Rue des Maléfices, chronique secrète d'une ville - Jacques Yonnet : Fait prisonnier par les Allemands en 40, Jacques Yonnet s’échappe et rejoint la Résistance. Entre deux faits d’arme, il fréquente un Paris peuplé de gouapes, d’apaches, de gagneuses. De troquets en estaminets, de recoins louches en lieux clandestins, il trace la chronique poétique des bas-fonds où le fantastique se mêle à la vie de tous les jours, de toutes les nuits. Ses pérégrinations révèlent le merveilleux urbain et les chimères d’une ville disparue. Le quotidien de la faune interlope, le petit peuple de Paris, entre bohème et cloche sous l’Occupation et durant l’après-guerre ressemble à s’y méprendre à la Cour des Miracles évoquée par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris. La rue des Maléfices, hantée par le spectre de François Villon, c’est la rue Xavier Privat, à deux pas de la Cathédrale, où résonnent encore la légende des moines anthropophages, celle des Coquillards et la musique des bohémiens sur le parvis.
Historiographe passionné par le vieux Paris, Jacques Yonnet dévoile un florilège à travers lequel il mêle habilement l’Histoire et les contes, les anecdotes recueillies au zinc, les fables secrètes et les faits divers, les énigmes rocambolesques et les drames bien réels. Tout un monde de mystères, se déploie autour de la Montagne Sainte-Geneviève, de la rue Mouffetard à la place Maubeuge. L’auteur nous fait découvrir les us et coutumes du Quartier latin où se croisent mendiants, voleurs, biffins, voyous au grand cœur, crasseux, braillards, avinés, joyeusement immoraux, anachroniques. A ses profondes connaissances, il allie un talent de conteur rare pour évoquer la fine fleur de la bohème, personnages hauts en couleur tel que le gitan de la rue de Bièvre, Danse-Toujours, le Vieux d’Après Minuit, Vladimir l’homme aux genoux tatoués.
Ethnographe et poète, Jacques Yonnet enchante le quotidien parisien traçant un pittoresque portrait de la ville, les artisans aux métiers disparus, les bistrotiers, les clochards qui côtoient rebouteux et jeteurs de sort. Croyances et superstitions, rites païens et pouvoirs occultes, « le merveilleux est monnaie courante ». D’une plume inventive au verbe fleuri, ponctué d’argot parigot, l’auteur fait revivre la gouaille parisienne d’un temps révolu dont on retrouve la trace dans les films de Carné, une ville de nuit qu’illustrent si bien les clichés de Brassaï. Raymond Queneau considérait ce livre comme le plus grand jamais écrit sur Paris. Un recueil haletant, drôle et tragique, infiniment vivant, diablement bien tourné, une pépite enchanteresse.
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