Ailleurs : Musée des Arts de la Marionnette - Gadagne Musées - Lyon 5



Ambitieux voyage immersif dans un univers ludique, le musée des Arts de la Marionnette s’est niché au cœur du Vieux Lyon, berceau du personnage de Guignol, plus célèbre marionnette de France créée en 1808 par Laurent Mourguet. Cette institution intergénérationnelle, rouverte fin 2018 après un chantier de plusieurs mois, rassemble petits et grands grâce à une scénographie interactive qui privilégie l’expérimentation. Le parcours permanent à travers dix salles rénovées présente plus de trois-cents pièces du XVème siècle au XXIème siècle provenant d’Asie, où l’art de la représentation est apparu entre 4000 et 1000 avant JC avec le théâtre d’ombres, d’Afrique, d’Amérique et d’Europe. La plus ancienne figurine articulée date du paléolithique moyen, de 27 000 ans avant l’ère chrétienne. Surnommé Brno, cet ancêtre de la marionnette a été découvert dans la tombe d’un chaman en République Tchèque en 1891. Art universel du mouvement, de la manipulation des objets et de l’illusion, le spectacle de marionnettes s’adresse à l’origine aux adultes. Vecteur de la transmission orale, il offre une scène à l’expression des grands mythes, des légendes comme autant de fondements culturels des sociétés. En évoluant, la marionnette devient un instrument d’éducation, puis un objet de divertissement ou de revendication, l’instrument de la satire humoristique ou de la propagande. L’objet lui-même mute empruntant des formes variées. Des pièces archéologiques prêtées par le musée du Quai Branly Jacques Chirac, jusqu’à la marionnette à gaine de Guignol, des imposantes figures de latex des Guignols de l’info au personnage sac plastique de la compagnie l’Après-midi d’un foehn créé par Phia Ménard, des robots haute technologie aux délicates silhouettes de papier du théâtre d’ombres, le Musée des Arts de la Marionnette présente un fascinant panorama. 











A Lyon, le Musée d’histoire de la ville s’installe, en 1921, dans le quartier Saint Jean dans l’hôtel de Gadagne, un bâtiment Renaissance majestueux classé au titre des monuments historiques depuis 1920. Une modeste collection de marionnettes constituée autour du Guignol lyonnais y est exposée parmi les vastes ensembles dédiés à l’histoire de la capitale des Gaules. 

En 1946, Georges Henri Rivière (1827-1985), muséologue français, fondateur du Musée national des arts et traditions populaires à Paris, décide de créer des antennes régionales thématiques afin de valoriser les collections. A Beaune est ouvert le musée du vin, tandis qu’à Lyon, au cœur même de l’hôtel de Gadagne, un espace de plusieurs pièces est consacré au Musée de la Marionnette. L’important don de l’archéologue Léopold Dor ainsi que les ensembles du Musée de l’homme et du Musée des arts et traditions populaires enrichissent la collection originelle. 2000 marionnettes, 3000 costumes, décors, manuscrits, affiches et castelets rejoignent le fond du nouveau musée.

En 1998, un important chantier de rénovation est lancé pour redonner sa superbe à l’hôtel Gadagne. A la suite des travaux achevés en 2009, les collections du Musée des Arts de la Marionnette sont regroupées dans un espace muséographique totalement autonome. Les salles du double musée, Histoire de la ville et de la Marionnette, sont entièrement repensées. Néanmoins, le parcours proposé reste très traditionnel, chronologique et linéaire. Les différents objets sont exposés en vitrines et regroupés par zones géographiques distinctes. 











Les goûts et les mentalités évoluant, l’équipe du musée choisit de repenser entièrement le parcours muséographique permanent en 2015. Afin de réaliser ce projet d’envergure, elle fait appel à des artistes tels que Pierre Blaise, Gabriel Hermand-Priquet et Virginie Schell, François Lazaro, Michel Laubu, dont la compagnie, le Turak Théâtre, est implantée à Lyon, Camille Trouvé ou encore Emma Utgès. Des spécialistes en études théâtrales et arts de la marionnette et des scénographes, notamment Le Muséophone et Inclusit Design, interviennent ainsi que des organismes comme l’Institut international de la marionnette à Charleville-Mézières (Ardennes). L’inauguration complète des dix nouvelles salles réparties sur une superficie de 500m2 est effective fin 2018. 

L’agencement inédit du Musée des Arts de la Marionnette tend à souligner l’idée d’un art vivant et universel en perpétuelle mutation et de permettre aux visiteurs d’expérimenter de toucher de manipuler certaines pièces. A la place des vitrines, des systèmes de voilage et de fils tendus créés une proximité avec les objets exposés que le visiteur peut mieux contempler que derrière le verre. La scénographie privilégie l’immersion. 

Si le Guignol lyonnais, en fil rouge, joue les repères récurrents, le tour du monde des personnages traditionnels ouvre des horizons grâce aux pièces rares prêtées par d’autres institutions comme le Musée du quai Branly-Jacques Chirac, le Musée du Louvre, le Mucem, le Musée des Confluences, le département des arts et spectacles de la Bibliothèque nationale de France (BNF) ou bien encore par des compagnies artistiques en activité comme le Turak Théâtre. 









Le parcours constitué autour d’une série d’interrogation au sujet de la marionnette met en valeur la diversité et la qualité des objets présentés. Il questionne les différents usages de la marionnette au fil du temps, l’universalité de son propos, son rôle social et culturel de transmission. Objet pédagogique, instrument de propagande aussi, la marionnette incarne des valeurs nationales. Durant la Première Guerre Mondial, Guignol s’invite sur les affiches du Comité de l’Ordre du département du Rhône tandis que le personnage de Kasper sert les intérêts de l’Allemagne nazie au cours de la Seconde Guerre Mondiale. 

A notre époque contemporaine, la marionnette est volontiers satirique ou parodique. Elle a fait les heures de gloire du Bêbête Show et des Guignols de l’info. Les ventriloques qui retrouvent un certain succès auprès d’un public renouvelé après des années de vache maigre, se permettent une liberté de parole toujours plus grande derrière le masque. Les animations étonnantes imaginées par les artistes s’approprient de nouveaux supports, explorant les rapports à l’objet, les univers imaginaires qui permettent aux spectateurs d’inventer leurs propres histoires.

Une large place est consacrée aux supports vidéo et audio consultables sur des bornes en accès libre. Extraits de spectacles, témoignages des artistes comme autant de portraits émouvants, de rencontres touchantes, confèrent une dimension très humaine à l’expérience.











Au fil du parcours, le visiteur explore les techniques du jeu, les exercices de manipulation des pantins. Les marionnettes dévoilent leurs secrets, art de l’illusion, art d’animer des objets articulés inertes, de leur donner le mouvement de la vie. Dans les deux dernières salles, un établi de construction révèle les dessus, les ficelles de fabrication. Un castelet modulable mis à disposition permet de tester les différents types de marionnettes, portées, à gaine, à tringles. Cette véritable initiation à la manipulation animée par des vidéos et des compagnies de marionnettistes montre la réalité du métier et suscitera peut-être des vocations.

Musée des Arts de la Marionnette
Gadagne Musées
1 place du Petit Collège - Lyon 5
Horaires : du mercredi au dimanche de 10h30 à 18h30



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.