Cinéma : 120 battements par minute, de Robin Campillo - Avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel



Au début des années 90, l'épidémie du sida tue depuis près de dix ans dans l'indifférence des pouvoirs publics. Nathan, séronégatif, a rejoint depuis peu l'organisation Act Up, un groupe d'activistes qui défend les droits de toutes les personnes touchées par le sida. Il tombe amoureux de Sean, jeune homme révolté, séropositif qui se sait condamné. Leur histoire débute comme une course contre la mort, pour vivre et aimer encore. De plus en plus fragilisé par la maladie, Sean met ses dernières forces dans son engagement radical. Dans des amphis éclairés au néon, se tiennent toutes les semaines des réunions où les militants d'Act Up disent les choses et définissent les actions à mener pour alerter au sujet de la situation sanitaire et lutter contre la léthargie de la société, l'avidité des laboratoires pharmaceutiques qui entretiennent les pénuries dans un but commercial. Il y a Thibault, Sophie et Max et Germain, des malades et des séronégatifs, des homos et des hétéros, des hommes et des femmes, des hémophiles contaminés lors de transfusion, des mères de séropositifs.





Avec un talent de conteur remarquable, Robin Campillo mêle l'intime et le politique à travers une fresque minutieusement documentée où s'intriquent l'intensité romanesque d'une fiction déchirante et la réalité reconstituée des années Act Up, collectif contesté pour sa radicalité. Le cinéaste a écrit le scénario en collaboration avec Philippe Mangeot ancien dirigeant de l'association née en France en 1989, deux ans après sa création à New York. Des actions spectaculaires aux slogans ravageurs, le combat des malades et de leurs proches fait émerger une communauté qui s'engage avec l'énergie du désespoir dans la représentation et la médiatisation de la maladie. 





Sur les rythmes obsédant de la musique techno, Robin Campillo évoque avec force, sans jamais aucun pathos, la tragédie d'une génération sacrifiée, la rage de vivre d'une jeunesse soudée dans le groupe. Scrutant toutes les facettes d'une époque sur laquelle plane la menace d'une mort précoce, le film possède un ton particulier entre joie, vitalité et sentiment d'urgence face au drame.

La trame biographique fictionnelle se tisse sur le fil du récit de l'engagement collectif. 120 battements par minute est à la fois l'histoire intimiste d'un amour tragique, et celle de l'association dont le réalisateur décortique le fonctionnement, les décisions collectives et les actions mais également les conflits internes, les ratés et les désaccords majeurs entre les membres.




Le réalisateur embrasse le point de vue fort de ces personnages, jeunes gays qui refusent de renoncer au plaisir, pour mieux dénoncer le retour actuel de l'ordre moral. La justesse des figures incarnés doit beaucoup au remarquable travail des comédiens. Fiévreux, électrique Nahuel Pérez Biscayart qui joue Sean est une révélation incandescente. Attachant, nuancé, Arnaud Valois est un Nathan épatant. Tribun subtil, orateur né, le personnage de Thibault inspiré par le cofondateur d'Act Up, Didier Lestrade, trouve en Antoine Reinartz un interprète formidable. Adèle Haenel est superbe en pasionaria engagée.

Subversif, sensuel et tendre, plein d'autodérision aussi, 120 battements par minute explore les aspects intime, politique, social et médical du sida avec beaucoup de force et de pudeur. Un film important, une oeuvre bouleversante.

120 battements par minute de Robin Campillo
Avec Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel, Antoine Reinartz, Félix Maritaud
Sortie le 23 août 2017 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.