Lundi Librairie : California Girls - Simon Liberati



California Girls - Simon Liberati : Los Angeles 1969. Charles Manson, ancien proxénète passé maître dans l'art de manipuler les très jeunes femmes, a fondé une secte qu'il nomme la Family. Ses rêves de gloire musicale envolés, il traîne son aigreur mais fréquente encore le milieu des producteurs. La communauté de Manson a trouvé refuge au Spahn Ranch, d'anciens décor de cinéma dans les collines de Los Angeles. Elucubrations psychotiques et idéologie fumeuse, le gourou suprémaciste et sataniste mystique se prend pour la réincarnation de Jésus-Christ. Obsédé par l'album blanc des Beatles, il y voit des messages. Charles Manson est vénéré par une bande de créatures somnambuliques, hippies fanatisés, drogués, paumés qui ont perdu le contact avec la réalité sur fond. La Family vit de rapines de plus en plus violentes, le gourou s'excluant lui-même des exactions qu'il commandite. Katie, Sadie, Squeaky, Gipsy, Leslie, Snake, des filles mineures, sont à la fois son harem et son bras armé. Jusqu'au jour où le Manson décide de prendre sa revanche contre les élites qui l'ont dédaigné en ordonnant à ses fidèles de commettre des meurtres dans les quartiers résidentiels de la ville. Le 8 août, sur les hauteurs de LA, trois filles et un garçon de la Family pénètrent dans la propriété du 10050 Cielo Drive et tuent d'une façon atroce cinq personnes dont Sharon Tate, épouse de Roman Polanski enceinte de huit mois.

L'impact médiatique de ce fait divers effroyable a marqué la fin d'une époque, la fin de l'utopie libertaire des années 60. C'est avec sidération que le lecteur plonge au cœur de la secte de Manson au cours de ces 36 heures de violence aveugle. Simon Liberati scrute avec une précision maniaque, une obsession du détail, ce déchaînement de sauvagerie, une série de meurtres horrible et sans véritable mobile qui se prolonge au delà de ce que la presse a appelé les Tates Murders. Sans complaisance, l'auteur nous livre dans toute sa crudité, la folie de cette nuit sanglante, ne nous épargnant rien de l'insoutenable boucherie, de l'effroyable martyr des victimes. Dans un sentiment de malaise, ce récit précis, âpre, net, ultra-documenté, au plus près de la réalité interroge le rejet de la morale, le nihilisme et la soumission à un endoctrinement.

La minutieuse reconstitution de l'atmosphère délétère au sein de la Family, les lieux, les mœurs, l'entourage, redonne vie à une époque durant laquelle la part de ténèbres inscrite dans toute utopie se révèle jusqu'aux pires déviances. Le parti pris romanesque fort de restituer au plus juste par une écriture précise, chirurgicale, sans aucun effet de style pour atténuer l'horreur permet à l'auteur de dresser le tableau terrifiant d'une jeunesse en perdition emportée par la folie meurtrière.

Mise à nu de l'âme humaine, sauvagerie et instinct de mort, California Girls questionne, macabre, les mécanismes du mal absolu, l'énigme anxiogène de ces jeunes filles devenues des monstres sanguinaires sans remords. Abrutissement volontaire dans un monde déglingué, elles choisissent d'appartenir à une famille pour ne plus être seules et accepte de commettre en son nom les pires atrocités. Et le libre arbitre dans tout cela ? Charles Manson leur a dit que tuer ne compte pas car la mort est une illusion. Dans cette violence lénifiante, il y a comme des échos d'Orange Mécanique. Un livre dérangeant mais captivant.

California Girls - Simon Liberati - Editions Grasset



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.