Cinéma : Guy, de Alex Lutz - Avec Alex Lutz, Tom Dingler, Pascale Arbillot



Avant de mourir, la mère de Gauthier lui a appris dans une lettre qu’il serait le fils illégitime de Guy Jamet, une ancienne gloire de la variété française qu’elle idolâtrait. Le vieux chanteur passé de mode vient tout juste de sortir un nouvel album de reprises après des années d’absence et d’oubli aussi. Il est sur le point d’entamer une ultime tournée en province. Gauthier, qui est journaliste, a l’idée d’un documentaire afin de se rapprocher de ce père inconnu. Au fil du tournage, un jeu du chat et de la souris se met en place entre les deux hommes. Leurs rapports se font âpres, complices, roublards, sincères. Derrière l’image un peu pathétique du ringard capricieux, se dessine la véritable personnalité d’un Guy Jamet prisonnier de son image de chanteur pour midinettes, aussi désabusé que lucide quant à ses ridicules, et plutôt amusé par le petit numéro du journaliste.






Filmé en caméra subjective, le personnage de Gauthier le fils naturel dont le père biologique ne soupçonne pas l’existence n’apparaissant pas dans le champ, le deuxième long-métrage réalisé par Alex Lutz surprend par son approche originale. L’idée du faux documentaire permet de jouer avec la fiction et la vraie-fausse réalité dans un mouvement de troublante vraisemblance. 

Forme élégante de parodie où le rire se dispense de moquerie, le film échappe au cynisme grâce à la sincérité de sa démarche, le réalisme d’un personnage conscient que son heure de gloire est passée depuis longtemps, que cette fin de carrière a un petit goût amer. Alex Lutz développe une réflexion mélancolique et émouvante sur le temps qui passe, alternant moments de légèreté et de gravité dans une oeuvre très drôle pleine d’empathie et de tendresse.






Le personnage de Guy Jamet construit par Alex Lutz emprunte à Claude François, Herbert Léonard, Michel Sardou, Jacques Dutronc mais également à Jean-Paul Belmondo ou encore Alain Delon. L’ancienne vedette yéyé imaginaire qui se raccroche à son passé, n’est pas très sympathique au premier abord et très vite dépasse le cliché. 

Grimé, Alex Lutz livre une interprétation remarquable. Son maquillage impressionnant, cinq heures de transformation quotidiennes sous les mains de Laetitia Quillery et Grégory Felley lui donne une base crédible en vieil homme. Mais c’est son travail d’incarnation, la performance de transformiste, la façon dont il bouge, sa démarche, ses gestes, sa posture qui font du sexagénaire dragueur enchaînant les cigarettes une réalité à l’écran. Et puis il y a ces regards dans lesquels se lisent tous les regrets et la fatigue. Le comédien est vraiment bluffant et il est soutenu par une distribution épatante, Pascale Arbillot qui joue Sophie la nouvelle épouse, Nicole Calfan radieuse et nombre de cameos réjouissants. 




Dans Guy, la reconstitution soignée donne à cette histoire de fausse ex idole des sixties un réalisme, une authenticité. Les images du présent tout d’abord. Chez le chanteur retiré dans une maison en Provence avec ses chevaux, c’est l’idée du retraité qui a du mal à renoncer à ses lauriers passés. En tournée avec les galas de province, les voyages en car, les dîners d’après concert, la solitude du saltimbanque, la solitude du saltimbanque affleure. Les images classiques de promo chez Europe 1 et une scène désopilante d’un passage sur le divan de Michel Drucker connectent directement le spectateur aux représentations de la culture populaire. Les flash-backs sont particulièrement réussis avec les fausses images d’archives, reconstitution d’émission de variétés des années 1960-70. La bande originale plus vraie que nature rend hommage aux tubes de cette époque avec des titres tels que Caresse, Dadidou, Un slow avec la lune.

Parvenant à atteindre une forme de vraisemblance troublante, Alex Lutz fait le pari de l’émotion et de la fantaisie dans ce portrait d’une grande justesse d’un artiste populaire au final plus touchant que ridicule. Un très chouette film !

Guy, de Alex Lutz
Avec Alex Lutz, Tom Dingler, Pascale Arbillot, Nicole Calfan, Dani, Elodie Bouchez, Julien Clerc, Bruno Sanchez
Sortie le 29 août 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.