Expo : Women House, la maison selon elles - Monnaie de Paris - Jusqu'au 28 janvier 2018



Réflexion sur les femmes et l'espace domestique, à la fois symbole d'enfermement et lieu de réinvention, l'exposition Women House à la Monnaie de Paris présente le travail d'une quarantaine d'artistes de la fin des années 1960 à nos jours. Ces plasticiennes interrogent le rapport de la femme à l'espace privé et au foyer auquel les stéréotypes sociétaux la cantonnent. A travers une multitude de points de vue, elles remettent en cause le modèle dominant celui qui oscille à la fin des années 1950 entre la ménagère et la femme objet. Placée sous l'égide de Virginia Woolf, dont un extrait du célèbre essai Une chambre à soi, datant de 1929, ouvre le parcours et rappelle la nécessaire appropriation d'un espace personnel pour créer, cette exposition s'attache à montrer comment ces femmes reconquérant leur propre espace ont fait de la maison un lieu de revendication féministe et de création artistique. Organisé en partenariat avec le National Museum of Women in the Arts de Washington, Women House entre puissamment en écho avec les débats actuels sur l'égalité entre les sexes.











Esprit corrosif, dénonciation subtile, humour tranchant et parfois burlesque, les pionnières militantes ont ouvert la voie à plusieurs générations de femmes artistes. Le circuit de Women House conçu par la commissaire Lucia Pesapane et la nouvelle directrice artistique de la Monnaie de Paris, Camille Morineau, semble prolonger le discours suggéré par l'accrochage Elles@centrepompidou (de mai 2009 à février 2011) dont cette dernière a été commissaire générale. Un accrochage qui explorait la diversité des pratiques plastiques des femmes artistes à travers un parcours thématique et chronologique. Dans les allées de la Monnaie de Paris, la puissance écrasante des créatures monumentales de Louise Bourgeois, Joana Vasconcelos et Niki de Saint Phalle célèbre un corps féminin exacerbé, métaphorique, libéré des stéréotypes.








Créations fortes et découvertes, les plasticiennes prennent position dès la fin des années 1960 alors que la politisation des femmes mène aux revendications de l'égalité des sexes. Les artistes dénoncent la prison du foyer. Enfermées dans un rôle social, les femmes sont cantonnées à l'espace intérieur et domestique alors que les hommes s'approprient librement l'espace public.

Le documentaire de Johanna Demetrekas relate l'expérience menée en 1972 par Miriam Schapiro et Judy Chicago. Enseignantes au California Institute of the Arts, elles n'ont pas de lieu pour dispenser leurs cours, les travaux de construction des bâtiments leur étant dévolus peinant à prendre fin. Elles décident alors d'investir une maison abandonnée avec leurs élèves. Ensemble, elles la transforment en espace d'exposition et de performances qu'elles nomment Woman House, véritable manifeste féministe. C'est à cet acte fondateur que l'événement organisé à la Monnaie de Paris rend hommage.











Inversion des modèles, des rapports de force, provocation, rébellion contre la privation d'espace personnel, de travail, de reconnaissance, les femmes artistes choisissent de rendre public l'intime afin de lui donner une dimension politique. A la fin des années 1960, Martha Rosler se filme en train de passer l'aspirateur dans une critique vive de l'univers du pop art où seuls les hommes semblent avoir le droit de cité. Ses collages photos hybrident le corps de la femme jusqu'à le transformer en pièces d'électroménager.

Un motif que l'on retrouve dans l'oeuvre de l'autrichienne Birgit Jürgenssen lorsque la ménagère et sa gazinière se fondent en une seule entité. Détournant l'image de la pin-up et de la femme au foyer, cette artiste croque avec humour des moments du quotidien pour exposer et dénoncer les aléas de la vie domestique dans ce qu'elle a de plus rébarbatif. Dans la même veine, la Madone des naissances de Valie Export datant de 1976 représente une femme qui accouche d'une machine à laver tandis que la brésilienne Leticia Parente se filme en train de repasser un homme.









Dans la série de photographies Untitled Film Still, Cindy Sherman détourne les stéréotypes des productions hollywoodiennes à travers des autoportraits drolatiques qui questionnent la représentation des femmes à l'écran. La photographe portugaise Helena Almeida saisit l'image de mains caressant les barreaux de la maison-prison.

La néerlandaise, Lydia Schouten se filme dans une cage comme un fauve tournant en rond alors que les barreaux recouverts de peinture fraîche maculent peu à peu son corps. Les autoportraits fascinants de la photographe Francesca Woodman, tragiquement décédée à l'âge de 22 ans, mettent en scène, nimbé d'une sensualité jamais sexuée, le corps se dissolvant peu à peu dans le décor. Son oeuvre a eu une grande influence sur la création photographique contemporaine.










Les femmes artistes agissent comme des catalyseurs du changement sur l'égalité en interrogeant perpétuellement l'identité. Sous leur influence, le foyer se fait espace de réflexion politique. La britannique Rachel Whiteread réalise un jeu d'échecs dont les pièces sont des meubles, des seaux, des poubelles tous les symboles de la maison tandis que dans la maison de poupée cauchemardesque de Penny Slinger, des monstres phallus errent dans les couloirs et des blondes éventrées gisent ensanglantées.

Le motif singulier de la femme-maison imaginé par Louise Bourgeois suggère qu'en faisant sien l'espace domestique, un lent processus de fusion physique entre la femme et son foyer s'est mis en place. La série des Nanas-maisons de Niki de Saint-Phalle reprend cette idée d'une femme si étroitement liée à son logis qu'elle se transforme en une sorte de bâtiment un peu inquiétant, femme ouverte et protectrice ou englobante jusqu'à l'asphyxie, retour au giron maternel. Zanele Muholi, Andrea Zittel, Elsa Sahal, Laure Tixier ou Pia Camil sont les nouvelles militantes de la jeune génération en lutte contre les discriminations. 

Women House, la maison selon elles
Jusqu'au 28 janvier 2018

11 quai Conti -  Paris 6
Horaires : Ouvert tous les jours de 11h à 19h - Jeudi jusqu'à 22h
Tél : 01 40 46 56 66



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.