La Cour de l’Industrie, dans le quartier Sainte Marguerite à deux pas du Faubourg Saint Antoine, témoigne avec charme du passé industriel de la Capitale. Lieu patrimonial, social et culturel, au 37 bis rue de Montreuil, elle porte le souvenir vivace du vieux Paris. Ce site exceptionnel datant de la deuxième moitié du XIXème a bien failli disparaître emporté par la vétusté. La Mairie de Paris lui a offert une véritable renaissance en rachetant l’ensemble. Le chantier de réhabilitation aura duré six ans pour rendre la cour de l’Industrie à sa vocation originelle. C’est ainsi que se perpétuent aujourd’hui encore les gestes ancestraux de l’artisanat. Bordés de 6000m2 d’ateliers, ces espaces ont conservé l’identité singulière des cours dédiées à l’industrie du meuble et des métiers du bois. Au rez-de-chaussée les ateliers bruissent d’activité tandis qu’en étage des logements demeurent. Lieu de vie et de lien social, la cour de l’Industrie rend hommage à la solidarité d’une communauté riche de compétences. Les cinquante-cinq ateliers occupés par des artisans et des artistes s’affirment comme les belles vitrines des savoir-faire.
L’aventure artisanale de la cour de l’Industrie débute en 1853 lorsque trois promoteurs, le banquier Raphaël Louis Bischoffsheim, le maître de forges anglais Robert William Kennar, le sénateur Georges de Heeckeren rachètent à un dénommé Doulcet d'Egligny les ruines de la Manufacture royale de papiers peints Réveillon. Cette dernière construite en 1765 dans le parc de la Folie Titon, pavillon de plaisance de Maximilien Titon, directeur général des manufactures et magasins royaux d'armes, a connu un destin peu commun. Elle a été l’un des points d’ignition de la Révolution française. En avril 1789, trois cents ouvriers se révoltent à la suite de l’augmentation d’une taxe. L’usine est saccagée puis incendiée. Mais la grogne ne se calme pas et se répand jusqu’au faubourg Saint Antoine avec la suite que l’on connaît. L’endroit devenu une sorte de terrain vague Pilâtre de Rozier y construit sa montgolfière de Pilâtre de Rozier en 1793 et dans la foulée tente la première ascension libre.
Les promoteurs lancent le programme d’une cour industrielle composée d’ateliers et de logements ouvriers à partir de 1853. Leur initiative est soutenue par une allocation. Par décret du 22 janvier 1852, Louis Napoléon, alors prince-président, a affecté la somme de dix millions de francs, prélevés sur le patrimoine de la famille d’Orléans, à l’amélioration de l’habitat populaire. Nos hommes d’affaires se lancent donc dans la construction de logements bon marché.
Les édifices sont élevés au fur et à mesure des besoins, à moindre coût, en cherchant à rentabiliser l’espace pour générer le plus de loyers. Il n’y a pas de réel projet d’ensemble, ni de cohérence architecturale ce qui explique la variété des trois cours. L’urbanisme est plus qu’aléatoire. En 1902, dans la troisième cour, est construite pour un certain Mahuet, l’un des locataires, une usine de force motrice par les architectes Elie Mignet et Emile Benoist. Il s’agit du bâtiment en briques rouges toujours en place. Malgré un grand incendie qui ravage la cour de l’Industrie en 1908, l’activité s’y poursuit avec constance.
Dans les années 1970, avec la désindustrialisation de Paris, les petites manufactures ferment leurs portes et les artisans quittent les ateliers pour des structures plus appropriées. Ces vastes espaces aux loyers modiques attirent alors les artistes. En 1991, très dégradé, l’ensemble de la cour de l’Industrie est menacé de destruction. Elle ne doit sa pérennité qu’à l’intervention d’associations de riverains et d’artisans, notamment l’Association Ateliers Cours de l’Industrie, qui obtiennent son classement à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 27 mai 1992. Sont dès lors protégés, façades et toitures des édifices bordant les trois cours, leurs escaliers et le sol des cours, à l'exception du bâtiment sud de la première cour.
En 2003, un projet de vente envisage la dispersion des parcelles. Le site est racheté par la Mairie de Paris pour en éviter une découpe préjudiciable à son intégrité. La Semaest, société d’économie mixte d’aménagement de l’Est de Paris, est missionnée en 2008 afin de mener une réhabilitation d’envergure dont le budget s’élève à 17 millions d’euros. L’architecte Jacques Menninger mène le chantier de restauration. La grande vétusté de certaines bâtisses et les problèmes majeurs de normes de sécurité non-respectées l’obligent à faire des choix pour sauver et préserver la cour de l’Industrie malgré la dégradation. D’autant que des vices de construction sont mis à jour tels cet édifice construit autour de poteaux en bois plantés dans le sol sans fondation.
Le chantier débute en 2012 et s’étend en une livraison progressive des huit bâtiments jusqu’en 2017. Démolition, reconstruction, restauration à l’identique et reprises lourdes de la structure, malgré l’importance du chantier, les occupants ont pu demeurer sur place et poursuivre leurs activités grâce à des mesures prises afin que les travaux soient effectués en site occupé. Tandis qu’était préservée la facture XIXème des façades à pans de bois dont le crépis a été laissé en état, les intérieurs ont été repensés de façon contemporaine et les grands plateaux industriels divisés en confortables ateliers.
Dans la première cour la plus ancienne, le haut bâtiment à colombages, pans de bois à enduit hourdis et escalier en bois, perpétue ce style industriel. La deuxième cour bordée de petits ateliers de deux étages surmontés de verrières, alignés sagement, rappellent qu’au rez-de-chaussée ateliers et écuries se partageaient les espaces. Dans la troisième cour, la belle bâtisse en briques rouges de trois étages, fait face à de petits pavillons coquettement colorés. Perruquier, doreur, relieur, encadreur, imprimeur d’art, socleur, sculpteur, photographe, plasticien, tapissier, luthier, menuisier, facteur d’arc, créateur de bijoux, peintre, restaurateur de papier font tourner avec animation la dernière cour industrielle en activité de Paris.
Cour de l’Industrie
37 bis rue de Montreuil - Paris 11
Métro Faidherbe-Chaligny ligne 8
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michel et Dominique Renou - Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Sites référents
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