Cinéma : Cunningham, un documentaire d'Alla Kovgan



La réalisatrice russe Alla Kovgan consacre un documentaire foisonnant à Merce Cunningham (1919-2009) l’un des chorégraphes les plus avant-gardistes de sa génération. Images d’archives, passages biographiques complétés par les témoignages des collaborateurs proches, séquences de chorégraphies, elle retrace le parcours d’une grande figure de la danse contemporaine. Soucieuse de célébrer une pratique artistique, elle veille à toujours replacer le corps au centre du film et de ce principe d’évolution. Véritable initiation à la pluralité d’un travail à la fois technique et poétique, ce long-métrage permet d’appréhender comment Merce Cunningham a révolutionné son art en le libérant des conventions formelles du ballet. Figure tutélaire, il a puissamment influencé plusieurs générations de danseurs et chorégraphes contemporains. Parmi ses élèves, on compte Trisha Brown, Lucinda Childs, Karole Armitage.






Formé à la Cornish School de Seattle, Merce Cunningham débute sa carrière en 1944, lors d’un premier récital public au sein de la compagnie de Martha Graham. Bientôt, ce créateur visionnaire s’émancipe et fonde sa propre compagnie la Merce Cunningham Dance Company, en 1953. Le documentaire d’Alla Kovgan prolonge le parcours jusqu’en 1972, époque à laquelle, le chorégraphe parvient à faire émerger les prémices d’une vision intense, personnelle.

Longtemps remis en question, incompris par les pontes de la profession pour ses prises de risque, Merce Cunningham s’est illustré par ses innovations radicales controversées, sa persévérance fruit de l’impérieuse nécessité d’un artiste entier.  Il a consacré 70 années à la danse et créé 180 chorégraphies tout au long de sa carrière prolifique. Alla Kovgan a choisi d’incarner à l’écran cet impressionnant ensemble en sélectionnant des extraits de 14 ballets parmi les plus importants.





Consacrant sa vie au perfectionnement de nouvelles techniques, Merce Cunningham a su développer et transmettre un mode de pensée, une nouvelle façon d’appréhender le mouvement et le corps. Il a fait scandale et fait bouger les fondations de la pratique par le procédé de dissociation chorégraphie et musique, le chronométrage des danseurs, l’intervention du hasard comme moteur de création avec l’utilisation du Yi-King pour déterminer l’agencement des séries de mouvements, le nombre des danseurs, les emplacements de chacun sur la scène… Très tôt, il s’est intéressé aux avancées technologiques, l’informatique, employant le logiciel Life Forms pour générer de façon aléatoire des suites d’enchaînements de mouvements pré-enregistrés. 

Le documentaire d’Alla Kovgan souligne l’importance de la collaboration avec le compositeur John Cage, compagnon à la ville et à la scène, rencontré à la Cornish School où il accompagnait les danseurs au piano. Sa musique expérimentale minimaliste aura marqué profondément marqué les travaux du chorégraphe. Ses rencontres avec des musiciens mais aussi des plasticiens tels que Robert Rauschenberg, Andy Warhol, Jasper Johns ont permis à Merce Cunnginham de faire évoluer sa pratique chorégraphique sur des plans jusque-là inexplorés par la danse.




Le film met en lumière avec finesse les apports essentiels à la modernité d’un art aux multiples facettes porté par une personnalité unique. Hommage à un artiste majeur du XXème siècle, à la fois chorégraphe et pédagogue essentiel, qui a inscrit le mouvement dans le moment présent, le documentaire parvient à convoquer avec force la vibration des corps et la grande liberté artistique de Merce Cunningham. 

Cunningham, documentaire de Alla Kovgan
Sortie le 1er janvier 2020



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.