Expo : Corita Kent. La révolution joyeuse - Collège des Bernardins - Jusqu'au 21 décembre 2024

 


L'exposition "Corita Kent. La révolution joyeuse", évènement gratuit au Collège des Bernardins, retrace le parcours atypique d'une figure du pop art méconnue, détachée des courants newyorkais. Corita Kent (1918-1986), artiste militante, religieuse progressiste, frondeuse anticonformiste suit, tout au long de son existence, sa propre voie en marge du monde de l'art. Inclassable, elle connait de son vivant une renommée certaine qui la porte en une du magazine Newsweek. Elle retombe dans l'oubli au lendemain de sa disparition, éclipsée par les figures tutélaires masculines du mouvement, Andy Warhol, Claes Oldenburg, Jasper Johns. Son oeuvre d'une contemporanéité troublante, bien moins datée que ses pairs, est redécouverte aux États-Unis dans les années 2000. La galerie Allen à Paris la représente depuis 2014. Elle laisse en héritage un corpus de près de 700 affiches dont le Collège des Bernardins présente un florilège à l'occasion de l'exposition "Corita Kent. La révolution joyeuse".  L'exposition, orchestrée par les commissaires Clara Murawiec et Juliette Oudot, designers graphiques, diplômées de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD) a été initiée en partenariat avec le Corita Art Center de Los Angeles, l'École des arts décoratifs. Nicolas et Agnès de Palmaert de l'Atelier des Palmar signent la scénographie. 








Le dispositif introductif déployé au sein du réfectoire du Collège des Bernardins retrace la vie, l'oeuvre, les engagements de Corita Kent. Une trentaine d'oeuvres sérigraphiques, médium de prédilection de l'artiste, souligne son goût pour les associations inattendues, références savantes et iconographie populaire, foi indissociable de son art et slogans publicitaires détournés, exubérance de la palette chromatique et graphisme efficace. Quatre-vingt images issues des collections de Corita Kent qui comptent près de quinze-mille diapositives, photographies prises entre 1955 et 1968, sont projetées dans le cadre d'une installation, première édition de Catching Sight, série d'expositions photographiques organisées par le Corita Kent Art Center de Los Angeles au Collège des Bernardins.

Soeur Mary Corita, née dans l'Iowa, entre dans les ordres et rejoint la communauté catholique des sœurs du Cœur Immaculé de Marie à Los Angeles en 1936. En parallèle, elle suit des cours à l'Otis College of Art and Design et au Chouinard Art Institute. Par la suite, elle obtient, en 1941, une licence à l'Immaculate Heart College, ainsi qu'une maîtrise d'histoire de l'art à l'université de Californie du Sud en 1951. Elle devient enseignante au sein de l'Immaculate Heart College où elle dirige bientôt le département des arts.

Artiste dont la pratique s'est développée dans le contexte des années 1960-70, elle embrasse par son oeuvre les combats politiques initiés par une jeunesse en quête d'émancipation. Ses sérigraphies rendent compte de l'émergence de mouvements militants, le combat pour les droits civiques, le féminisme, l'engagement contre la guerre au Vietnam. L'art politique de Corita Kent porte des valeurs de tolérances, de pacifisme, d'égalité. Elle s'engage contre les discriminations, le racisme, la pauvreté, les injustices sociales

Le mouvement Pop art nait en réaction aux impérities de la société occidentale industrialisée capitaliste. Il prend une dimension ironique, distanciation parodique, expression d'une critique sociétale. Les formes simples se veulent accessibles. Les éléments prélevés directement dans le quotidien sont réintroduits dans le champ pictural. Le principe de reproduction via notamment la sérigraphie remet en cause le principe d'unicité de l'oeuvre. 

L'avènement de la société de consommation conduit à une prolifération des espaces de publicité et une profusion des symboles. Le pop art de Corita Kent s'approprie les images de réclames pour les détournements, prélèvement des signes à un niveau élémentaire. L'artiste s'approprie le vocabulaire plastique de la publicité, reproduit des logos, associe slogans, textes de journaux, paroles de chansons, aux versets bibliques et aux références de la littérature classique. 








Par son art turbulent et joyeux mais néanmoins reflet d'une foi sincère, profonde, Corita Kent transmet le message d'amour du Christ et accompagne le mouvement de modernisation de l'Église initiée par le Conseil de Vatican II en 1962. Professeur dynamique, elle innove lors des "Mary's Days", journées de Marie de l'Immaculate Heart College, en organisant des processions à travers la ville de Los Angeles. Sous son influence, cette université devient un centre important de l'avant-garde artistique. Les nombreuses photographies prises par Corita Kent documentent la vie quotidienne des étudiants et des professeurs ainsi que leur l'engagement communautaire. Décriée par les milieux chrétiens pour ses audaces, ses irrévérences, Corita Kent manifeste sa foi dans des slogans rieurs, à l'instar de la série Tomato, où elle écrit "Mary Mother is the juiciest tomato of them all". Ses avions deviennent des anges. Le Wonder bread" évoque l'eucharistie. 

En 1969, elle quitte l'ordre du Coeur Immaculé de Marie et emménage à Boston où elle connait une autonomie nouvelle. Son art se renouvelle prend un tournant plus grave. Les sérigraphies de cette époque sont ponctuées de slogans politiques qui protestent contre la guerre du Vietnam, "Stop the bombing", "Make love not war". Elle se rapproche des milieux anarchistes chrétiens, ami de Daniel Berrigan prêtre jésuite recherché par le FBI pour avoir brûlé des dossiers militaires au napalm. Corita Kent ajoute des photographies de Martin Luther King, s'engage pour les droits civiques.

Elle organise de nombreuses expositions afin de vendre ses pièces parfois à des prix dérisoires. Certaines sérigraphies portent encore au revers la mention dix dollars. Elle multiplie les projets dans l'espace public notamment un réservoir à Boston, travaille en collaboration avec les institutions publiques, elle réalise une série de timbres pour la Poste américaine, ou les entreprises privées notamment IBM. Elle disparait en 1986. Désormais, le Corita Art Center oeuvre à la conservation et au rayonnement de son travail.

Corita Kent. La révolution joyeuse
Jusqu'au 21 décembre 2024

Collège des Bernardins 
20 rue de Poissy - Paris 5
Tél : 01 53 10 74 44
Horaires :



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.