Expo : StinkFish Solo Show, les couleurs du street art - Next Street Gallery - Jusqu'au 28 avril 2016



Expression artistique libre, spontanée, en prise directe avec le public des citadins, le street art célèbre à la fois la mémoire collective et celle personnelle des artistes. Art contextuel fondé sur le principe d'immersion, il procède d'une esthétique du surgissement où le réel est prélevé à un niveau élémentaire. Reconfigurant l'espace urbain à sa mesure, l'artiste corrige l'esthétique publique ou fait valoir une présence polémique. Acte déclaratif et participatif violemment correcteur, message social énergique, le graffiti est une formule plastique qui vient requalifier de façon éphémère la géographie sensible de la ville. Aujourd'hui, je vous emmène découvrir à la Next Street Gallery le travail d'un jeune artiste colombien, StinkFish dont c'est la première exposition en France.






Né à Mexico au début des années 80, StinkFish s'installe en Colombie avec ses parents alors qu'il est encore enfant. A quinze ans, l'artiste en herbe appose au marqueur un peu partout sa signature "Stink" sorte de clin d'œil à la musique punk qu'il écoute. Il y ajoute Fish sur un coup de tête.  Plus tard, quand il descend dans la rue et s'implique dans le graffiti, le pseudonyme est tout trouvé, ce sera StinkFish. 

Il intervient cependant sous d'autres alias tels que Knites, El Hate, Quetzal. Le mouvement street art des années 90 à Bogota va beaucoup influencer son travail. Au début des années 2000, l'appel du mur se fait sentir. En 2003, il fonde avec des amis le collectif Excused Printsystem. Autocollants, affiches et premiers pochoirs, ils participent de l'émergence d'une nouvelle scène d'art urbain entre 2006 et 2007.

Autodidacte, peu à peu StinkFish trouve son style en s'inspirant des interactions avec ses proches, Lorenzo, Masnah, Saks, Buytronick, Mecamutanterio, Seimiek, Soft, Anger, Zas, Malk, and Onesto qui deviennent sa zone d'influence. Aujourd'hui, il photographie des anonymes dans la rue, capturer des instants d'humanité quotidiens. A partir de ces clichés qu'il retravaille, il crée des pochoirs. Sa pate distinctive célèbre la liberté à travers des œuvres aux couleurs vibrantes, une forme d'art figuratif mâtiné de psychédélisme. Pochoir, peinture, bombe, collage, il superpose les couches et les motifs dans une dynamique sauvage et sporadique, pratique vivante qui amène une forte réponse émotionnelle.








Pour StinkFish, intervenir dans la rue signifie intégrer son travail au quotidien des gens. Dans ses interviews, il souligne l'idée de libre appropriation physique du territoire urbain, lieu de coexistence et de partage. Art du geste public, de la provocation, de la participation, le graffiti est une célébration de la ville moderne, espace des mutations territoriales, chronotope essentiel de la création. Il s'agit d'une conquête graduelle du territoire de la cité à la fois périmètre d'intervention, réservoir et argument artistique.

Dans ses improvisations graphiques, StinkFish puise la réalité de la rue dans un rapport physique incarné, une formalisation inédite, mutation esthétique impérative liée au support. La réalité de la ville donne l'échantillon que l'artiste va retravailler recombiner en ouvrant une nouvelle surface d'expression. Goût de l'intrusion et défiance par rapport aux programmes officiels, le graffeur offre une autre lecture de la ville remettant en cause les pratiques artistiques conventionnelles. StinkFish recherche particulièrement les murs abîmés, ceux qui ont déjà une histoire, ceux qui interpellent et posent une question à laquelle il apporte sa réponse en esthétisant cet espace selon un angle inattendu.







De l'art de la représentation à l'art de l'appropriation du réel, le street art est également selon StinkFish un acte politique d'expression, de revendication du territoire urbain devenu sous les couleurs de l'artiste une zone de protestation. La ville source d'images, de formes, de mouvements, par extension d'idées et donc d'activisme est le lieu d'élection de la soumission au pouvoir, administré, surcodé. Il n'y a que ce qui est financé, la publicité qui a droit de présence, transformant le territoire urbain en zone de harcèlement publicitaire. 

L'art public de type contextuel est une résistance à ce balisage généralisé, une alternative à la normalisation, au système de célébration de propagande imposée. A travers une stratégie du libre usage, le street art se propose d'enlever une forme oppressive pour la remplacer par une expression de liberté. L'exploration du tissu urbain prolongée par une réflexion critique possède intrinsèquement une signification sociale entre transgression et velléité de clandestinité, une vision que StinkFish résume par ces mots "destruction, révolution, liberté, amour".








Colombie, Mexique, Guatemala, Espagne, Angleterre, Pays-Bas, France, StinkFish parcourt le monde en préservant son anonymat - relatif - dans l'idée de protéger sa liberté artistique, de rester fidèle à lui-même et à ses convictions. La recherche de légitimité, de crédibilité, a tissé des liens entre la rue et la galerie. Si le street art se qualifie toujours comme une poétique dissidente individualiste pas ennemie du vandalisme, cette forme de dissidence est probablement en passe d'institutionnalisation.

StinkFish Solo Show
Jusqu'au 28 avril 2016

Next Street Gallery
23 rue des Tournelles - Paris 4
Tél : 01 42 78 69 63
Horaires : du mardi au vendredi de 12h à19h et le samedi de 11h à 19h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.