La Fille du train - Paula Hawkins : Rachel a tout perdu à cause de l'alcool, son mariage, son boulot, ses amis. Depuis son divorce, elle a atterri chez Cathy à qui elle n'a pas annoncé son licenciement et prétend chaque matin se rendre à Londres pour travailler en empruntant le train de banlieue de 8h04. Train qui marque un arrêt à proximité de l'endroit où elle a habité avec Tom, où, depuis deux ans, il habite toujours avec Anna, sa nouvelle compagne et le bébé que Rachel n'a jamais pu avoir. Dépressive, jalouse, obsédée par son ancien mari, Rachel se rassérène dès le matin à grandes lampées de gin et sa mémoire souvent lui fait défaut. Elle ne sait plus bien ce qu'elle a fait, ce qu'elle a dit lorsqu'elle était ivre. A côté de la maison de Tom et Anna, de nouveaux voisins se sont installés. Depuis le train d'où Rachel les observe à chaque aller-retour, ils ont l'air très amoureux. Sans connaître leur véritable identité, elle les a surnommés Jess et Jason leur inventant une vie parfaite. Jusqu'au jour où Rachel aperçoit furtivement Jess dans les bras d'un autre homme. Le lendemain, elle découvre dans le journal que celle-ci a disparu et qu'elle s'appelle en réalité Megan. Témoin peu fiable mais persuadée d'avoir vu quelque chose d'important, Rachel se met en relation avec la police et s'immisce dans l'enquête.
Thriller psychologique d'une efficacité redoutable, ce récit à trois voix dresse le portrait de trois femmes reliées par le destin. Saisissant avec beaucoup de justesse les détails du quotidien, Paula Hawkins a su retranscrire la monotonie des jours, cette sensation d'être bloqué dans une boucle temporelle sur le trajet du train entre Londres et sa périphérie. Quand l'imagination s'échappe, le lecteur / spectateur devient voyeur à l'instar de Rachel. Hors de la vie qui se déroule derrière les vitres, l'anti-héroïne projette ses fantasmes de couple idéal en imaginant le quotidien, l'intimité de ceux qu'elle a surnommé Jess et Jason.
L'auteur joue avec nos nerfs dans une reconstruction progressive nous entrainant dans un jeu de faux-semblants, de fausses pistes. Elle noue le suspense autour d'une mémoire parcellaire celle de Rachel introduisant le thème de l'alcoolisme féminin avec sensibilité. Méprisée de tous, Rachel est une femme qui sombre. Divorcée, dépressive, submergée par le chagrin, dévastée par la solitude, elle se révèle enquêtrice obstinée, maladroite souvent. Attachante, vulnérable, elle tente sans succès de préserver les apparences, de mener une vie normale, de surmonter ses angoisses. Elle occupe une position ambiguë dans le récit tant la réalité de sa conscience obscurcie par l'alcool nous fait douter de ses propos.
Alcoolisme, mensonges, trahisons, Paula Hawkins colore son récit d'une atmosphère poisseuse. Les trois femmes qui prennent tour à tour la parole dans un assemblage polyphonique efficace, apportent chacune leurs pièces du puzzle tandis que s'épaissit le mystère. Ces personnages imparfaits, tellement humains dans leurs déconvenues personnelles, leurs doutes, leurs démons, se prêtent facilement à l'identification, nous les rendant d'autant plus familiers. Paula Hawkins creuse les apparences pour nous révéler les manques et les regrets de chacune de ces femmes, leurs attentes déçues, leurs obsessions morbides. En laissant courir la persistance du doute jusqu'au dénouement, elle nous prend dans les rets d'une intrigue retorse. Un thriller haletant !
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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