche dessus, la résistance, l’usure, les affleurements, les structures de croissance (…) aucune sculpture ne vit vraiment tant qu’elle ne retourne pas au paysage ». 













L’exposition met en lumière la singularité d’un processus créatif, transcription libre de l’essence de la matière, vitalité débordante et envie de dépasser la douleur du monde. En 1966, Barbara Hempworth se confie « C’est d’une certaine souffrance que naît le besoin de faire de chaque sculpture un hymne à la vie ». Dans une vidéo, la sculptrice au travail semble danser autour du bloc de pierre, sorte de transe magique presque chamanique.  Synthèse des volumes alternance courbes et contrecourbes, la souplesse du modelé exalte la pureté de la forme jusqu’à la rigueur tandis que l’expressivité sensible révèle la puissance d’émotion dans un foisonnement baroque. 

Au musée Rodin, dans la salle dédiée aux grandes sculptures, les marbres graciles de 1935 marqués par l’esprit des archétypes primitifs côtoient les moulages en bronze jusqu’à la fin des années 1960. Percer les pleins, créer le vide et révéler l’intérieur de la matière, Barbara Hempworth virtuose explore les tensions, revitalise l’élan de la matière et invente de nouvelles harmonies singulières et sensibles. 

Barbara Hepworth
Jusqu’au au 22 mars 2020

Musée Rodin
77 rue de Varenne - Paris 7
Tél : 01 44 18 61 10
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h00 à 18h30 - Fermé le lundi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.