Baek Sehee, community manager d'une maison d'édition sud-coréenne, souffre d'anxiété et se dissimule derrière un masque social qui l'étouffe. Les injonctions sociétales auxquelles elle se plie l'ont conduit à une forme d'épuisement mental dont le repos ne vient pas à bout, sentiment mélancolique chronique. Diagnostiquée d'une dysthymie, humeur dépressive persistante, elle cherche de l'aide auprès d'une psychiatre qu'elle consulte plusieurs fois par semaine. Durant douze semaines, avec l'accord de sa thérapeute, elle enregistre les séances. Aux retranscriptions, Baek Sehee ajoute des pages dans lesquelles elle couche ses réflexions au sujet de la santé mentale, les traumas, la féminité, les rapports humains et les rencontres, les comportements néfastes, la complexité de la réalité.
Née en 1990, génération des milléniaux, Baek Sehee a produit un ouvrage très contemporain sur la santé mentale à l'ère des réseaux sociaux et du bouleversement des relations humaines. À la fois livre de développement personnel et mémoire, "Je veux mourir mais je mangerais bien du tteokbokki" a été publié en Corée du Sud en 2018. Ce phénomène de l'auto-édition, fruit d'un financement participatif, a traversé les frontières pour devenir un best-seller traduit en vingt-cinq langues, notamment en français depuis l'anglais aux éditions Leduc en 2023.
La sincérité des séances de thérapie, la difficulté pour trouver les traitements pour lutter contre la dépression, résonne puissamment dans un écho universel malgré un ancrage culturel dans la société sud-coréenne et ses particularités. Baek Sehee a le courage de se dévoiler sans fards dans la retranscription des séances thérapeutiques. Elle fait face à ses propres failles et les expose. Dans la réalité crue des échanges avec sa psychiatre, la récurrence des problématiques, l'éclairage n'est pas toujours flatteur, incarnant dans toute sa complexité le propos sur la santé mentale. L'auteure révèle ses parts d'ombre, ses paradoxes, son dégoût de soi, le poids des injonction sociétales, les traumas d'enfance, les difficultés intimes, la peur de la solitude, la co-dépendance. Les dialogues éclairent sa tendance aux jugements manichéens sur les événements, les gens, les comportements. Elle doute en permanence des intentions réelles de ses proches, recherche et craint les compliments.
L'image impassible qu'elle projette d'elle-même en société contraste avec la réalité de son état psychique. Les retranscriptions littérales font naître un sentiment d'empathie. Baek Sehee recherche des solutions dans les livres de développement personnel tout autant que dans sa thérapie et les médicaments disponibles. En quête de reconstruction, le dialogue initié avec sa thérapeute apparaît comme le coeur d'un long processus de guérison, les conseils. Baek Sehee normalise la parole au sujet de la santé mentale, retourne les stigmates associés et fait disparaître la honte.
Je veux mourir mais je mangerais bien du tteokbokki - Baek Sehee - Traduction Julie Blanc - Éditions Leduc - Poche Pocket
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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