Lundi Librairie : Ma Reine - Jean-Baptiste Andrea - Sélection Cultura Talents à découvrir 2017



Ma Reine - Jean-Baptiste Andrea : Eté 1965, un jeune garçon de douze ans s'ennuie dans la station-essence de ses parents, perdue dans les collines de Haute-Provence. Les voitures se font rares, les automobilistes préférant les grosses structures multinationales. Le gamin ne parvenait pas à suivre les leçons de l'institutrice. Il a été déscolarisé. Différent, maltraité par Macret, la petite brute de l'école, il ne trouve pas sa place dans un monde avec lequel il est en décalage. Lorsque, par accident, il manque de mettre le feu à la garrigue, ses parents se résolvent, sur les conseils de la sœur aînée, à l'envoyer dans une institution spécialisée. Il décide alors de partir à la guerre, celle que l'on voit à la télévision, pour prouver qu'il est devenu un homme et gagner des médailles. Il ne sait pas bien où se trouve cette guerre, au-delà des montagnes certainement. Oubliant son sac à dos, il quitte la maison en quête d'aventures. Réfugié dans une bergerie abandonnée, le garçon candide fait la connaissance de Viviane, une petite parisienne en vacances. Cette intrépide fille-fée s'autoproclame "reine du plateau et des montagnes" et exige qu'il la serve fidèlement. Elle le rebaptise Shell d'après la broderie de son blouson promotionnel, lui raconte des histoires merveilleuses, invente des jeux sans fin. 

Ma Reine, oeuvre solaire, conte initiatique poétique, nous entraîne au pays de l'enfance où se côtoient l'innocence et la cruauté, les grands bonheurs et les douleurs inconsolables. Réalisateur, scénariste, Jean-Baptiste Andrea nous livre dans ce premier roman une ode poignante à l'imagination, interrogeant avec une grande finesse les notions d'altérité et de normalité. Il célèbre la fantaisie, la grâce des jolis mensonges et la candeur comme une forme de liberté ultime.

La sensibilité à fleur de peau de l'écrivain s'exprime sans aucune mièvrerie dans l'émotion sincère à hauteur d'enfant. Jouant sur le décalage de l'imagination qui donne au monde une dimension onirique, il peint par petites touches la splendeur des paysages de Provence. La lumière, les couleurs, les parfums exaltent les sens dans une évocation impressionniste où se retrouvent l'écho des romans de Jean Giono. Limpidité d'un verbe des sensations, richesse des images irradiées de lumière, sa plume symboliste se déploie en trilles claires, modulations musicales d'une pureté de cristal.

La fragilité de Shell, son étrangeté sont soulignées par une capacité d'émerveillement intacte, celle de ne retenir que les joies, les beaux moments, fussent-ils minuscules. Tandis que les jeux de l'enfance se prolongent, l'adolescence et les transformations du corps font poindre les premières inquiétudes. Le narrateur lunaire voudrait devenir homme pour mieux se libérer de toutes les souffrances infligées par les adultes mais demeure profondément attaché à cette forme d'innocence heureuse, seule capable de réenchanter la réalité. Sur le plateau de la vallée d'Asse, il découvre l'amitié et l'amour en compagnie de Viviane. Mais cette relation, qui n'est pas sans rappeler celle du petit Marcel et de la jolie peste dans Le Temps des secrets de Pagnol, lui apprend également le manque, la douleur infligée par l'être aimé, la trahison.

Peuplée de personnages attachants, cette fable douce-amère est une somptuosité romanesque, poignante, singulière. A découvrir absolument !




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.